A coeur ouvert

Je n'écris ni pour m'opposer, ni me libérer, ni me révolter, ni fuir, ni changer la vie et le monde, ni … et ni … J'écris pour être moi-même, ce moi qui reste enveloppé d'obscurité en dépit de toutes mes tentatives pour l'éclairer. Ce moi obscur qui est une autre face de moi-même, de mon moi profond, de l'âme, du regard … J'écris pour me retrouver dans les jets d'encre, dans les lignes qui brillent comme des étoiles sans nuit, dans la langue qui est l'âme et le corps immatériel.
J'écris, je me recueille en moi-même, je rassemble mes débris, qui sont tout ce qui me reste, je m'isole derrière des images d'encre, je romps avec ce qui n'est pas moi et, comme Narcisse, je plonge dans ma personne, qui est à la fois moi, l'autre et le monde des souvenirs. Dès le début, le monde n'était que souvenirs, et, à la fin de cette page, il ne sera que souvenirs.

Ce que le suicidaire vit et endure est de loin plus fort que l'acte de suicide en soi. L'agonie qui précède cet acte est plus écrasante que l'instant tragique qui trace la ligne séparant l'individu de sa propre vie. Le véritable suicide a lieu avant de se donner la mort, et se tuer n'est qu'une façon de réagir. Le véritable suicide est silencieux, il se dessine dans la rougeur des yeux, dans le trouble qui occupe leurs profondeurs, dans l'angoisse illimitée, dans l'abattement, l'impuissance, le mutisme, la morosité et la peine inconnue.

Dormir, lorsque je le peux, est un véritable plaisir. Je dors sans regretter le temps perdu. Le sommeil, plus que la veille, donne son sens à la vie. Je me moque de ceux qui font l'éloge des longues veillées et dédaignent le sommeil, qu'ils considèrent comme une perte de temps. Dormir est le secret de la vie, qui se découvre à travers le sommeil et qui montre son véritable visage.

Comment le Liban pourrait-il devenir un pays à part entière tant qu'il est au bord de l'abîme ? Cette vision dépréciée de ce pays, qui est exil et patrie tout à la fois et qui, en définitive, n'est ni exil ni patrie, ne m'a jamais quitté. Si le Liban avait été un exil, nous aurions été vraiment soulagés et nous nous serions dit que nous n'avions pas de patrie. Mais c'est un pays à l'image d'un exil ou un exil qui prétend être une patrie.

Y aurait-il une obscurité qui n'en serait pas une et un jour radieux qui ne ressemblerait à aucun ? Existait-il un champ spacieux porté par des nuages qui n'en seraient pas vraiment ?