Elle m'aura fait suer cette chronique.
Il m'aura fait souffrir ce roman.
Car comment écrire un retour bienveillant sur un roman qui respire la misogynie à toutes les pages ou presque.
Chaque jour je lutte à mon niveau contre les injustices faites aux femmes. Pour l'égalité des genres. Alors forcément après ce roman, je suis révoltée. Je cherche des réponses, je contextualise, je veux excuser, mais rien n'y fait.
Swa c'est pouah !
Commençons par le positif déjà, car malgré mon positionnement et en toute objectivité, ce roman a des qualités indéniables. Sur une note positive donc, je dirais que le roman peut fasciner et attacher très fort le lecteur ou la lectrice à son récit. C'est palpitant, extrêmement bien écrit (quand l'écriture ne devient pas elle-même, à l'image de la libido débridée des personnages, lubrique) même si la prose verbeuse et le côté pompeux se sont révélés par moment usants. On imagine derrière les mots un auteur autocentré, fier, voire un brin libidineux. Plus d'une fois je me suis vue refermer ce bouquin pour ne plus jamais l'ouvrir. Finalement je le reprenais car je voulais savoir, connaître le fin mot de l'histoire, mais aussi et surtout jusqu'où l'auteur allait nous emmener. Et puis je voulais honorer ce service de presse… enfin… essayer.
L'auteur parvient à maintenir un rythme soutenu tout du long ce qui est assez exceptionnel pour être dit, car rappelons-le, ce roman est l'intégrale d'une trilogie française de science-fantasy (avec une 1ère publication au Fleuve Noir Anticipation en 1982 - dans la même veine masculiniste que La Compagnie des Glaces de G.-J. Arnaud (j'dis ça comme ça au passage) et réédité par Mnémos en janvier 2024).
Malgré tout, la construction m'a semblé bancale et le texte un peu fourre-tout, même si les éléments technologiques et scientifiques, le futur qui côtoie le passé, le primitif vs l'évolué se marient à la perfection à cet univers de fantasy. C'est un peu wtf, on passe de moines sadiques à des pirates sanguinolents à une horde de nomades barbares à une école d'apprentis du Grand Serpent à des scientifiques du passé basés sur une planète-satellite du futur… etc, etc …
L'imagination débordante de l'auteur est plutôt intéressante mais il ne développe jamais vraiment, car au-delà de la violence gratuite et sexuelle, des scènes de torture et des parties de jambes en l'air, je n'ai pas bien compris où il voulait en venir. J'ai eu l'impression de lire un éternel recommencement, un peu comme le jour de la marmotte, avec un schéma qui se répète à l'infini.
Swa est fait prisonnier.
Swa se fait torturer.
Swa s'échappe ou est relâché.
Swa retourne auprès des siens. Et ça recommence. Pareil pour Lsi sa compagne cocue jusqu'à la moelle. Lsi est capturée. Lsi se fait violenter, abuser, violer. Lsi s'échappe. Lsi retrouve
Swa et ils copulent joyeusement pour fêter les retrouvailles.
« En un lointain futur… Qui ressemble au passé… »
Le début commençait pas trop mal, les codes habituels de la fantasy sont retrouvés sous la forme d'un roman d'apprentissage, d'une quête initiatique et identitaire, celle d'un jeune Apprenti nommé
Swa, qui quitte sa Citadelle pour parcourir le monde et étancher sa soif de connaissance. Il fait des rencontres. Il expérimente. Il réalise que le monde n'est pas celui qu'il croyait être. Jusque-là tout va bien.
Et puis arrivent les femmes. Et alors là, c'est la cata.
Parce que je boudais la fantasy précisément pour cela : cette vision masculine, androcentrique, réductrice, retrouvée dans (presque) toutes mes lectures du genre. Où la femme n'est guère considérée plus qu'un objet sexuel. Jouet des hommes et de leurs fantasmes les plus vils.
Malheureusement
Swa ne déroge pas à la règle. Toutes les femmes sont des « putains ». Aucune représentation positive de la femme dans ce modèle sociétal ultra patriarcal, cliché du plus cliché, induisant une soumission ultime de la gent féminine.
La misogynie de l'auteur transpire à travers les pages et lorsque l'on croit avoir touché le fond, ça repart de plus belle ! Je n'ai plus compté le nombre de fois où
Swa a le bas-ventre tout chaud et la tête qui tourne, pas plus que je n'ai compté le nombre de descriptions physiques nauséabondes de la femme hypersexualisée.
Dans ce roman toutes les femmes sont des morceaux de barbaque et pire, elles en redemandent même après un viol en bonne et due forme. J'ai lu des romans plus anciens dont Dune (1965) et à aucun moment je n'ai trouvé ce genre de passage. Comprendra qui veut. le « viens me foutre » qui précède le petit limage et pétrissage, m'a achevée. Ah ça ! Ça ramone bien dans le texte.
« Quel est l'enjeu de la guerre mystérieuse que se livrent toutes ces organisations énigmatiques ? » se demande
Swa.
Justement, je me pose toujours la question.
Tout n'est que violence, acharnements et perversités, tous les hommes se comportent de la même manière, ont la même ligne de conduite et ce peu importe leur ethnie, leur époque, leur culture : ils tuent, violent et réduisent en esclavage. Les femmes sont toutes perçues comme des proies sexuelles, des trophées, pour le bon plaisir des hommes. le pire étant cette norme tout à fait normale qui consiste en ce que les femmes violentées, torturées, violées, récompensent par un acte sexuel consenti la personne qui les sauvera (no comment).
Il n'y a qu'un homme qui puisse avoir écrit cela et ne pas être en capacité de prendre en considération l'état psychologique d'une personne violentée et les séquelles psychiques et physiques que cela peut induire.
En tant que féministe impliquée voire un peu misandre je n'étais clairement pas la cible.
*je remercie tout de même les @editionsmnemos pour ce service de presse que je me suis empressée d'accepter après un pitch prometteur 😬 même si cela n'a pas été concluant (du tout).