Emmanuel de Waresquiel nous livre avec cette Histoire à rebrousse-poil une lecture non aisée, pleine de renvois à d'autres auteurs, théories et évènements pas toujours explicités (l'on se sent parfois un peu ignare face à cette foultitude d'informations transmises comme s'il allait de soi qu'on eût dû en connaître les détails).
Il y questionne la notion de représentation des élites sous la Restauration, dans un monde mouvementé qui voit cohabiter deux visions du passé et du futur : celle dont l'objectif est de restaurer l'Ancien Régime, et une deuxième qui a intériorisé les ruptures qu'ont constitué la Révolution et l'Empire napoléonien. Vaste programme.
L'auteur débute par une petite introduction méthodique où il rappelle l'importance des sources iconographiques et biographiques pour mieux interroger l'histoire (ça tombe bien, il est un spécialiste des portraits des élites sous la Restauration, et s'est farci un bon nombre de biographies dans ses travaux antérieurs), soulignant au passage que la biographie permet de considérer un temps différent de celui que les contemporains ont en tête lorsqu'ils découpent l'histoire en petites parties séparées par de franches ruptures, oubliant que les protagonistes eux vivent (ou pas) sur ces différentes « époques ».
Les trois autres chapitres traitent ensuite du besoin pour la monarchie restaurée de clôturer le chapitre de la Révolution, non sans en accepter certaines avancées pour mieux assoir un pouvoir absolutiste bénéficiant de l'affaiblissement de la noblesse et de l'Eglise – le débat philosophique et politique autour de la souveraineté et de sa légitimité (c'est le Roi qui octroie la Charte vs. c'est le Peuple qui fait signer la Charte au roi) est d'ailleurs à la fois passionnant et ubuesque, de « l'état » des élites durant la Restauration, l'auteur soulignant au passage que ces élites ne sont pas celles de l'avant-Révolution, et les tentatives avortées de la monarchie pour faire fusionner les nobles d'antan et la noblesse d'Empire, et enfin du l'épisode des Cent-jours vécu comme un traumatisme et une quasi nouvelle Révolution par les contemporains monarchistes. Les courts développements sur la bataille des couleurs des cocardes sous l'oeil goguenard des Alliés et le tabou que fut la bataille de Waterloo, réhabilitée sous la monarchie de Juillet, sont autant truculents qu'intéressants.
Une chouette lecture donc, pas des plus aisées mais parfaite pour mieux comprendre les enjeux politiques et culturels sous la Restauration, et le poids de la Révolution dans la définition d'une nouvelle légitimité du souverain, forcé malgré lui à une sorte de pacte avec un peuple qui n'est plus le même que 30 ans auparavant.