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EAN : 9782348045394
162 pages
La Découverte (05/11/2020)
4.12/5   17 notes
Résumé :
Comment se noue la domination masculine dans les fantasmes ? Et par quels moyens cette domination pourrait-elle se dénouer ? À partir d’entretiens approfondis avec des hommes, Florian Vörös explore les imaginaires sexuels masculins à l’aune d’une pratique très courante, mais peu étudiée par les sciences sociales : le visionnage de pornographie. En mêlant conversations entre hommes sur le plaisir sexuel et réflexion d’inspiration féministe sur les normes, les hiérarc... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Dans la lignée des porn studies, un sociologue étudie les fantasmes masculins à partir du visionnage de pornographie, questionné lors d'entretiens approfondis.

A noter, les hommes interrogés sont hétéro homo ou bi, majoritairement cisgenres, il y a un homme trans et deux femmes lesbiennes. Ils sont majoritairement blancs et de classe moyenne ou supérieur. L'auteur aborde ces biais frontalement dès l'introduction et s'attarde sur les conditions de réalisation de son étude, ce qui présente un grand intérêt.

C'est une excellente étude dans laquelle l'auteur convoque et assume son expérience et sa subjectivité, qui apportent un point de vue supplémentaire au propos.

Deux remises en cause :
- il n'y a pas d'opposition nette entre masculinité toxique et masculinité déconstruite
- les masculinités gays et trans ne sont pas des alternatives à une masculinité cis et hétéro normée, qui seraient épurées de la domination masculine.

C'est un livre extrêmement intéressant car les fantasmes sont une dimension faiblement conscientisée et interrogée, alors que c'est un objet social qui en dit long sur nous et la société dans laquelle on évolue.

Il y a tellement d'éléments intéressants et bien approfondis !
- La pornographie érotise des stéréotypes sociaux (par le genre et la race : on y retrouve la disponibilité érotique des femmes, et la virilité des arabes érotisés dans des comportements de "lascars" clichés, par exemple).
- il y a un cloisonnement conjugalité// vie fantasmatique et visionnage de porno (surtout pour les hommes hétéros).
- les fantasmes porno sont + proches des mondes sexuels historiquement situés comme déviants (masturbation, sexualité en groupe, partenaires occasionnels) que du monde sexuel légitime (le couple).
- le visionnage porno ne définit en rien une orientation sexuelle.
- les cultures queer peuvent être des lieux d'opposition et d'expérimentation.
- le rapport conservateur au genre et a la masculinité (qui doit incarner une forme de virilité) se retrouve dans les entretiens avec les hommes hétéro comme gays ou bi ; il y a une complicité masculine qui se construit sur la misogynie et le masculinisme, au delà d'un clivage qu'on aurait pu imaginer entre homos et hétéros.
- les fantasmes sont genrés et racialisés, mais cela n'empêche pas la stigmatisation d'autres pratiques (par ex BDSM) pour se donner un vernis de respectabilité, d'égalitarisme.
- les fantasmes personnels sont dépositaires d'une histoire coloniale, d'une organisation sociale avec une hiérarchie genrée et raciale.

L'auteur conclut par "dénouer la virilité, renouer avec l'expérimentation", un constat pessimiste sur la domination masculine transversale (opérant dans tous les domaines et non pas seulement la pornographie), mais aussi avec un bref manifeste queer, un encouragement à lutter contre les inégalités sexuelles, un appel joyeux à la transformation de soi et du monde.
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Avec le développement du numérique, la pornographie n'a jamais été aussi facilement accessible qu'aujourd'hui. Les sites de vidéos X regorgent de milliards de contenus classés dans des catégories multiples, identifiables par des mots-clés, qui permettent aux spectateurs·trices de trouver plus facilement ce qui pourrait les exciter. Mais que veulent dire ces fantasmes dans une société régie par la domination masculine et les inégalités de race et de classe ?

Pour comprendre ce qui se joue derrière la consommation de porno, Florian Vörös, sociologue, a mené un travail d'enquête sur les habitudes de visionnage d'un groupe composé majoritairement d'hommes blancs, aux identités sexuelles variées (hétérosexuel, bisexuel, gay) issus des classes moyennes et supérieures, pour analyser leur rapport à la virilité et à la masculinité, mais aussi pour voir jusqu'à quel point leurs fantasmes érotiques sont influencés par les rapports de genre, de classe et de race.


L'auteur commence par s'interroger sur la masturbation pornographique, pratique qui permet d'éprouver, de ressentir la virilité. En effet, la masculinité hégémonique développe une vision essentialiste du désir sexuel masculin : les hommes ont par nature des besoins sexuels supérieurs aux femmes, la capacité à s'exciter rapidement (« tu bandes, tu te branles » résume un des hommes interrogé par l'auteur). La centralité sur la masturbation empêche les hommes hétérosexuels de découvrir d'autres zones érogènes, comme la prostate par exemple. le sexe anal est ainsi perçu comme une pratique uniquement homosexuelle, et donc repoussoir, ce qui empêche au final les hétéros de découvrir de nouveaux plaisirs corporels.

Du côté des fantasmes porno, on retrouve cette focalisation hétéro sur le pénis à travers « l'imaginaire viril d'un corps vigoureux et pénétrant qui prédomine ». Les corps des femmes doivent être conquis et possédés, et il semble inenvisageable aux personnes interrogées qu'une femme puisse dominer sexuellement un homme.

Enfin, pour ces hommes blancs des classes moyennes et supérieures, la virilité ne doit pas être réduite uniquement à son aspect naturel, elle doit aussi être civilisée et se démarquer des autres virilités (noire, arabe, populaire) représentées dans le porno comme étant l'expression de la force physique brute, alors qu'en « contexte bourgeois, la masculinité hégémonique passe par la maîtrise intellectuelle du corps [...] ».

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Lien : https://blogs.mediapart.fr/g..
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Le sociologue Florian Vörös a sondé un panel d'hommes blancs d'âges différents, des classes sociales moyennes et supérieures pour son enquête sur la domination masculine à travers les films pornographiques.
Ces hommes sont hétérosexuels, homosexuels, transgenres etc. Il a laissé la parole aux femmes également, mais très peu ont répondu à son message.
Il est intéressant de voir comment les hommes (et femmes) réagissent devant les scènes des films pornographiques. Leurs témoignages sont parfois déroutants, étonnants aux antipodes de ce que l'on peut penser sur les fantasmes sexuels.
Un essai intéressant.
À découvrir !
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
L’opposition entre couple et pornographie se retrouve également dans le discours des hommes célibataires et multipartenaires. Les fantasmes pornographiques de Louis ne sont « pas si différents » de ce qu’il pratique en club échangiste : levrette, sodomie, urophilie et éjaculation faciale, toujours dans le rôle du dominant. Il ne s’imagine en revanche pas transposer ces pratiques dans le domaine de la sexualité conjugale. Avec son épouse, Louis imagine qu’il aura une sexualité « normale », qui contribuera à la construction d’une famille « saine ». Reprenant à son compte l’opposition patriarcale entre « la putain » et « la maman », Louis dénie aux femmes la liberté sexuelle qu’il s’autorise. Son discours participe du contrôle social à la fois des femmes en couple,qui devraient faire preuve d’une sexualité modérée et respectable, et des femmes multipartenaires, qui se voient ainsi refuser l’accès au couple et à la famille, d’autant plus lorsqu’elles sont travailleuses du sexe. (p. 59)
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Dans son ouvrage fondateur Masculinités, Raewyn Connell avance que « l’oppression situe, parmi les hommes, les masculinités homosexuelles au bas de la hiérarchie de genre. » Selon elle, « dans l’idéologie patriarcale, le gay est le dépositaire de tout ce qui se trouve symboliquement expulsé de la masculinité hégémonique, du goût sophistiqué pour la décoration d’intérieur jusqu’au plaisir anal ». En somme « l’interprétation de l’homosexualité masculine par la culture patriarcale est simple : les gays manqueraient de masculinité. » Tous les hommes gays sont alors pensés comme occupant une même position subordonnée par rapport à la masculinité hégémonique, qui est imaginée comme intrinsèquement hétéro. (p. 113)
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Les hommes hétéro se présentent volontiers comme naturellement attirés par les femmes. A l’issue de son enquête sur les pratiques sexuelles entre hommes « hétéros » et « blancs » aux Etats-Unis, Jane Ward propose a contrario de penser l’hétérosexualité masculine blanche comme une « fétichisation de la norme ». Selon cette perspective, l’identification à l’hétérosexualité masculine blanche est une pratique de normalisation de soi, par opposition aux femmes, aux gays et aux Noirs. Cette identification opère avant tout sur le registre de l’implicite. Les hommes hétéros blancs ont davantage tendance à se présenter comme « normaux » que comme spécifiquement « hétéros » et « blancs » (p. 97).
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L’ignorance des potentialités de plaisir liées à la stimulation de la prostate n’est pas seulement causée par le manque d’éducation ou d’accès à l’information. La construction active de l’ignorance s’inscrit ici dans une défense de l’identité hétérosexuelle par un homme qui cherche à maintenir sa position sociale dominante, dans le domaine de la sexualité et au-delà, en se différenciant en priorité des hommes gays. La connaissance sexuelle du monde par le seul pénis s’accompagne alors d’une déconnexion d’avec les capacités sensorielles du corps humain qui sont dévalorisées en tant que « féminines » et « homosexuelles ». (p. 46)
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Le désir gay pour la virilité hétéro est souvent interprété en terme d’aliénation, de haine de soi et d’homophobie intériorisée. En désirant des hommes hétéros, les hommes gays voueraient un culte à des hommes plus virils qu’eux. Ils resteraient ainsi prisonniers d’un ordre hétéropatriarcal qui place la virilité hétéro au-dessus de l’efféminement gay. La réponse serait alors la fierté gay, qui ouvre à la possibilité de s’aimer soi-même. Ce que cette interprétation en termes de « haine de soi » oublie, c’est que le détournement des représentations hétérosexuelles est au cœur même du fonctionnement des cultures gay.
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