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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Née en 1920 à Nantes, Gabrielle Wittkop-Ménardeau s'est suicidée en 2002, choisissant, dit-elle, "de mourir comme j'ai vécu : en homme libre."

"Le Nécrophile", texte au demeurant fort bref, est la première de ses oeuvres que je lis. Ecrire qu'il s'agit là d'un texte dérangeant est faible, très, très faible. En gros, cela raconte, sous forme d'un journal, les "amours" d'un antiquaire nécrophile avec les cadavres qu'il va enlever aux cimetières. Tout lui est bon : hommes, femmes et même enfants. le passage où il dépeint sa "rencontre" avec un nourrisson mort-né enseveli avec sa mère est indescriptible. Car, à la nécrophilie, s'ajoutent insidieusement la bisexualité (ce qui n'est pas un crime) et la pédophilie (qui l'est bel et bien). A ceci près que Lucien, le Nécrophile, est évidemment incapable de passer à l'acte avec un être vivant.

Attention : il n'y a ici nulle complaisance. C'est étonnant, même difficilement concevable et pourtant c'est ainsi. Lucien porte en lui très peu du personnage sadien (même si l'on songe bien entendu au "Divin Marquis" lorsqu'on lit ce roman) en ce sens que la violence lui est étrangère. Pas question pour lui d'agir comme le faisait le sergent Bertrand : il n'est que douceur et délicatesse et, lorsque les nécessités de la nature le contraignent à rendre ses amants et ses maîtresses à la Seine, il lui arrive de pleurer devant ce traitement, pour lui barbare, qu'il est bien obligé de leur infliger.

Nulle grossièreté, nulle vulgarité non plus dans le style, qui glisse et coule comme celui d'un Villiers de l'Isle-Adam ou d'un Edgar Poe. Simplement, comme elle est appartient au XXème siècle, Wittkop peut se permettre d'être plus explicite qu'ils ne l'étaient. Tout en effet est dépeint dans ses moindres détails. En dépit de ce tout et bien qu'il soit obligé de s'"accrocher" trois ou quatre fois, pris d'un début de nausée, le lecteur, fasciné et cherchant à comprendre, poursuit jusqu'au bout son étonnant chemin de misère où la notion de morale n'est pas même remplacée par celle de l'immoralité.

Pareille lecture n'est pas à recommander à n'importe qui. (A la fin du texte, si vous y parvenez, vous penserez peut-être ce que j'ai pensé - non sans soulagement : "Dieu merci ! maintenant, on incinère !" ...) Alors que, dans Sade, on se rend très vite compte que certaines choses sont impossibles, tout ici - sauf peut-être l'incroyable chance qui accompagne le nécrophile dans les cimetières parisiens - peut s'accomplir en toute logique. Avec cela, Wittkop ne juge pas : elle constate et tout laisse à penser - y compris la dédicace - qu'elle a connu une personne ressemblant comme un frère à son héros.

A noter que, dans l'édition Régine Desforges, le texte est suivi de "Nécropolis", un court essai sur la nécrophilie et ses "dérivés" comme le nécrosadisme, la nécrophagie, etc ... Tout cela très sobre et, je le répète, sans complaisance.
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Il était une fois deux rencontres.
La première avec la librairie "le bal des ardents" à Lyon.
Il se dit qu'on y trouve des pépites.
La seconde avec sa libraire.
Je lui dis: "j'ai envie d'être dérangée, d'être bousculée dans mes lectures, vous avez carte blanche."
4 mots pour un challenge.
"J'ai ce qu'il vous faut".
Sentiment d'exaltation.
Observation du livre conseillé.
Songe.
Doute.
"Ah oui... le nécrophile de Gabrielle Wittkop. Vous n'y allez pas de main morte."
"Ahahahahah." (J'exagère franchement la réaction de mon interlocutrice.)
Envie de rassurer la libraire.
"On est très très très loin de ce que j'ai l'habitude de pratiquer au quotidien"
Partage d'un sourire entendu.
J'accorde ma confiance.
Passage en caisse.
Le livre en poche, je me demande à mon retour ce qui a bien pu conduire Gabrielle Wittkop a écrire sur ce sujet.
Plusieurs jours durant, je regarde ce livre.
J'ai peur de ce que je vais trouver dedans.
Y va? N'y va pas?
Il est court et les collages présents ça et là dans le livre pourront être mes bouffées d'air frais à mesure que j'avance.
Je le lis.
Et là revirement de situation.
Je ne suis pas face à un livre mais face à une oeuvre subversive à souhait, originale au possible.
Je ne découvre pas une pratique sexuelle transgressive, je prends connaissance des tribulations d'un amoureux.
Tout simplement.
J'avais peur d'être incapable de lire les écrits de Lucien N. - personnage principal du roman - présentés sous la forme d'un journal.
J'ai bien peur d'avoir foncièrement aimé les mots de Gabrielle Wittkop.
Ne vous méprenez pas.
Certaines scènes sont glaçantes.
Cependant, au fur et à mesure de ma progression dans le journal, j'ai vu s'évaporer une question qui revenait en boucle à son commencement: "comment peut-on en arriver là?".
Gabrielle Wittkop m'a eue!
J'ai été dérangée. J'ai été bousculée. j'ai aimée.
Et si vous vous laissiez tenter?



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Dire que j'ai aimé ce bref roman est un euphémisme.
Il faut saluer l'art de Gabrielle Wittkop, qui s'est effacée derrière son protagoniste, l'antiquaire nécrophile. C'est lui qui rédige chacune des entrées du journal qui constituent le roman. Nous ne percevons le monde qu'à travers ses mots, nous ne savons de lui que ce qui émane des souvenirs amoureux qu'il consigne. De même, nous voyons la nécrophilie avec ses yeux ; l'auteure évite ainsi l'écueil du jugement extérieur, et oblige le lecteur à considérer la position mentale de son héros. Qui, au sens strict, aime les morts et la mort, avec tendresse, passion, et mélancolie.
L'écriture limpide et ciselée, d'une préciosité désuète et raffinée comme les antiquités que vend le narrateur, est une merveille. Elle dit la nature paradoxale du nécrophile, amoureux sensible de ce qu'il y a de plus répugnant pour l'humanité "normale". Il voit la beauté jusque dans l'abject, et la personne dans la dépouille, voire la charogne.
C'est un roman de la déviance, de la perversion, oui, si vous voulez. Mais c'est surtout un formidable exercice de style et une oeuvre d'une poésie hallucinante.
Il faut simplement se souvenir que parfois, le beau est bizarre. Horrible. Autre.

(Ah, et pour couronner le tout, cette édition présentant six collages de l'auteure en regard du texte est magnifique !)
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Lu il y a quelques années et toujours autant bouleversée.
Pur chef d'oeuvre d'amour,de chair flétrie et de douceur macabre.
Un éloge aux mots, à leur beauté, une célébration de l'amour interdit.
Déroutant,choquant,poignant,magnifique.
Une grande oeuvre.
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Deux seuls auteurs ont à ma connaissance oser parler de nécrophilie : Bukoswki et gabrielle.

Quant bukoswki parle d'actes pédophiles déchargeant la fougue et l'appétit sexuel de deux hommes en manque de sensation. Gabrielle parle d'un vrai pédophile, un homme qui aime les mort, qui ne se satisfait pas juste par eux mais qui vit de eux, qui se nourrit de leurs essences. Quel courage d'avoir oser parler de cela.

Un regard différent, qui serpente du monstre criminelle vers un être en souffrance.
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Terrifiant de raffinement et de douceur.
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LE NECROPHILE

de Gabrielle Wittkop Centenary

suivi de NÉCROPOLIS de @F. DE GAUDENZI

156 pages /Éditions de la Musardine

Un récit assez surprenant, basé sur le rapport de l'esprit au corps.

Il est assez difficile de définir exactement le genre de contenu que renferme ce livre.

Un livre saisissant, unique en son genre, où l'on se retrouve projeté contre "cette chair si froide, si douce, si délicieusement étroite que l'on ne trouve que chez les morts."

Un style retenu aux accents macabre et hypnotiques.

Je n'attends pas d'un livre qu'il me réconforte, loin de là, mais plutôt qu'il me dérange.

L'auteure nous depeind la nécrophilie avec finesse voir poésie.

Est-ce que j'ai adhéré à cet univers glauque, repoussant et sordide?
Totalement.

Les scènes décrites ne sont pas les pires que j'ai été amené à lire mais cette ambiance étouffante, sans vie, m'a asphyxié.

Nous sommes bien sûr en présence d'un esprit qui se révèle dévoyé, obscène, depravé.

En présence de délits, d'actes d'une cruauté et d'une execration innommable où les fantasmes les plus immoraux sont faits pour être achevés.

⛔️⛔️Ce roman comporte des scènes susceptibles de grandement heurter les âmes sensibles, je le recommande donc pour un public très averti.⛔️⛔️🔞

Merci.

Bravo.
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Si le titre de ce roman convoque l'abject, le contenu de ses pages nous entraîne dans un patchwork d'émotions mêlées : le dégoût bien sûr, porté par une écriture d'une sublime justesse - il n'y a guère qu'avec le Parfum de Süskind que j'ai eu autant l'impression de sentir les mots - mais pas seulement, et c'est là le talent inénarrable de Wittkop. Peu à peu, on se surprend à comprendre le narrateur, à avoir de l'empathie pour son immense tristesse, sa douleur d'être parmi les hommes, son chagrin lorsqu'il doit se séparer de ses amours éphémères. Au fil des lignes, on navigue entre la nausée face à cette immoralité primordiale et une étrange sympathie pour cet homme qu'il serait si facile de résumer au terme de monstre. L'auteur décrit sans complaisance ni sensationnalisme ce que le narrateur inflige à des corps, et pourtant au delà de la fascination un peu morbide, la même qui sans doute fait instinctivement ralentir devant un accident, il se dégage de certains passage une tendresse qui nous empêche de simplement haïr ce personnage.
Récit de la déviance et chef d'oeuvre de poésie en même temps, un tel ouvrage qui, lors de sa publication en 1972 a suscité une violente indignation, ne peut laisser insensible, ne serait-ce que pour la plume d'une sidérante élégance de Gabrielle Wittkop.
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Un livre à ne pas mettre entre toutes les mains qui fût pour moi un véritable coup de coeur.
Le titre est suffisamment évocateur pour ne pas tenter l'aventure si le sujet risque de vous traumatiser. L'auteur joue un double jeu très bien ficelée. En effet, lors des tribulations de ce nécrophile certains détails assez crus ne nous sont pas épargnés. Cependant, le pire, le plus sale de cette réalité nous est caché. En reste alors une poésie du macabre que peut d'auteurs peuvent se targuer d'en maîtriser la plume.
Le livre est court, ponctué de dessins intrigants, donnant ainsi un rythme fascinant dont il est difficile de sortir.
Ce livre n'a pas vraiment de début, ni même de fin. Même si les dernières phrases nous laisse sur notre faim.
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ce roman de Gabrielle Wittkop est dur, très dur
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