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Béatrice Laroche (Traducteur)Jean Pasqualini (Préfacier, etc.)
EAN : 9782910884055
382 pages
Bleu de Chine (16/07/1998)
4.19/5   8 notes
Résumé :
Harry Wu a séjourné dans la section 585 de la ferme de Qinghe pendant deux ans.
Moi, je n'y suis resté que deux jours, grâce à ma qualité d'étranger. Quelle horreur! Quelle horreur! L'enfer de Dante ne soutient pas la comparaison. Dans ce camp, quelle désolation !... J'ai vu des gens ramper parce qu'ils n'avaient plus la force de tenir sur leurs jambes. Harry Wu a survécu en grappillant sa pitance dans les champs, herbes, plantes, grenouilles, serpents, qu'il... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Harry Wu est né en 1937 dans une famille aisée de Shanghaï. Son père travaillait dans une banque au contact d'étrangers , et en 1952, il a commencé à avoir quelques ennuis. C'était un «  chien courant », un Chinois qui avait établi des liens avec les Occidentaux. Première tare de Harry Wu, être issu d'une telle famille. La deuxième est d'être un intellectuel, se destinant à la géologie, ayant osé émettre quelques réserves sur l'attitude du Parti envers sa famille au cours des mouvements de "rectification"destinés quotidiennement à faire son auto-critique .Quelques réserves aussi sur l'invasion de la Hongrie. de plus, il était entraîneur de l'équipe de base ball et de softball , et des plaintes de joueurs ont été enregistrées: "Nous accusons le contre-révolutionnaire Wu Hongda d'avoir entraîné notre équipe dans une direction capitaliste. Je n'avais pas la moindre idée de ce que cela signifiait. " C'est vrai que vouloir savoir de quoi on est vraiment accusé relève déjà de la gageure sous ce régime. Vous rajoutez à cela que ,très inquiet pour sa fiancée, il a quitté l'école quelques jours pour partir à sa recherche, craignant qu'elle se soit suicidée, et voilà.. Un vrai ennemi de la révolution, un "droitier contre révolutionnaire", c'est ainsi qu'on les appelait , allez, à réformer d'urgence au laogai.
Et c'est parti pour… 19 ans. Oui.

10 ans comme prisonnier, 9 ans comme travailleur volontaire, ce qui ne changeait pas grand chose.

"Sous Mao Zedong, le laogai était un réseau de camps de travaux forcés pour les ennemis du Parti communiste chinois selon les « neuf catégories de nuisibles » (propriétaires fonciers, paysans riches, contre-révolutionnaires, mauvais éléments, droitistes ou droitiers, militaires et agents du Kuomintang, agents ennemis capitalistes et les intellectuels pendant la Révolution culturelle). Aujourd'hui encore, nombre de ces centres de détention existent. On y trouve les opposants politiques, dissidents, et étudiants présents lors des manifestations du 27 avril et 4 juin sur la place Tian'anmen en 1989. On trouve donc également dans ces camps, des activistes qui reconnaissent le pape, des activistes tibétains et un nombre important de pratiquants du Falun Gong.
Du point de vue répressif, le système de « rééducation par le travail » autorise à enfermer les délinquants ou les opposants politiques « pour une durée pouvant aller jusqu'à quatre ans, de manière extrajudiciaire, sans procès ni possibilité de recours à un avocat " Wikipédia

Il va vite s'apercevoir que seuls les plus forts vont pouvoir survivre. Comme partout. Emprisonné au moment de la grande famine du début des années 60, c'est la faim qui est le thème central du récit pendant de nombreux chapitres. Ce qu'ils parviennent à manger à certains endroits,et chaque fois qu'ils changent de camp, c'est cela qu'ils visent. Une heure après l'autre, la lutte contre la faim. La faim les transforme tous en animaux, la pitié est rare entre eux, le seul but est la survie physique. Rats, taupes bouillies, un vrai régal très rare. Un a découvert par hasard un navet? Combien sont derrière pour tenter de lui voler.. C'est vraiment l'instinct de survie animal, plus rien n'a d'importance. Régulièrement, quand même, ils doivent rappeler haut et fort les excellentes raisons qui les ont amenés là à travailler comme des bêtes de somme sans être nourris, s'en repentir publiquement, etc. Toutefois, toujours dans le récit, Harry Wu pose la question de ses propres limites. Pas de tabassage des autres, pas de délation , pas de vengeance entre eux.

En 1965, ils sont 3 à avoir une idée, écrire une lettre au Comité central du Parti communiste disant ceci: "Nous savons que la politique du Parti a pour but de nous aider à mous réformer. Nous savons que la politique concernant la révolte des droitiers a des résultats très positifs. Grâce aux conseils du Parti , pendant nos années de rééducation par le travail , nous sommes parvenus à nous réformer. Même si notre réforme n'est pas totalement achevée, certains parmi nous ont beaucoup progressé. Comment se fait-il qu'aucun droitier n'ait été libéré depuis le 24 mai 1964?"
Ce n'était pas une bonne idée.
Cachot, conditions indescriptibles, et là il croit vraiment qu'il va mourir. Mais il ne meurt pas, et il découvre , finalement, que certains sont capables encore d'un peu de ..solidarité.
"Personne n'avait le droit de me témoigner des signes de compassion cependant je lisais l'inquiétude dans les yeux de mes compagnons. .. Gao captura une grenouille dans les champs, et le deuxième soir, il parvint à me donner un peu de viande fraiche. J'étais en vie, rien d'autre ne comptait."

Harry Wu a été libéré en 1979 , il a réussi à émigrer aux Etats-Unis six ans plus tard. Il a pris le risque de retourner en Chine en 91 et a réussi à filmer clandestinement quelques images de ces camps. En 95, il a recommencé, là il a été arrêté , condamné à 15 ans de camp mais a été expulsé après 60 jours grâce à la pression du gouvernement américain.
Son souhait est que les laogai soient "reconnus par la communauté internationale et classés au même titre que les goulags communistes ou les camps de concentration et camps d'extermination nazis pour leur extrême barbarie envers l'être humain."
Il a créé une fondation et continue à se battre..

J'ai lu ce livre très lentement. Il n'y a aucun pathos, tout est très froid dans la description, avec quelques analyses bien sûr, non politiques mais plutôt axées sur ce que peuvent subir des hommes, et à quoi peut éventuellement être due leur survie.
Au niveau chiffres:
"Le système du laogai est estimé à plus de 1000 camps à travers les différentes régions de la République populaire de Chine. D'après le gouvernement chinois, il concerne actuellement plus de 2 millions d'individus, mais entre 4 et 6 millions de prisonniers selon la Laogai Research Foundation. Cette organisation, créée par Hongda "Harry" Wu, ancien prisonnier chinois du laogai, estime à plus de 50 millions le nombre de prisonniers chinois qui sont passés dans ces camps depuis l'arrivée des communistes au pouvoir en 1949 et à 20 millions d'hommes et de femmes qui y sont morts (froid, faim, maladie, fatigue, exécutions sommaires, etc.)."

De temps en temps, quand même j'avais une petite pensée pour les mouvements maoïstes français.. Mr Glucksmann par exemple dit dans un entretien accordé au Figaro qu'il a encore honte. Il cite Montaigne «Qui suit un autre, il ne suit rien. Il ne trouve rien, voire il ne cherche rien»,
J'espère qu'ils ont tous lu ce livre témoignage , rien de tel que des témoignages individuels pour bien comprendre ce que l'on a cautionné.





Lien : http://www.franceinter.fr/em..
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Harry Wu a émigré de la Chine vers la Californie en 1985.
Il a témoigné de son expérience pour ceux qui, comme lui, sont passés (ou qui sont encore) dans les camps de Laogai chargés d'appliquer la réforme idéologique par le travail physique.
Accusé d'être un “droitier”, c'est-à-dire un contre-révolutionnaire, il y passa 9 ans comme prisonnier, devant se rééduquer par le travail forcé selon les principes de la “dictature du prolétariat” et 10 ans comme “travailleur libre”, passant de la ferme de Qinghe à la mine de charbon de Wangzhuang.

En 1961/1962, au plus fort de la famine généralisée suite au “Grand Bond en avant”, les détenus étaient nourris en fonction de leur coopération et de leur allégeance à la révolution.
Certains mangeaient ce qu'ils trouvaient : serpents, grenouilles, réserves faites par les rats dans leurs trous, légumes pourris, moelle d'os déterrés, vers parasites des bovins… car le menu était chaque jour identique à la ferme de Qinghe : le wotou (moitié sorgho, moitié paille de blé fut remplacé par le wotou (20% farine de maïs, 80% rafle de maïs fermentée et moulue) beaucoup moins indiqué pour les intestins.

C'est un témoignage qui prend place à côté de ceux des rescapés des camps de concentration nazis et de ceux de Soljenitsyne dans les Goulags soviétiques.

Je demeure chaque fois effaré de mesurer ce que l'homme est capable d'infliger à l'homme.
De quelle inhumanité il peut faire preuve pour transformer ici des hommes en “hommes socialistes nouveaux”.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Tôt dans l'après-midi, nous grimpâmes tous les cinq dans un char à boeufs. Un policier nous escortait à bicyclette. Il nous indiqua que nous roulions à destination de la 584ème section de la ferme de Qinghe. J'étais résigné à mon sort, passif, vidé. Mon esprit était devenu de pierre. Je n'éprouvai aucune peur car je n'avais pas d'espoir.
A l'intérieur de la 584ème section, il régnait une atmosphère dynamique, légère presque. Des prisonniers se saluaient et transportaient leur literie dans leurs nouvelles baraques. Ils paraissaient beaucoup plus robustes que nous qui venions de la 585. Quelqu'un m'apprit que ces hommes étaient tous des droitiers. Ainsi, songeais-je, sous leurs vêtements loqueteux et décolorés, tous ces gens sont des intellectuels, comme moi.
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Lang fut la deuxième victime de notre brigade. Le premier à partir fut Ma, paysan illettré , arrêté pour avoir volé à son unité de production un sac de semences de maïs de dix kilos pour nourrir sa famille affamée. J'avais observé le gonflement remonter le long du corps de Ma. Sa peau était tellement tendue qu'elle devint lisse et luisante comme du verre. Dans les derniers jours, il parut de plus en plus gai et énergique. Son visage pâle et émacié se teinta d'une légère coloration rose. Par la suite, je sus reconnaître ces changements, caractéristiques des derniers stades de l'oedème, " ultimes rougeoiements du soleil couchant", comme nous disions alors.
...
Encore quelques pelletées et je butai sur la cachette du rat. Elle contenait toutes ses provisions pour l'hiver, presqu'un kilo de maïs et de soja ainsi que cinq cent grammes de riz..J'enveloppai ma fortune dans mon manteau. et tous les jours, cette semaine-là, j'allumai un feu dans les toilettes pour faire cuire ma pitance dans mon écuelle. p 156
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