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EAN : 9782374911465
548 pages
Quidam (08/10/2020)
4.83/5   15 notes
Résumé :
Labyrinthe arachnéen, Hemlock évoque les destinées tragiques d’une Italienne de la post-Renaissance – Beatrice Cenci –, d’une Française du Grand Siècle – la marquise de Brinvilliers – et d’une Anglaise de l’époque edwardienne en Inde – Mrs Fulham –, entraînées dans le vortex du crime par l’enchaînement des circonstances, leur faiblesse et leur passion.
Au-delà des contingences chronologiques, des visions récurrentes, des lieux, des objets, des leitmotive les ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Hemlock fait partie de ces livres dont on s'arrache avec difficulté, que l'on ne sait pas vraiment terminer tant son atmosphère, ses personnages vous imprègnent, vous accompagnent longtemps et vous subjuguent. Je n'en avais jamais entendu parler, ni de Gabrielle Wittkop, grave lacune. Une fois le roman dévoré (mais pas encore tout à fait digéré), je me suis plongée dans le long article que consacrait Liberation à son auteure qui aurait eu cent ans cette année, ce qui explique les rééditions de certaines de ses oeuvres dont Hemlock qui n'étaient plus disponibles depuis trente ans. Quelle brillante idée ! Gabrielle Wittkop est aussi fascinante que ce roman, et le fil de sa vie irrémédiablement lié, entremêlé à sa production littéraire.

Hemlock est l'héroïne centrale de ce roman, dont les réflexions et les moments de vie s'insèrent entre les chapitres d'une histoire construite avec des récits gigognes qui se répondent, se complètent et reviennent tous à la question centrale qui préoccupe (devrais-je dire obsède ?) Hemlock : la mort. D'ailleurs, en anglais Hemlock signifie "cigüe". le mari d'Hemlock, H. est atteint d'une maladie neurodégénérative, situation qu'elle supporte difficilement autant par l'amour qu'elle porte à H. que pour la façon dont cela entrave sa propre liberté. Elle voudrait qu'il meure et elle n'en supporte pas l'idée. Hemlock s'échappe parfois, voyage dans le monde entier et croise ainsi par-delà les siècles, à travers les endroits où elle séjourne, les destins d'autres femmes étroitement liés à la mort. Des empoisonneuses célèbres : Béatrice Cenci au 16ème siècle à Rome, la marquise de Brinvilliers au 17ème siècle à Paris et à Londres et Augusta Fulham à la fin du 19ème siècle et début du 20ème à Londres puis en Inde. Elles ont tué pour se libérer du joug paternel ou conjugal, elles ont empoisonné à petit feu, elles ont été condamnées et exécutées. Ce sont ces trois histoires qui s'enchaînent et s'emboîtent dans ce roman, ponctuées par les réflexions d'Hemlock ou ses échanges avec H., autour des destinées, de l'amour, de la liberté et de la mort.

"Je suis née dans une maison hantée, je suis moi-même pleine de fantômes".

Dans ce roman, Gabrielle Wittkop développe une monstrueuse puissance littéraire, autant par son univers que par la qualité de son écriture et l'intelligence de sa trame narrative. Trois lieux, trois époques et à chaque fois, le lecteur est totalement immergé dans un décor qui se referme sur lui par tous les sens ; les descriptions sont à couper le souffle, qu'il s'agisse des rues de Paris, des bords de la Tamise, des scènes de torture, des avortements, des accouchements ou des exécutions capitales.

"La ville sentait le gruau, la cendre, la marée et le suif des chandelles. C'était une odeur froide et lourde qui collait sur les choses, avec aussi des fadeurs de sang et la noire suavité des pourritures, une haleine transportée par la fumée du charbon et le gros brouillard jaune qui par la Tamise montait des marécages. Entre les carrosses, les chaises, les troupeaux, les charrois, la foule déversait son fleuve tumultueux dans le chenal des rues".

Le lecteur est embarqué, spectateur fasciné par les drames qui se déroulent sous ses yeux, par la chaîne du mal qui se tisse au fil des siècles, les destins qui semblent se répondre, s'entremêler, les passerelles sans cesse tendues par l'auteure par le truchement d'un tableau, d'un livre, d'un bijou ou d'une chambre. Et toujours, ce lancinant débat dans l'esprit d'Hemlock face à son amour désormais indissociable de la mort, de l'ambiguïté de ses sentiments, de la mémoire qui se délite en engloutissant les millions d'instants qui composent une vie commune. C'est fort, c'est puissant, c'est impressionnant.

Pour moi, Hemlock est un chef d'oeuvre et je me sens bien chanceuse de l'avoir désormais dans ma bibliothèque.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Trois destins : celui de Béatrice Cenci, de la marquise de Brinvilliers et de Mrs Fulham, qui, après leur condamnation pour meurtre, s'achèvent tous tragiquement par leur mort.
Parallèlement, Hemlock, la narratrice, assiste impuissante à la déchéance progressive et inéluctable de son compagnon H ; suicide, aide à la mort, aucun des membres du couple ne se décide à franchir le pas et Hemlock choisit de s'éloigner en voyageant.
Etrange jeux de miroir où ces destins ne semblent pas choisis, à peine assumés et sans désespoir.
La langue d'une implacable cruauté, baroque et foisonnante, justifie à elle seule cette lecture.
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La meurtrière à travers les âges, ses échos, ses peurs et ses hébétudes, l'aveuglement et l'irrépressible désir de liberté. Dans une prose captieuse, picturale, d'une rêveuse précision et d'une sensualité aussi musicale et grotesque que les époques (la post-renaissance, le XVII siècle et l'Inde en 1900) troublées où se tisse et s'entremêle le récit, Gabriel Wittkop ensorcelle. Hemlock, ou la ciguë, superpose fatalité, poison et peinture captivante de détails, de blasons.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Et bien on peut dire que je termine bien l'année 2020 avec ce somptueux roman!
J'ai été subjuguée par ce récit, la puissance des personnages, par le talent littéraire de l'auteur.
C'est l'histoire de la mort à travers trois récits, l'histoire de trois empoisonneuses, Béatrice Cenci, la marquise de Brinvilliers et Augusta Fulham à travers lesquelles s'insère la propre vie d'Hemlock (la ciguë) qui ne souhaite, de son côté, que son mari malade meurt. On voyage à ses côtés dans le monde et à travers les siècles, On partage ses réflexions sur l'amour et la mort.
C'est à lire !!! Merci Nicole Grundlinger. Superbe découverte que je vous invite à lire.
Quidam Editeur
Lien : https://blogdelecturelepetit..
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critiques presse (1)
Bibliobs
28 décembre 2020
« Nous vivons chaque jour un drame de Beckett adapté pour le Grand-Guignol », écrivait-elle [...] dans « Hemlock », livre-monstre, sublime chimère composée de quatre femmes. Au centre, il y a Hemlock, la narratrice, dont le prénom en anglais signifie ciguë. Atteint d’une maladie dégénérative, H., son compagnon, est mourant et bien qu’elle l’aime toujours, Hemlock considère désormais H. comme une entrave à sa liberté et envisage d’accélérer sa fin.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
-Excusez-moi, mais il m'est beaucoup plus facile de visiter la morgue ou d'assister à une autopsie que de regarder un animal assassiné.
-Certains cannibales ont de ces délicatesses...Certaines ogresses des scrupules qui les honorent...Car, ma chère, je vous soupçonne capable de tout...

Page 224.
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Déjà tôt dans la nuit le peuple romain avait envahi le lieu du supplice et attendait. Une espèce de feulement bruissait dans le rêche tapis de foule sous lequel disparaissait le sol. Comme beaucoup arrivaient en bateau, les barques heurtaient leurs coques, entremêlaient leurs rames à grand bruit et il y avait tant de lanternes sur le Tibre qu’on eût pu croire à quelque fête, n’eussent été la sauvage passion des regards et la menaçante touffeur de l’air. Le matin du 11 septembre se leva sur un ciel soufre où chassés par le sirocco des nuages cuivrés roulaient si bas qu’ils semblaient vouloir se précipiter sur la terre. Les cloches sonnaient toutes seules, les oiseaux tombaient du ciel, des bêtes fuyaient au galop à travers la ville et, croyant venu le Jugement dernier, certains virent même les morts sortir des tombeaux. Devant le ponte Sant’Angelo la foule était si dense que lorsque quelqu’un s’évanouissait on faisait passer son corps par-dessus les têtes, porté à bras tendus jusqu’à ce que dans quelque rue voisine on trouve enfin un peu de sol libre pour l’y allonger. Bientôt les tribunes préparées pour les notables furent elles aussi couvertes d’assistants. Fort de ses relations, don Marianno s’y était assuré une place de choix et étrennait ce jour-là un superbe pourpoint de velours vert avec une cape de même et des hauts-de-chausses à l’espagnole.

Àneuf heures, le funèbre cortège partit de Tor’di Nona, déroulant sous le ciel couleur de dent gâtée un long ruban sombre d’où montaient des bannières oscillant sur un rythme de marionnettes. Les sbires et les soldats encadraient un chariot où Bernardo était assis enchaîné face à son frère nu jusqu’à la ceinture, près d’un petit fourneau bien protégé de la tempête et au feu duquel le bourreau rougissait ses tenailles. Il y en avait toujours quelques-unes de prêtes comme les fers des lingères, de façon que le tourmenteur ne chôme pas, si bien qu’à tout instant mastro Peppe arrachait à Giacomo un lambeau d’épaule ou de mamelle, dans une puanteur de chair brûlée. À chaque hurlement de son frère, Bernardo retombait sur lui-même, mol et blanc comme un mouchoir. La cloche de la chapelle que les fratelli dei Agonizzanti avaient sur la piazza Pasquino sonnait inlassablement le glas, d’une voix dure et grêle. Pareil à quelque épouvantai!, un grand crucifix dont le porteur baisait les pieds précédait le char, entouré des pénitents psalmodiant sous leurs cagoules. On avait éteint les cierges à cause du sirocco, tandis qu’une lueur irréelle, dépourvue de source eût-on dit, enveloppait l’immense scène des rues bondées. Muette, la foule regardait progresser le cortège vers Corte Savella. Il s’arrêta devant le portail et les femmes sortirent, accompagnées d’un grand tumulte.

Ceux de la Buona Morte et ceux de San Giovanni Decollato portant sur leur froc noir le plat de Salomé brodé en argent, soutenaient Beatrice Cenci. Depuis si longtemps elle n’avait pas vu la lumière du jour que l’éclairage crépusculaire du sirocco suffit à l’aveugler. Les cris de Giacomo lui hérissèrent le poil. Lumière de mort, clameurs de mort.
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L'avion se balance. Il peut suffire d'une vitre, d'une feuille pluviale pour abolir l'équilibre de l'oeil. L'apesanteur oblitère toute durée, tout développement, toute déchéance aussi et la chute ne pourrait être qu'immédiate résurgence. Icare s'enfonce au coeur des abîmes, météore inversé dans les chaos du centre, javelot transperçant le noyau rustre, il remonte des limons marins vers les lustres glauques, vers le ventre blanc des requins, il ressuscite aux Antipodes et jaillit des mers vers l'incandescence solaire.
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Vidéo de Gabrielle Wittkop-Ménardeau
Soirée spéciale Gabrielle Wittkop.
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