Telle une immense bête lumineuse au ventre de laine, l’été c’est fille s’était affaissé sur la ville. Les conseillers étaient déjà tous partis, qui à la montagne, qui à la mer, à l’exception des membres de la Commission d’Urbanisme, tenus de rester sur place tant que les travaux n’avaient commencé ou du moins été mis de quelque manière en route. Or les Étrusques demeuraient introuvables. L’épouse d’un de ces conseillers en expectative, Mme Ruxtix, avait été particulièrement choquée par ces mesures traîtresses : plus encore que les autres épouses, elle se démenait et protestait, car, bien sûr, elle n’allait pas partir toute seule en vacances comme un dromadaire, et d’autre part elle ne tenait pas du tout à prolonger son séjour en ville. Dans tous ses états comme elle était, elle relançait au téléphone les épouses des autres conseillers, voire les conseillers eux-mêmes, et organisait chez elle des séances de travail où elle ne manquait jamais de proposer des solutions toujours nouvelles et originales, quoique tout à fait irréalisables.
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Atanassim les regarda en souriant, puis dit aux Étrusques :
« Foi de maître d’œuvre, je comprends à présent que c’est uniquement la faim qui mène les peuples, et que toutes les grâces de l’esprit réclament avant tout un estomac bien repu. Les chats aiment se livrer à mille facéties, mais seulement après avoir mangé : c’est que la satisfaction du corps vient avant, celle de l’âme après, en admettant que les chats aient eux aussi une âme. Et moi, je serais enclin à leur en attribuer une, puisque l’âme, qu’est-elle d’autre que l’ensemble de nos actes visibles ? Pourtant, il est des gens qui placent l’âme au-dessus du corps : et c’est comme d’affirmer que la face de la lune et au-dessus de la lune. »
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