Citations sur Alexis ou le traité du vain combat - Le coup de grâce (116)
Ce sont nos imaginations qui s'efforcent d'habiller les choses, mais les choses sont divinement nues.
Nous nous croyons purs tant que nous méprisons ce que nous ne désirons pas.
Nous vivons, Monique ; chacun de nous a sa vie particulière, unique, déterminée par tout le passé, sur lequel nous ne pouvons rien, et déterminant à son tour, si peu que ce soit, tout l'avenir. Sa vie. Sa vie qui n'est qu'à lui-même, qui ne sera pas deux fois, et qu'il n'est pas toujours sûr de comprendre tout à fait. Et ce que je dis là de la vie tout entière, je pourrais le dire de chaque moment d'une vie. Les autres voient notre présence, nos gestes, la façon dont les mots se forment sur nos lèvres ; seuls, nous voyons notre vie. Cela est étrange : nous la voyons, nous nous étonnons qu'elle soit ainsi, et nous ne pouvons la changer. Même lorsque nous la jugeons, nous lui appartenons encore ; notre approbation ou notre blâme en fait partie ; c'est toujours elle qui se reflète elle-même. Car il n'y a rien d'autre ; le monde, pour chacun de nous, n'existe que dans la mesure où il confine à notre vie. Et les éléments qui la composent ne sont pas séparables.
La musique me transporte dans un monde où la douleur ne cesse pas d'exister, mais s'élargit, se tranquillise, devient tout à la fois plus calme et plus profonde, comme un torrent qui se transforme en lac. (p. 81)
Les pires exemples de férocité ne servent jamais qu’à durcir chez l’auditeur quelques fibres de plus, et comme le cœur humain a déjà à peu près la mollesse d’une pierre, je ne crois pas nécessaire de travailler plus dans ce sens
Je voudrais faire ici un effort, non seulement de sincérité, mais aussi d'exactitude ; ces pages contiendront bien des ratures ; elles en contiennent déjà.
Ce que je vous demande (la seule chose que je puisse vous demander encore) c'est de ne passer aucune de ces lignes qui m'auront tant coûté.
S'il est difficile de vivre, il est bien plus malaisé d'expliquer sa vie.
Abandonnant mon âme au sommet des arpèges, comme un corps sur la vague quand la vague redescend, j'attendais que la musique me facilitât cette retombée prochaine vers le gouffre et l'oubli..
L'amitié est avant tout certitude, c'est ce qui la distingue de l'amour. Elle est aussi respect et acceptation totale d'un autre être.
D'ailleurs, un rêve, mon amie, n'est pas une espérance; on s'en contente; on le trouve même plus doux quand on le croit impossible, parce qu'on n'a pas alors l'inquiétude de le vivre un jour.
Il m'a toujours semblé que la musique ne devrait être que du silence, qui chercherait à s'exprimer. Voyez, par exemple, une fontaine. L'eau muette emplit les conduits, s'y amasse, en déborde, et la perle qui tombe est sonore. Il m'a toujours semblé que la musique ne devrait être que le trop-plein d'un grand silence. (p. 81)