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EAN : 9782914777445
731 pages
Anacharsis (12/05/2009)
3.83/5   9 notes
Résumé :
Immense fresque narrative, l'ouvrage de Richard White a bouleversé la conception que l'on se faisait de l'histoire de l'Amérique du Nord. Il rapporte comment, du XVIIe au début du XIXe siècle, Indiens et Européens établirent les pratiques d'un monde commun, le Middle Ground, fondé sur des accommodements précaires, traversé de conflits et néanmoins mutuellement compréhensible. Mais il raconte aussi comment ce monde partagé a pris fin dès lors que les jeunes Etats-Uni... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
« Ce livre s'écarte de ces histoires par trop simplistes et les refond dans un récit plus complexe et moins linéaire. Il parle de la recherche d'un compromis et d'un sens commun. » Lorsqu'il parait en 1991, il provoque une déflagration copernicienne, mettant à mal la version dichotomique de histoire américaine. Pendant deux siècles, du XVIIe au début du XIXe siècle, dans la région des Grands Lacs qu'étudie Richard White, professeur d'histoire américaine à l'université de Stanford, les habitants, Algonquiens et Européens de diverses origines, ont édifié « un monde commun compréhensible par tous », « créant de nouvelles grilles d'interprétation et de nouveaux systèmes d'échange », non sans violence et conflits, s'adaptant les uns aux autres « au travers d'un système de méprise aussi créatif qu'opportun » qu'il nomme « le Middle Ground ». Incapables de contraindre ou d'ignorer les Indiens, dont ils avaient besoin en tant qu'alliés, partenaires commerciaux, partenaires sexuels et voisins pacifiques, de les « transformer en autre radical », les Blancs durent les rencontrer et inventer un monde commun et pérenne, jusqu'à ce que les Indiens ne soient plus capables de les contrer. Mais la République américaine réussit là où les empires français et anglais avaient échoué : « les Américains inventèrent les Indiens et les obligèrent à supporter les conséquences de cette invention ». Depuis, nous considérons l'histoire de l'époque coloniale et des premiers temps de la République américaine « à travers le prisme de l'altérité ».
(...)
Passionnante fresque historique qui pulvérise le récit exotique, dominant et manichéen de la « Conquête de l'Ouest ». le monde que nous fait découvrir Richard White se révèle infiniment plus complexe : un monde commun dans lequel Indiens et Européens, dans une compréhension mutuelle, inventaient en permanence des pratiques. Résolument iconoclaste.

Article complet sur le blog :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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Nous sommes habitués à une vison simplifiée de l'histoire de nos ancêtres. Tout le monde sait que les colons européens se sont appropriés par la force les terres où vivaient les Indiens.
Mais tout le monde oublie que ces hommes et femmes n'étaient pas du tout des Indiens.
"L'Indien" est une abstraction, une simplification inventée pour souligner et entretenir l'altérité, pour nier leur humanité, pour en faire des sauvages, pour les distinguer des colons blancs. Ils n'étaient pas "un peuple" mais une multitude de peuples différents, avec une multitude de cultures, de coutumes et de langues spécifiques. Ils étaient Algonquins, Cherokees, Lenapes, Iroquois, Sioux, Quechuas, Mapuches et bien d'autres encore.
Ces peuples sont considérés, à juste titre, comme les grands perdants de la colonisation de l'Amérique. Des peuples spoliés, humiliés, trahis, massacrés, dont les cultures furent étouffées ou éradiquées, victimes de l'impérialisme occidental. Plus ou moins consciemment, on les considère comme des populations qui étaient destinées à être écrasées par la supériorité technologique, militaire, économique, voire culturelle des puissances colonisatrices.
Tout le monde connait cette histoire, tout le monde la trouve tragique. "Ils" n'avaient aucune chance, L Histoire nous l'a démontré. Eh bien figurez-vous que ce constat amer est partiellement faux, et c'est ce que cherche à démontrer Richard White.
Pour commencer, arrêtons de nous considérer uniquement comme les héritiers des colons européens. Nous sommes aussi les descendants des peuples du continent américains. de plus, séparons-nous d'une approche "téléologique" des événements historiques. Rien n'est prédéterminé. L'Histoire n'est pas un enchaînement de causalités irréversibles menant à une finalité constatée.
Si l'on se retrouvait renvoyé à la période étudiée par l'auteur (1650-1815, presque deux siècle), dans la zone géographique du Pays d'en Haut (au sud des Grands Lacs d'Amérique du Nord), il nous serait impossible de déterminer avec précision quel serait le cours de l'Histoire. Les habitants de la zone "spatio-temporelle" en question n'agissaient qu'en fonction des conditions spécifiques auxquelles ils étaient confrontés, et non en fonction d'un destin historique inéluctable.
Et dans cette perspective, "nous" avons eu des chances, des "possibles". Des logiques culturelles se sont affrontées, des us et coutumes spécifiques ont existé, un monde commun concernant tout les habitants, autochtones et colons, s'est maintenu tant bien que mal pendant plusieurs générations. Et dans ce monde-là, les frontières que nous connaissons, et que nous entretenons, n'existaient pas encore.

Tout long de son copieux essai historique, Richard White détaille donc ce fameux "Middle Ground", un ensemble assez complexe de relations humaines spécifiques née de la nécessaire interaction pacifique et/ou violente entre les populations "indiennes" et les colons, d'origine "française" dans un premier temps, puis d'origine "britannique" dans un second temps.
Il ne s'agit jamais de suppositions invérifiables, mais bel et bien d'un travail rigoureux basé sur de nombreuses sources, chaque affirmation étant étayé par une référence précise.
Loin des stéréotypes, on découvre la richesse et la complexité des cultures algonquines, mais aussi iroquoises, et l'improbable métissage qui s'opéra à l'époque avec les cultures d'origine européennes.
Au cours des années, au quotidien, ces gens ont vécus côte à côte, et l'interdépendance liés aux conditions de vie plutôt hostile dans cette zone sauvage les ont amenés à développer de nombreuses habitudes visant à codifier les interactions entre des groupes disparates, aux visions du monde profondément différentes et aux intérêts assez variés. D'un côté comme de l'autre, aussi bien à l'échelle inter-individuelle qu'à une échelle plus globale (relation entre les autorités canadiennes et les chefs de tribu, par exemple), chacun se doit de comprendre, autant que faire se peut, les conceptions de l'autre, et d'inventer un compromis compréhensible par les deux partis. Bien entendu, ces relations pratiques furent émaillés de mésinterprétations, aux conséquences anecdotiques ou tragiques. Et elles n'était pas à l'abri des manoeuvres politiques, chaque camp ayant des objectifs assez variés, parfois convergeant, parfois opposés à ceux de l'interlocuteur.
Ce "langage commun" sans cesse retravaillé réussit à se maintenir pendant plus d'un siècle, avec des haut des bas, en fonctions des évolutions des rapports de force entre les différentes composantes du "Middle Ground" (en particulier, la zone fut régulièrement secouées par de violent conflits, tel la Guerre de Sept Ans qui opposa les français et les britanniques).

Tout cela finira néanmoins par disparaître, les habitudes développées durant cette période ne seront que très rarement adoptées par les membres de la jeune nation américaine, qui développèrent un type d'interaction bien plus rudimentaire avec les nations indiennes. Globalement, les États-Unis ont toujours considérés les peuples autochtones comme des adversaires, auxquels ils ne "proposèrent" que deux alternatives que l'on peut résumer ainsi: "devenez comme nous ou disparaissez".
Le métissage culturel ne sera plus jamais considéré comme une alternative acceptable, même temporairement.
Et çà, c'est bel et bien une "chance" que nos ancêtres ont laissé passer, et c'est plutôt triste, car L Histoire venait de nous démontrer qu'il s'agissait d'un projet viable, mais dont la complexité aurait exigé une bonne dose d'intelligence et d'ouverture d'esprit, substances malheureusement assez rares chez nos semblables.

Ce livre, assez dense, offre donc de rafraichissantes perspectives dans la manière d'aborder une période historique. N'étant pas moi même historien, dans le sens universitaire du terme, je ne suis incapable de mesurer la portée de ce genre d'étude, mais je dois reconnaitre que ce fut une lecture plutôt exaltante, une excellente stimulation intellectuelle, ouvrant de nombreuses pistes de réflexions, bien au delà du sujet abordé. Rien que pour çà, je vous conseille ardemment cette lecture, bien qu'il ne s'agisse pas du tout d'un bouquin de vulgarisation historique.
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C'est une histoire de guerre, d'assassinats, de haines, d'amours, de sexes, de familles, d'amitiés, d'entraides, de politiques et de trahisons entre les Indiens (les natifs) et les Européens (les colons) dans le Pays d'en Haut entre 1650 et 1815. Voilà comment pourrait être résumée cette magnifique fresque qu'est ce livre : le Middle Ground (lieu certes géographique, mais surtout politique et culturel). Un livre d'histoire, une thèse, qui se lit comme un roman d'aventure. Merveilleux !
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Les Français du XVIIe et du début du XVIIIe siècle n'avaient pas encore transformé le système d'échanges en entreprise exclusivement économique. 
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Le budget du département aux Affaires indiennes représentait une “part considérable des dépenses nationales“, sans “rapport avec les services rendus“.
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Pour sortir de cette impasse des histoires de conquête et de résistance (...), il fallait pour cela neutraliser le courant de plusieurs centaines d'années de colonialisme et d'histoire nationale : il fallait sortir des acteurs inconnus des coulisses, leur accorder des paroles autres que celles de démons ou de héros tragiques; il fallait mettre en scène des Amérindiens inconnus dans un univers social complexe et autonome, et non toujours tributaire de gestes perpétrés par les Européens d'origine.
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Le Middle Ground fonctionnait à deux niveaux distincts. C'était à la fois le produit de la vie quotidienne et celui d'une relation diplomatique formelle entre différentes peuples. 
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En essayant de maintenir l'ordre conventionnel de son propre monde, chacun des groupes appliquait des règles qui se modifièrent progressivement afin de s' adapter à des situations spécifiques. Toutes ces tentatives donnèrent naissance à un nouveau paradigme de conventions communes. 
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