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EAN : 9782742788279
216 pages
Actes Sud (31/10/2009)
3.38/5   12 notes
Résumé :

Ce roman raconte l’histoire de Cumali et de sa moustache. De retour du service militaire, et dans un premier temps très occupé, le jeune homme ne se rase plus. Quand enfin il s’installe sur le fauteuil du barbier Ziya, personnage haut en couleur et très renommé, ce dernier décide de lui raser la barbe mais de préserver la moustache, et, mieux encore, de faire de cet attribut esthétique son grand oeuvre. Le travail achevé, Cumali est superbe et le barbier sat... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Une moustache peut-elle être dotée d'une vie propre ? Peut-elle porter un nom ? Peut-elle se développer tel un parasite, en épuisant la vitalité d'un homme ?
Cumali est un jeune homme sans qualité particulière, doté d'une instruction médiocre et d'une personnalité assez falote. Libéré du service militaire, il retrouve son village, fils un rien méprisé par son père, l'irascible Hacarifa, commerçant en tissus qui est connu pour sa dureté et sa coquetterie affectée. Conseillé par Tuzsuz Vaysal, son frère de sang, il se rend chez Ziya le Barbier qui le persuade de se laisser pousser la moustache. Miracle, au bout de quelques jours, commence à se développer une splendide moustache qui va faire l'admiration de tous, et même de sa fiancée, Bedriye.
Mais, Cumali, s'en sans rendre compte, vient de signer un pacte faustien avec sa moustache. En échange de l'adulation des villageois, de la considération des notables, du respect appuyé des anciens – et parmi eux, il y a son père -, du ravissement de la gent féminine, désormais sa propre vie sera entièrement dévolue au soin de cette magnifique moustache à double crochet. Plus le poil devient brillant, dru, vigoureux, discipliné chaque jour par les ciseaux du barbier, plus sa propre vie s'étiole et la fatigue le terrasse. le Méphistophélès qui a scellé le pacte diabolique n'est autre que Ziya le Barbier, exigeant au fil du temps chaque fois plus de Cumali, et jusqu'à l'abandon de son nom.
le propos de Tahsin Yücel peut désarçonner le lecteur par la forme qu'il choisit, celle du conte, d'ailleurs le titre turc de son livre pourrait être retranscrit comme « Le dit de la Moustache ». Il nous interroge sur notre rapport à l'apparence. Que sommes-nous prêts à sacrifier pour susciter l'émerveillement chez les autres ? Qu'advient-il de nous quand nous nous transformons en symbole ? Ainsi Cumali devient le modèle même de la virilité, avant de se transformer en archétype du Turc par son costume traditionnel, puis en personnage de conte pour les enfants. Mais, rien n'est vrai au-delà du symbole. Peu à peu, Cumali se coupe des autres qui ne le perçoivent plus que comme le porteur de la moustache. Sa virilité n'est qu'illusion, ses rapports avec sa femme se détériorent et elle lui refuse son lit, quant aux jeunes filles qui lui tournent autour, elles ne veulent pas le séduire mais user de sa moustache comme d'un talisman. Sa tenue le transforme en caricature de son père et, si personne ne le moque, il est cependant démodé. Quant aux enfants, ils ne craignent pas Cumali, mais Sabrenoir, la moustache qui vole chaque nuit.
Puisque de conte il s'agit, il faut une petite voix dissonante, qui porte la contradiction et préconise la sagesse. Elle est incarnée par Bedriye abla, l'épouse de Cumali. Jamais elle n'est dupe des apparences, à chaque surenchère du Barbier, elle proteste énergiquement sans avoir aucune chance d'être entendue, tout au plus fait-elle naître un doute chez son époux qui se dissipe aussi vite qu'il est apparu. Elle comprend que lorsque Cumali abandonne son propre nom pour celui de la Moustache, elle a perdu l'homme qu'elle aimait, et que cet abandon est une forme de répudiation inconsciente.
Aşık Hasreti, le barde et commentateur des faits et gestes du village, est incapable d'écrire un poème à la gloire de Cumali. Comme si ce dernier échappait à la réalité et donc ne pouvait être intégré à la communauté de ses semblables. Présent, il n'existe pas. Mort, il sombrera rapidement dans l'oubli.
le talent de Tahsin Yücel (et de sa traductrice) est de nous restituer délicieusement la truculence des villageois. Il sait admirablement pousser la farce pour nous montrer que l'absurdité d'un comportement individuel peut passer pour de la normalité quand le groupe y reconnaît une manière de flatter son chauvinisme et sa gloriole identitaire. L'écrivain se garde bien d'en tirer une leçon, rappelant que la mémoire des hommes se charge d'elle-même d'éliminer la vanité humaine.
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La moustache turque : genèse, apogée et déclin d'une moustache conçue comme un objet collectif, fédérateur des habitants de tout un village, source de gloire et d'investissement émotionnel des hommes (et en moindre mesure des femmes) les plus proches du héros moustachu, Cumali, mais indépendamment de lui, parfois à son coeur défendant ; par adoption de loin en loin, cette moustache, emblème de la tradition et de la fierté nationale, se séparera de lui, jusqu'à en causer sa perte et à lui survivre dans une légende (« La Légende de la moustache » est le titre originel) qui se ternira jusqu'à l'invraisemblance, bien après la disparition du protagoniste. Dès le départ, il y a aliénation entre l'homme et sa moustache : le caractère médiocre de l'un s'oppose à l'extraordinaire panache de l'autre ; la gloire ineffable émanant de cet incomparable « don de Dieu » doit dicter une allure vestimentaire, une sociabilité, un comportement, un code de virilité, une éthique au personnage qui ne sauraient lui seoir. Longtemps dure cette aliénation telle que l'on s'enquiert de leur santé au pluriel, qu'on les nomme séparément, jusqu'à changer son nom de famille à lui pour la désigner, elle : « Sabrenoir ». Peu importe si cela implique le sacrifice de sa vie conjugale, de sa libido extraconjugale, de son travail, de son sommeil, de sa santé... La moustache appartient au Barbier qui la bichonne, aux femmes qui en fantasment, au hommes du bourg qui s'en glorifient, à la nation. Jusqu'à l'acte de hubris. le héros se mettra le village à dos pour avoir refusé de participer à un concours national genre Monsieur Moustache qu'il remporterait haut la main : sa moustache est sacrée, elle ne rentre pas dans le domaine agoniste. Mais par ce refus, paradoxalement, Cumali est enfin devenu l'homme de sa moustache, pas la bonne femme qui change de nom lors du mariage, un homme digne d'elle : plus d'aliénation. Néanmoins, dès lors que celle-ci décline, commence à blanchir, à perdre de sa vigueur, le héros ne va pas supporter cette diminution qui est sa propre perte. La moustache a été mordue, l'homme est impotent. Les retrouvailles de la femme avec son époux, celui qui n'est pas l'ombre de sa moustache, se font sur son lit de mort, Sabrenoir abîmée. L'épopée de la moustache se poursuit, et se retrouve tout au long du roman dans son langage baroque, sur-écrit, sans doute traduit de façon excessivement soutenue (à vérifier).
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Lu dans le cadre du challenge Globe-trotteur.
Aborder la littérature turque par "La moustache" n'a pas été vraiment un bon choix.
Certes un des personnages principaux est bien une moustache, et en Turquie, la moustache semble avoir été à connotations sociales et politiques.
C'est aussi l'histoire de celui qui la porte : Cumali qui se laisse embrigader par le barbier du bourg qui va lui créer une moustache virile à double crochets vers le haut tout en l'influençant sur d'autres points au nom de la tradition.
Comme l'annonce l'éditeur, je m'attendais à "Une fable philosophique toute en finesse", à quelque chose d'amusant, de caricatural.
Hélas, si la première partie est franchement captivante et drôle, l'histoire finit par s'enliser à mon goût. Je n'ai pas réussi à saisir les visées de l'auteur.
Dommage.
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De retour de son service militaire dans son petit bourg, Cumali se laisse pousser la moustache

Cette moustache fait de lui quelqu'un d'extraordinaire au sein du bourg, les hommes admirent, les femmes aussi. Elle est un signe de fierté de la nation, une preuve de virilité. Seule sa femme n'est pas contente car elle devient un obstacle entre eux. Puis le statut de la moustache évolue, avec le barbier qui devient un coach de vie, il faut que Cemali soit "l'homme de sa moustache" fasse attention à lui, à son apparence, à son mode de vie. La moustache prend de plus en plus de place dans sa vie jusqu'à ce que les rôles s'inversent, la moustache prend le pouvoir sur son identité, elle devient la fierté du bourg. 

Et si tout le monde est subjugué, Cumali lui est complètement perdu. Seule sa femme reste lucide face à tout cela. 

J'ai adoré l'ambiance petit bourg, une fois tous les noms attribués, on a les habitants mais aussi tout un bourg qui devient un personnage également. le tout est jubilatoire, parfois absurde, parfois hilarant et surtout merveilleux ! 


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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
(…) vers seize ou dix-sept ans, comme tous les jeunes gens du bourg, il s'était lui aussi laissé pousser une fine moustache, ce qui à cette époque paraissait tout aussi naturel que de porter une chemise ou de mettre des chaussettes. Mais après vingt-trois mois de service militaire, il s'était habitué à ne plus en avoir, il aurait même pu dire qu'il se préférait sans : pas de perte de temps devant la glace à arranger sa moustache, une fois la lame posée sur le visage, celle-ci disparaissait en même temps que la barbe. Et contrairement à ce que l'on disait, cela n'ajoutait rien à la virilité.
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« À force de voir Cumali aller et venir revêtu des incomparable tenues de Hacarifa, ils eurent l'impression de récolter une part de sa magnificence, du moins éprouvaient-ils une joie plus noble, plus fulgurante. Selon Osman Hoca, cette joie n'était pas autre chose que l'expression confuse d'une nostalgie que chacun éprouverait et qui aurait trait à leur identité commune ou plus exactement à ce qu'ils croyaient être leur identité commune. Les hommes voyaient en Cumali, avec sa moustache, sa haute taille et sa tenue, une représentation, surgissant telle une météorite, de leur tréfonds commun, d'un avenir qu'ils avaient rêvé mirifique. Ainsi, de manière détournée, ils s'associaient à ses qualités extraordinaires, et par le biais de cette communion, ils cherchaient à diminuer le fossé qui les )séparait de lui. » (p. 67)
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« […] il lui plaça la tête sur l'appui-tête. Ensuite, reculant d'un pas il examina longuement l'objet de sa dévotion d'alors : son regard était totalement exempt de toute haine ou de toute colère, on pouvait seulement y déceler l'ombre d'une peur ou encore le chagrin provoqué par la déception d'avoir compris que la moustache qui revenait n'avait plus rien à voir avec celle qui était partie à une époque. Le Barbier était comme un amoureux dont la bien-aimée avait été ravie par quelqu'un d'autre dans sa jeunesse et qui, des années plus tard, en revoyant le visage inoubliable de son ex-amoureuse, se sentait davantage ébranlé par le fait que celui-ci fût devenu méconnaissable que par le souvenir de ce qu'il avait subi. » (p. 161)
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Le Barbier fronça à nouveau les sourcils, l’air contrarié, et grommela :
– Ce sont tous des andouilles, que Dieu me pardonne, des triples andouilles, qui pourrait rester le même avec une telle moustache ?
– Elle pourrait aussi changer la façon de marcher ?
– Oui, et aussi la façon de s’asseoir, de se coucher, elle peut même appeler à changer de Dieu !
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Ensuite, il expliqua d’une manière alambiquée qu’il ne fallait pas voir de critique dans ses paroles mais que la moustache de Cumali s’apparentait à toutes les moustaches turques connues depuis des siècles c’est-à-dire qu’elle était fidèle à un idéal, et que Cumali était sans doute le premier dans l’histoire à « franchir la ligne d’arrivée », que nous devions donc lui être reconnaissants et le remercier ainsi que ceux qui lui avaient apporté leur aide, tandis que lui-même se devait de s’incliner et d’apporter tout le soutien nécessaire à cette moustache traditionnelle surgissant sous la forme la plus parfaite, dans cette charmante petite bourgade, ce petit coin de paradis de notre Anatolie.
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