Ce roman est une adaptation d'une célèbre licence de jeux vidéo : Dragon Age. En tant que tel, il est destiné aux fans de cette série. A bon entendeur.
Après l'échec commercial français du Trône Volé, Milady décide de retenter le coup et de faire plaisir aux fans par la même occasion en publiant celui qui était alors le dernier roman Dragon Age en date : L'Empire Masqué. Cette fois-ci,
David Gaider, l'auteur principal de la licence laisse la place à
Patrick Weekes, un autre auteur de son équipe.
C'est l'occasion pour les fans de la franchise de mettre pour la toute première fois les pieds en Orlaïs, la nation la plus puissante de tout Thédas (continent sur lequel se trouvent divers royaumes), celle qui, d'après Léliana (personnage emblématique et récurrent de la licence), ne jure que par les apparences. Enfin il leur est donné de découvrir l'art de l'habit orlésien, le port du masque et surtout le Jeu, cette mise en scène flirtant avec la mascarade au coeur de laquelle beigne la manipulation d'autrui ! Car en Orlaïs, la victoire se gagne autant à l'épée qu'à grand coup de formulations venimeuses et de langues assassines. Et c'est là un véritable plaisir que de goûter à cette ambiance.
Mais il n'y a pas que les nobles humains dans ce bas monde, il y a aussi les elfes. Et dans sa justesse, le livre fait bien de nous rappeler qu'ils sont bien loin de ne former qu'un seul peuple car si certains vivent dans les villes en admirant les Dalatiens, les elfes sauvages et libres, ces derniers haïssent leurs homologues citadins au plus haut point, car ils ont accepté de vivre sous le joug des Hommes en abandonnant par là-même leur Histoire. Et ce livre est justement une occasion d'en apprendre encore un peu plus sur cette Histoire, notamment au travers des eluvians, ces mystérieux miroirs elfiques, aperçus à trois reprises au sein des deux premiers jeux vidéo de la série.
C'est au coeur de ce background ô combien fouillé que se déroule l'intrigue, d'une richesse pour le moins incontestable, menée d'une main de maître par l'auteur qui ne cesse de surprendre son lecteur plongé au coeur de ce scénario passionnant, sans le moindre temps mort et ce jusqu'à un dénouement final totalement inattendu et surprenant mais qui présage son lot d'intrigues passionnantes pour Dragon Age Inquisition et éventuellement les futurs romans.
Mais cette intrigue toute puissante n'aurait pu dégager une telle aura sans le concours de personnages hauts en couleurs ! Et c'est là que ce trouve l'un des plus gros point fort de l'oeuvre : tout comme dans la série Game of Thrones, ici, il n'y a ni gentil, ni méchant ; l'absence de manichéisme est totale. Ces personnages sont fouillés au point d'avoir vraiment leurs défauts et leurs qualités qui transparaissent et on se prends à les aimer et les détester tour à tour. Au fil des pages, ces êtres de fictions paraissent réels et c'est là une sensation magistrale.
Et voilà une occasion d'évoquer un point très intéressant du livre : l'un des personnages, Célène, Impératrice d'Orlaïs, la personne la plus puissante de tout Thedas, est lesbienne et a une elfe pour amante. Dans un tel univers, la puissance d'un tel état de fait est juste remarquable. Et pour continuer sur cette voie de saveur, l'habitué de la série a l'immense joie de retrouver des têtes connues comme la double apparition de Léliana et celle du Bann Teagan, sans oublier que Vivienne, compagnon de Dragon Age Inquisition, est mentionnée sous son surnom « Madame de fer ». Fan service, me direz-vous ? Certes, mais judicieusement amené. Et avouez que les petits margoulins que vous êtes n'ont qu'une envie : en prendre une double ration.
La dernière chose à évoquer est que le livre étant paru bien après la sortie des jeux, contrairement au Trône Volé, il a pu bénéficier d'une traduction bien plus fidèle à celle des jeux, ce qui est fort appréciable.
Au final, nous avons là un livre incroyablement passionnant qui nous conduit encore plus loin dans ce magistral univers de fantasy créé par Bioware, livre que je peux que recommander au plus au point et encore, ce n'est certainement pas assez. C'est un retour fracassant de la licence auquel on assiste dans nos contrées francophones et on ne peut qu'espérer que le succès commercial sera au rendez-vous, afin de garantir l'arrivée des prochains romans inspirés de la série chez nous, dans notre bonne vieille langue de
Molière. Une perspective réjouissante s'il en est.