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sur 1339 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ecrit en 1767, par un Voltaire de soixante-treize ans, édité en Suisse où il réside depuis 1760, l'Ingénu est souvent considéré comme le dernier grand conte philosophique de l'auteur, prenant la suite de Zadig, Micromégas, Candide.

Le personnage principal est un Huron, c'est à dire un Indien d'Amérique, qui suite à des pérégrinations invraisemblables se retrouve en France, où il est reconnu comme le neveu de l'abbé de Kerkabon. Sa liberté de ton, sa noblesse naturelle, séduisent la petite société bretonne et il s'engage dans un amour partagé avec la belle demoiselle Saint-Yves. Mais cette dernière n'envisage pas de lien en dehors du mariage, et celui-ci nécessite un baptême, une conversion au catholicisme de notre Huron qui serait plutôt déiste. Il y consent, mais Saint-Yves ayant été sa marraine, le mariage devient impossible, ou demande tout au moins une dispense. L'Ingénu (devenu Hercule depuis le baptême) veut monter à Paris pour obtenir la dite dispense, qu'il pense d'autant plus mériter, qu'il a défait des Anglais venu guerroyer sur les côtes bretonnes. Mais il se retrouve en prison à cause de sombres menées d'un jésuite. Saint-Yves va réussir à le délivrer, en cédant aux avances d'un ministre puissant. Cette action va tellement la plonger dans la culpabilité, qu'elle va en mourir.

Nous sommes dans un récit qui rappelle Les lettres persanes de Montesquieu : un étranger porte un regard sur la société française, sur ses moeurs et usages, de l'extérieur, avec une distance critique. Mais l'Ingénu est censé représenter un être élevé sans préjugés, en dehors des normes et règles d'une société structurée, un être de nature, qui pense de manière juste et droite. Cet observateur et ses réactions devant ce qu'il découvre, permet à Voltaire d'aborder un certain nombre de questions philosophiques qu'il considère comme importantes.

Une de ces questions est le rapport à la religion. Tout le monde souhaite convertir à tout prix l'Ingénue à la religion catholique, en dehors point de salut, ni de mariage. Notre Huron se perd un peu dans des différences entre courants du christianisme, est révulsé par les persécutions dont sont l'objet les Huguenots (le récit se passe peu après la révocation de l'édit De Nantes), il s'attache à un janséniste emprisonné. Tout cela pose les questions de la tolérance et du fanatisme religieux, illustrées par les souffrances infligées au nom de la religion. Voltaire se montre particulièrement féroce avec les Jésuites. le personnage principal oppose à tout cela sa religion naturelle, qui est une sorte de déisme rationaliste, Dieu est le créateur de la loi de la nature et se moque des rites et des différences dogmatiques, qui ne sont que des inventions des hommes, donnant à certains le pouvoir sur leurs congénères.

Voltaire fait aussi une critique politique, mettant en cause des emprisonnements arbitraires. Il questionne les corruptions diverses, et plaide pour une reconnaissance des mérites, de l'utilité, pour pour une mobilité sociale qui en serait la conséquence, au détriment des situations héritées, et met en cause la vénalité des charges, qui placent au pouvoir ceux qui peuvent les payer et qui en profitent pour en tirer un maximum d'argent ou d'avantages.

Mais en même temps, Voltaire dresse le portrait d'un Huron à qui le passage dans la société française profite aussi : il apprend à vivre en société, à se policer, à réfréner certains de ses élans pour tenir compte des autres. Pour Voltaire, la sociabilité est une valeur essentielle et il prend ici très clairement ses distances avec le mythe du « bon sauvage ». L'Ingénu résume à la fin du livre le meilleur des deux mondes, celui de la société « primitive » libre de préjuges et suivant la loi naturelle, mais aussi la sociabilité, le respect d'un certain nombre de règles propre à une société constituée.

Par rapport à ses contes philosophiques antérieurs, Voltaire introduit une tonalité sentimentale, en particulier dans la figure de mademoiselle de Saint-Yves. L'histoire d'amour entre elle et l'Ingénue n'a pas le caractère ironique et distancié qu'ont pu avoir les aventures amoureuses dans les contes plus anciens, la destinée de la jeune femme est tragique, ce qui donne une tonalité pathétique à la fin du roman. Même si Voltaire, par la bouche d'un de ses personnage affirme « à quelque chose malheur est bon », son habituelle ironie laisse le lecteur libre de le croire ou non.
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Je n'avais jamais lu L'Ingénu de Voltaire, moins connu que Zadig ou Candide, mais un cours de la Sorbonne que je suis sur Internet a attiré mon attention dessus. C'est un conte philosophique qui met en scène un Huron du Canada venu découvrir la France, un peu sur le principe des Persans de Montesquieu. Comme toujours dans les contes De Voltaire, le rythme est rapide et sans fioritures.
L'ingénu, tout pétri de principes rationnels et "naturels", se trouve confronté aux illogismes, aux injustices et au crimes de la société française. Il s'affronte à l'intolérance religieuse, au fanatisme, aux Jésuites (source de bien des maux selon Voltaire), à la corruption de la Cour, pour finir embastillé pendant près d'un an. Là il a la chance de trouver son abbé Faria en la personne d'un Janséniste qui l'instruit et lui permet ainsi de survivre à son emprisonnement.
Tout finira par s'arranger… ou presque. Notre Huron finira seul, sa belle ayant succombé à sa honte et à ses préjugés. Il aura certes bien des vertus philosophiques mais ne pourra pas grand-chose contre le mal qui règne en ce monde ou la violence des hommes. La fin ironique reste douce-amère et ne permet pas de trancher sur la vérité ou la fausseté de l'adage : "A quelque chose, malheur est bon".
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L'Ingénu, c'est un jeune Huron d'Amérique qui débarque en Europe en 1689. Bien des surprises attendent ce "sauvage" ! L'une des premières est que ces européens ont des moeurs anormales, amorales, surtout lorsqu'elles sont dictées par des religieux fanatiques. Les plus "sauvages" sont bien ceux qui le qualifient comme tel.

Voltaire (François-Marie Arouet, 1694-1778) manie l'ironie avec virtuosité, dénonçant les abus de nombreux religieux de tous bords.
C'est l'édition Classicolycée de Belin-Gallimard que j'ai lue, avec de nombreux commentaires destinés aux lycéens : beaucoup d'entre eux ne m'ont pas été utiles, mais j'ai été content de trouver quelques indications biographiques sur l'auteur ainsi que des informations sur le contexte historique.
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La finesse et l'habileté avec laquelle Voltaire arrive à réprouver et accuser ses contraires: remarquable.

C'est un très bon conte moral, satirique et cynique. Voltaire a encore une fois posé des mots à travers moqueries, ironie, et critique politique, sociale et culturelle de l'ère appartenant à Louis XIV.
En revanche, je ne l'ai pas trouvé aussi convaincant que Zadig, faisant celui-ci part de davantage de fantaisie.

J'ai bien aimé le fait que l'Ingénu soit retenu prisonnier à la bastille, comme Voltaire, pendant onze mois, comme Voltaire également.

Le chapitre XIII correspondant au voyage à Paris, puis à Versailles de la belle Saint-Yves, s'apparente un peu à un téléphone arabe ecclésiastique, de même que pour l'arrivée de l'Ingénu sur la capitale, avant son passage à la Bastille.

Le chapitre XVI est l'un de mes préférés: La belle Saint-Yves confrontée au vice et à la malhonnêteté de l'homme.
Elle s'en va dénoncer un jésuite empli de fourberie, lui promettant délivrance en échange de volupté.
Là est toute la dénonciation De Voltaire: même un homme d'église serait prêt à trahir la loi de Dieu pour un plaisir éphémère. Et pire encore, ce même Saint sera excusé et entendu par un confrère, tout ça grâce à son statut, en l'occurrence, ici, un Saint décrit comme « bon chrétien et protecteur de la bonne cause », mais surtout, familier d'un « grand ministre ».
Ici, le Statut passe avant la morale religieuse et Voltaire nous le fait bien comprendre.
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A l'époque où la censure est forte, Voltaire choisit une approche ressemblant à un conte philosophique. A travers ses histoires, il invite ses lecteurs à penser autrement.

Tout d'abord, il critique la monarchie absolue. Son Ingénu doit faire face aux abus de pouvoir et à l'inaccessibilité du Roi.
Son personnage est capable de passer outre les préjugés. Progressivement, il s'instruit et devient alors capable d'utiliser ses connaissances judicieusement.

Dans la Princesse de Babylone, Voltaire montre les multiples formes d'institutions. Là, le philosophe y expose son rêve de voir une société capable de s'auto-gouverner justement.
J'ai beaucoup apprécié les premiers chapitres qui me faisaient penser à un mélange entre "Les Milles et une nuit" et un récit chevaleresque. Finalement, c'est la plume de l'auteur qui m'a charmée le plus.
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Je ne vais pas m'attarder sur tous les aspects de ce conte De Voltaire, de nombreuses critiques l'ont déjà bien fait. Je voudrais juste souligner le traitement dans l'histoire du personnage féminin de Mademoiselle de Saint-Yves. Discrète au début, elle devient de plus en plus intéressante. Ce personnage est parvenu à me toucher, à m'émouvoir. Sans entrer dans les polémiques sur le féminisme en littérature, c'est une femme à qui on peut encore s'identifier de nos jours. Son sort rend le dénouement surprenant et dur. Contrairement à ce que je redoutais au début, Voltaire n'a pas jeté la faute sur cette femme, mais prend même sa défense, bien que le sexisme soit paradoxalement quand même présent dans l'oeuvre. Mais montrer que ce que les hommes font subir aux femmes comme dans le conte est honteux, est déjà un fait qu'il est bon de voir reconnu.
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L'histoire du Huron, personnage vif d'esprit, découvrant à son arrivée en France, une société normée, soulève de nombreux problèmes d'ordres politiques et religieux. Nous pouvons (malheureusement) y distinguer une situation quelque peu analogue à celle d'aujourd'hui, bien que presque trois siècles se soient écoulés. La réflexion qu'apporte le récit de l'Ingénu est donc toujours d'actualité. Toute cette philosophie est implémentée dans une histoire d'amour assez intéressante. Un grand merci à François-Marie Arouet !
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Un compte philosophique à la « Voltaire » : court, mordant, vif, ironique. Un Huron vierge de toutes connaissances et de toute bien-séance qui arrive dans une France du XVII aux mains du pouvoir royal et religieux, sa naïveté et son ingénuité mettent en lumière les incohérences de la société; la virginité spirituelle du héros apporte une « fraîcheur » dans la critique proposée par l'auteur.
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Les écrivains des Lumières devaient souvent porter des masques pour éviter à leurs critiques sociales et philosophiques les foudres de la censure et à eux-même celles de la loi. L'une de ces ruses consiste à faire endosser la critique par un personnage "extérieur" à la société française dont le regard "naïf" met à jour les turpitudes. Ici il s'agit d'un indien d'Amérique ,un "Huron". S'ajoute à la critique acerbe , la peinture de l'évolution de ce "bon sauvage" et , plus curieusement chez Voltaire , une histoire d'amour dramatique et un peu larmoyante (Digne quasiment du Rousseau de la Nouvelle Héloïse) . Personnellement ,cet aspect me séduit moins.
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L'Ingénu est un conte philosophique, simple mais efficace, De Voltaire. Dans cette oeuvre, Voltaire nous donne ses idées novatrices sur la France du XVIIIe siècle par le biais d'un personnage innocent.

le début de l'histoire retrace donc les aventures d'un Huron qui arrive sur les côtes bretonnes avec des Anglais. Il va ensuite faire la connaissance de monsieur le prieur, qui va se charger de son éducation religieuse, et de sa soeur, Saint Yves, dont il va tomber amoureux. L'Ingénu, c'est le surnom donné au Huron, va suivre à la lettre les principes de la Bible, qui ne sont pas toujours en accord avec les pratiques locales.
Il va être confronté à un premier problème : on lui refuse la main de Saint Yves, car elle est sa marraine. Pour s'assurer qu'ils ne puissent se marier, Saint Yves va être envoyée dans un couvent. Il va donc vivre des aventures pour la libérer au cours desquelles il va se construire en portant un oeil critique sur la France.

D'un côté le conte transmet bien les idées De Voltaire, tel que la futilité du fanatisme religieux, et de ce point de vue c'est une réussite. Cependant, ce livre à mal vieilli sur certains aspects, les problèmes qu'il soulève ne sont pour certains plus d'actualité, par exemple les problèmes relatifs à la monarchie. de plus, ce livre a une histoire très simple, peu développée et ne vaut la peine d'être lu que pour les notions qu'il véhicule.

Tristan et Victor
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