Le sujet: un antiquaire rédigeant son journal pour y raconter ses aventures nécrophiles.
Autant dire que d'emblée, le bouquin a intérêt à être sérieusement solide pour faire passer un tel sujet. Je commence à avoir roulé ma bosse dans la littérature "érotique" et scandaleuse, et j'attendais de pouvoir lire
le Nécrophile depuis maintenant quelques années, après avoir eu quelques extraits qui me paraissaient plutôt prometteurs sur le plan littéraire. Notez que je suis blindé, après avoir lu
les 120 Journées de Sodome (
Sade), et qu'il en faut désormais beaucoup pour me mouvoir et m'émouvoir dans ce domaine.
Et là, clairement, ça n'a pas été le cas. le sujet, sulfureux, scandaleux, n'est qu'un prétexte pour choquer les bonnes moeurs bourgeoises parisiennes des années 1970 (paru en 1972). La forme, elle, n'a aucun attrait, aucune espèce d'intérêt littéraire permettant de sublimer un sujet répugnant, à la manière des Fleurs du Mal. Pour tout dire, on a l'impression d'un exercice scolaire d'une lycéenne qui n'a aucune connaissance du sujet et élude son inexpérience et son ignorance par des tournures de phrases sans âmes, copiées chez d'autres auteurs et maintes et maintes fois revues, sous prétexte de retenue pudique. Mais l'ellipse est un art à part entière, et sert soit à couper une scène dont l'intensité serait mal venue dans un roman autrement plus "calme", ou au contraire à renforcer le côté suggestif de ce qui est éludé en faisant appel à l'imagination du lecteur. Ici, c'est juste gnan-gnan, et ça sert clairement à dissimuler le manque de talent littéraire de l'auteur.
Ce livre n'a, autant le dire, aucun intérêt, ni du point de vue de la langue (comme chez
Nabokov), ni du point de vue "subversif" (comme chez
Sade), ni du point de vue de la construction littéraire (comme chez un
Fowles, par exemple). Littéralement sans queue ni tête, cette histoire n'apporte rien au lecteur. Elle s'ouvre sur une description se voulant choquante des bonnes moeurs avec le cadavre d'une enfant (à une époque où certains faisaient la promotion de toutes les transgressions, principalement homosexuelles et/ou pédophiles...), et s'achève sur un non-sens frôlant le ridicule (avec, ô quelle surprise, des faux jumeaux adolescents...), de façon abrupte parce que
Wittkop ne savait clairement pas comment finir son bouquin.
L'éditeur a essayé de rattraper la nullité du propos avec une vague histoire exotique de Netsuke, qui n'apparaît que le temps de deux pages dans le récit, comme un cheveux sur la soupe, une vague référence larguée là comme pour flatter le connaisseur transgressif. Procédé éditorial franchement minable et malhonnête qui très honnêtement m'agace autant que le vide abyssal contenu dans ce bouquin sans intérêt littéraire, tout juste bon à ranger dans le rayon des curiosités mal foutues sorties des années 1970.
Le Nécrophile est un bouquin parfaitement nul, plat et sans aucun intérêt, écrit par quelqu'un qui aurait mieux fait de travailler son texte et son idée au lieu de vouloir absolument choquer son époque. La crise d'adolescence gothique-révoltée se pardonne chez les jeunes, mais beaucoup moins chez une auteur ayant passé la cinquantaine à l'époque.