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EAN : 9782330074869
368 pages
Actes Sud (01/02/2017)
3.3/5   10 notes
Résumé :
Une jeune artiste conceptuelle questionne la notion d'identité, de réalité de l'individu dans le monde contemporain, comme si nous n'avions le sentiment d'être réels que dans la mesure où nous sommes vus tels que le montrent les réseaux sociaux. Mêlant satire sociale désopilante et brillante analyse de la motivation d'un artiste, ce premier roman aux accents philosophiques est celui d'une jeune femme de vingt-sept ans.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
25 janvier 2005. Minnie Pannis existe-t-elle ?
Ainsi débute inconsciemment le projet de fin d'études de Minnie Pannis, étudiante des Beaux-Arts d'Amsterdam. Un projet qui prend un an et demi et donne exactement 2095 photos de ses propres déchets....juste "des traces de son existence"....Elle même y est absente. Rien d'insolite, qui fréquente galeries ou musées d'art contemporain, y rencontre de pareille " oeuvre d'art", mais ici Minnie réalise ces photos malgré elle, sans aucun but artistique. Pourtant elles vont la rendre célèbre .
C'est le début d'un roman à l'humour caustique où Niña Weijers se moque subtilement du narcissisme de ces milieux "ouverts qu'aux initiés" et pose la question sur les frontières de l'Art, entre l'oeuvre et la vie.
Et quand quelque mois plus tard, apparaissent dans Vogue des portraits de Minnie pris à son insu par son ex-petit ami, avec, pour tout vêtement, une légère chemise de soie bleue, l'écrivaine corse l'aventure et nous projette en plein dans des questions existentielles . "Il y avait une personne qui tenait Vogue et il y avait une personne sur les pages de Vogue, et quelque part entre les deux, quelque chose s'était irrémédiablement perdu ", c'est Minnie qui découvre par surprise ses photos, prises alors qu'elle dormait.
Qui sommes nous dans le regard d'autrui ? Les mystères de la naissance et l'identité équivoque sont à l'épicentre du roman, -"Les gens se rendent malheureux en voulant sans cesse être d'autres versions d'eux-mêmes, dit-elle, des versions plus réussies. Ils oublient qu'ils ne peuvent pas s'abstraire eux-mêmes du bilan qu'ils fabriquent dans leur tête."-

Mais Nina Weijers n'en s'arrête pas là. Déguisée en Minnie elle nous emmène
beaucoup plus loin.....là où l'Art et la Vie s'amalgament......"La seule chose que le poisson doit faire est de se perdre dans l'eau" dit la citation taoïste de Zhuangzi, leitmotiv de la suite. " Qui lâche prise comprend l'univers" ......la mise en scène du monde de l'Art va se muter en l'analyse d'un cas " au mode d'emploi particulier", étrange, psychologique et paranormal.

Foisonnant de références littéraires et artistiques, un livre violent où Weijers joue sur plusieurs cordes et caricature presque tout, la vie, le bonheur, l'art, l'identité humaine si précaire. On se demande parfois si " elle nous promène ", mais c'est brillant d'intelligence, tout ce qu'elle écrit a un fond de vérité. Cela fait peur, car le monde est basé sur le trouble, le faux, l'apparence, et la quête effrénée du mode d'emploi pour vivre, ou survivre ?....et souvent pour l'image de bien vivre, aux yeux d'autrui....


Premier roman d'une jeune néerlandaise, publié en v.o. en 2014 et couronné de nombreux prix littéraire en Hollande et en Belgique, traduit récemment en francais.
Un livre original, intéressant, fortement conseillé à tous les lectrices et lecteurs curieux de la Littérature et de la Vie.



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« La seule chose que le poisson doit faire est de se perdre dans l'eau ».

C'est un roman étrange que tu tiens entre les mains, un livre qu'il te sera aussi difficile de faire tien que d'abandonner. Un livre qui dérange un peu, interroge beaucoup, et laisse derrière lui un je ne sais quoi d'inachevé. Et cela le rend puissant, fascinant.

C'est avec une indicible grâce, délicatement teintée de cynisme, que le livre nous promène – le terme est sciemment choisi – dans un univers chaloupé. de gauche, de droite, dans le passé, dans le futur, il nous entraine et nous surprend. On y est, on y croit. On pense : on est sur une satire de la scène artistique contemporaine ! Et puis non, du moins, pas que. On est plus loin, plus haut, sur quelque chose qui s'apparente à une aventure métaphysique, délicieusement ironique, insidieusement érudite. Les conséquences te font découvrir Hildegarde de Bingen, tu penses l'entendre, la toucher, la comprendre. Avec fracas ensuite, s'invite le calendrier maya. Que vient-il faire celui-là penses-tu ; encore aujourd'hui, tu ne sais trop. Mais qu'importe. Tu y trouveras du Beckett aussi, et bien d'autres. Et il y aura des questionnements, beaucoup. Sur ce que c'est qu'Être, tu sais, Être avec un grand E ; ce que c'est qu'exister, vraiment. Pour soi et dans le regard de l'autre, surtout dans le regard de l'autre.

Roman complexe à raconter car s'y entremêle tout et son contraire, tout le temps. Alors je te conseille de commencer par le commencement : le prologue. Un joli prologue, pleins de grâce et suffisamment allant pour te donner l'envie de lui offrir une suite.

« le jour où Minnie Panis disparut pour la troisième fois de sa propre vie, le soleil était bas et la lune haut dans le ciel. C'était le 11 février 2012, une journée claire, froide mais pas assez : tôt le matin, elle avait déjà pu sentir la chaleur du soleil sur la peau pâle et rêche de son visage. C'était un samedi.

/…/

On peut se demander pourquoi vers deux heures de l'après-midi, Minnie alla délibérément se tenir sur la glace trop fine et y resta alors que celle-ci se brisait, juste légèrement étonnée quand cela s'accomplit sous ses pieds, cette transformation du solide en liquide. Pourquoi elle ne se contenta pas de voir les arbres, mais les regarda et sut avec certitude que c'étaient des platanes. Pourquoi elle eut le réflexe de balancer les bras, comme une parodie de danseur de corde, et pourquoi, mais pourquoi tout cela ne fit pas un seul bruit. »

Tu l'a compris, cette histoire est celle de Minnie Panis, artiste conceptuelle renommée au Pays-Bas et à l'internationale, hantée par les trop classiques (penses-tu !) questions du « qu'est-ce que vivre ? », est-ce « autre chose qu'être vu par autrui ? ». Elle y répondait par une série de photos - série qui la rendit célèbre -, témoignant des traces de son existence mais jamais d'elle-même.

Un jour cependant, et c'est là que tout commence, elle se découvre presque nue, offerte à tous les regards, sur la couverture du dernier Vogue Magazine. Désireuse de ne pas se contenter de subir ce « vol d'image », elle conçoit un nouveau projet artistique, entrainant le voleur dans une course dans laquelle elle n'est pas certaine de sortir indemne.

Mais il y a autre chose. Celle-là même qui donne au roman toute sa saveur. Si Minnie se pose tant de questions sur son existence, c'est qu'elle a bien failli ne pas naître et ne pas survivre ensuite. A plusieurs reprises, les interventions d'un mystérieux médecin aux méthodes New Age l'ont sauvée. Mais elle ne peut en avoir gardé le souvenir.

Voilà, maintenant, tu sais tout. Ou plutôt tu ne sais rien. Parce qu'il est bien difficile d'en dire plus sans en dire trop, de donner sans dévoiler. le début du roman, essentiellement consacré au monde de l'art et à la carrière de Minnie est délicieux. Léger à souhait, ironique au possible, il est juste et sensible.

L'auteur, Nina Weijers, donne corps à un personnage terriblement subtil et attachant. Une femme-enfant, penses-tu. Et peut-être pas d'ailleurs. Une amoureuse, une passionnée aussi. Et en même temps, non. Pour moi, c'est le mot buée qui me vient en tête lorsqu'il s'agit de la caractériser. Cette fille, c'est un nuage, une évanescence, quelque chose qui a un rapport un rien particulier avec ce que nous nommons pesanteur. J'ai aimé cette légèreté, faite corps dans un paysage Amstellodamois précieux comme une première neige. J'ai aimé me frotter à cette fille aussi perdue que déterminée, vulnérable, un brin sauvage. Et très tragique aussi. Ce livre est une petite pépite. Une toute petite ; comme le sont parfois les premiers romans. On se dit qu'en creusant, on peut y trouver tellement.

Une première neige, disais-je. C'est vraiment ce que ce roman, déjà couronné de trois prestigieux prix littéraires, m'évoque une fois refermé.

Quelque chose de doux,
de froid.
Quelque chose de magique,
De fragile et d'impénétrable.
Lien : http://www.mespetiteschroniq..
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La lecture de ce roman est une expérience : toujours sur le fil, entre ironie et érudition, on ne sait jamais si l'auteure se moque de l'art contemporain ou pas. Les deux, sans doute : c'est une excellente façon d'exercer son esprit critique sur un sujet très clivant.
Mention spéciale pour les pastiches d'articles de revues d'art contemporain, hilarantes et terriblement ressemblantes.
Lien : https://www.bibliotheques-cl..
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critiques presse (1)
LePoint
06 mars 2017
Osé, étourdissant et lumineux.
Lire la critique sur le site : LePoint
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Le terme “artiste méphistophélique” n’avait pas déplu à Minnie ; rien de tel pour la réputation d’un artiste qu’un peu de mystification...... Banksy parvenait non seulement depuis plusieurs années à conserver une identité brumeuse, mais toute sa célébrité se fondait sur ce mystère soigneusement entretenu. Il existait des écrivains dont on ne connaissait pas une seule photo, mais qui n’en vendaient pas moins leurs livres à des millions d’exemplaires ; des dandys qui organisaient des soirées masquées dans des châteaux en France, avec des invitations notées en écriture spéculaire et des listes d’invités aussi haut de gamme que le sommet du mont Everest. Des génies qui planaient éternellement dans les limbes de ce qu’ils promettaient, parce qu’ils mouraient trop tôt, ou devenaient fous, ou religieux. Non, un peu de mystification ne pouvait pas faire de mal. Tant qu’elle ne commençait pas à croire elle-même à son rôle d’oracle, elle était en sécurité.
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Les gens les plus malheureux qu’elle connaissait, et il y en avait un certain nombre, étaient, pour autant qu’elle pût s’en rendre compte, malheureux parce qu’ils étaient terrorisés par une idée assez superficielle de ce qu’était le bonheur, et surtout, de ce qu’était être heureux. Ils voulaient un amour, une carrière, une maison, un enfant, mais oubliaient que tout cela n’était que des abstractions ; de vagues idées de perfection qui ne correspondraient jamais aux caprices de la réalité.
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À un salon, Minnie avait rencontré deux artistes, des sœurs jumelles, toutes deux d’une telle maigreur que leur peau avait pris une couleur grise. Les deux sœurs faisaient des installations vidéo sur le trouble alimentaire qu’elles entretenaient l’une chez l’autre. Elles étaient devenues riches et mondialement célèbres grâce à ces installations, qui montraient les dérives de l’idéal de beauté féminin, critiquaient la société de consommation, remettaient en question à la fois l’individualisme et la collectivité, etc. En réalité, pensa Minnie, il existait des folies pour lesquelles on ne pouvait pas trouver d’autre nom que celui d’art.
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A un salon, Minnie avait rencontré deux artistes, des sœurs jumelles, toutes deux d’une telle maigreur que leur peau avait pris une couleur grise. Les deux sœurs faisaient des installations vidéo sur le trouble alimentaire qu’elles entretenaient l’une chez l’autre. Elles étaient devenues riches et mondialement célèbres grâce à ces installations, qui montraient les dérives de l’idéal de beauté féminin, critiquaient la société de consommation, remettaient en question à la fois l’individualisme et la collectivité, ect. En réalité, pensa Minnie, il existait des folies pour lesquelles on ne pouvait pas trouver d’autre nom que celui de l’art.
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Minnie était assise en face de sa mère dans un grand café-restaurant au bord de l’eau. C’était un endroit bruyant, avec une carte prévisible et trop chère, une décoration sans style et un personnel de service qui enregistrait les commandes sur des appareils qui avaient fait du contact visuel une relique du passé. C’était leur lieu de rencontre habituel. Sa mère lui avait téléphoné très tôt ce matin-là. Événement rare, non seulement à cause du moment choisi, mais aussi parce que, pour l’essentiel, leurs contacts se déroulaient par e-mail et avaient pour but de fixer sans trop de détours le rendez-vous de leur déjeuner trimestriel, durant lequel, en quelques traits aussi sommaires que possible, elles se mettaient au courant de la situation présente. Sa mère ne comprenait pas grand-chose à la vie de Minnie et Minnie ne comprenait pas plus celle de sa mère.
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