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sur 5650 notes
Définition du Petit Larousse 2051 :
Assommoir (nom masc.) : livre percutant, machine à donner des coups de poing en pleine face au lecteur. Ex : " Tiens, j'ai découvert un livre incroyable, c'est un vrai assommoir. " " Oh, là, là ! Je viens de lire les Cinquante Nuances de Grey ! Pfff ! C'était pas de l'assommoir ! "

Aujourd'hui, je vais choisir un parti pris peut-être osé, pas trop assommant, je l'espère : je vais prétexter qu'Émile Zola n'est pas un écrivain talentueux. Je sens déjà gronder la meute alors il me faut de suite préciser ce que j'entends par talentueux.

Selon moi, Émile Zola n'est pas le type de l'écrivain foncièrement doué dès le départ, qui a un sens inné de la formule juste, qui, quoi qu'il touche, aura toujours une plume séduisante, ce n'est pas un Beaumarchais , un Voltaire ou un Hugo qui pourrait presque se permettre de laisser courir sur le papier le flot continu de sa pensée sans jamais que cela soit pénible à lire.

Non, Zola, à mon avis, c'est l'inverse de cela. C'est un écrivain laborieux, tenace, obstiné, travailleur jusqu'au stakhanovisme, qui remet cent fois l'ouvrage sur le métier, qui se fixe un point et qui s'y tient, qui creuse, qui creuse, qui creuse son sillon, patiemment, motte après motte, comme un boeuf écumant jusqu'à ce que le champ soit entièrement labouré. Alors seulement, il s'autorise une petite pause, prend son mouchoir, essuie son front et ses lunettes, arbore un petit sourire de satisfaction en regardant sa parcelle retournée, puis retrousse à nouveau ses manches et repart pour une nouvelle besogne.

Jacques Brel disait : " le talent, c'est d'avoir la volonté de faire quelque chose. " et c'est en ce sens-là qu'Émile Zola est talentueux selon moi. Si vous avez un jour la curiosité de lire les Rougon-Macquart dans l'ordre, vous vous apercevrez qu'il lui aura fallu attendre le treizième volume pour atteindre ce qu'une large majorité considère comme sa quintessence, avec Germinal. Treize romans avant le Nirvana, ce n'est pas rien tout de même.

Vous vous apercevrez, ce qui pour moi est toujours assez émouvant, que c'est vraiment à force de travail qu'Émile Zola a acquis son art. le projet est très comparable dans le Ventre de Paris ou dans Au Bonheur Des Dames : on décrit les Halles dans l'un et les grands magasins dans l'autre. le but est clairement descriptif et documentaire, or, ce travail qui pouvait s'avérer lourd, redondant et pléthorique dans le Ventre de Paris, numéro 3 du cycle, passe comme une lettre à la poste dans Au Bonheur Des Dames, le numéro 11. Il a progressé, il s'est amélioré, il s'est affiné il maîtrise mieux non pas son sujet, mais son art, l'art de la plume de l'écrivain naturaliste.

Et ici, avec L'Assommoir, c'est absolument flagrant. C'est tellement beau, c'est tellement fort, c'est tellement émouvant de le voir sous nos yeux apprendre à maîtriser l'art du dérapage sur piste glissante, de le voir s'en tirer à chaque fois mieux, commençant au correct et terminant au sublime.

Car dans le fond, pourquoi ce septième roman des Rongon-Macquart a-t-il connu plus de succès que tous ceux qui ont précédé et jouit-il d'une plus grande notoriété ? A priori, il n'est pas fondamentalement différent des autres. La recette de Zola semble toujours un peu la même, le couple subissant une lente agonie et une spirale descendante a déjà été dépeint dans La Conquête de Plassans.

Cette fois, c'est la cousine des Mouret, la célèbre Gervaise Macquart, devenue Coupeau qui est sur le gril. Zola nous embarque dans les arcanes du monde des ouvriers et des petits commerçants de Paris, et comme dans les ouvrages précédents, la part faite à la description est grande. Vous découvrirez les lavoirs, les blanchisseries, l'atelier miteux du chaîniste de la Goutte d'Or, les toits de Paris couverts de zinc, la forge, qui ressemble à celle de Vulcain, les fleuristes, et même l'auteur nous emmène au Louvre, puis bien évidemment, dans l'antre fétide et maléfique des débits de boisson où les ouvriers viennent s'abîmer.

Qu'est-ce qui est si différent ici des autres romans ? Sur le fond, probablement rien. Zola continue d'y creuser son sillon, de dérouler son oeuvre sociale sur un nouveau pan de la société, en l'occurrence les classes ouvrières qu'il avait déjà un peu visité dans le Ventre de Paris. Gervaise n'est pas si loin de réussir dans la blanchisserie comme sa soeur Lisa dans la charcuterie.

Ici, à mon avis, la grande différence, ce qui est vraiment magique avec ce roman, provient du style qu'Émile Zola va employer et faire éclore, sous nos yeux, à force de travail, sans presque l'avoir fait exprès. À force de s'accoquiner au phrasé et à l'argot le plu cru de l'époque (pour faire plus vrai), la prose de Zola s'est révélée, s'est transfigurée page après page, par ce mélange de langue érudite et de langue fangeuse. Pour moi, c'est ça qui explique le succès phénoménal de L'Assommoir.

Regardez, observez, soyez attentifs, suivez l'évolution du style au sein du livre et découvrez au chapitre 10 notamment, cette espèce de mélange de lyrisme et de miasmes absolument nouveau, même pour Zola et d'une fluidité, d'une force absolument prodigieuse, qui deviendront la " marque de fabrique " de l'auteur, qui annonce le style du grand, de l'inénarrable Céline. Un style qui a éclos ici, presque fortuitement à l'écriture forcenée de L'Assommoir par un Zola plus laborieux et travailleur que jamais.

Ainsi, à baigner dans le jus de l'argot, la prose du naturaliste a acquis une dimension supplémentaire, Émile Zola a fait évoluer son style pour coller à la violence, à la médisance et à l'indigence qu'il décrit. Et c'est, volontairement ou non, qu'il atteint l'excellence, car on le sentait certes en germe dans les ouvrages précédents (il avait un peu raté le coche dans le Ventre de Paris), mais jamais encore il n'avait pleinement épanoui une telle verdeur de style, une certaine révolution, qui fait qu'aujourd'hui Zola est Zola.

Bref, on a le sentiment qu'à décrire la lente et inéluctable descente aux enfers de Gervaise dans la puanteur et le désespoir, l'auteur s'est trouvé lui-même et a franchi le seuil de son identité littéraire. Il y aura un " avant " et un " après " L'Assommoir. La scène du fouet chez le père Bijard au chapitre 10 est l'une des plus dures qu'on puisse imaginer, rappelant les pires déboires de Fantine et Cosette réunies dans Les Misérables.

On sent Gervaise fragile psychologiquement, jamais très loin de s'en sortir, mais effectuant toujours le mauvais choix quand s'offre une alternative tant avec Lantier (admirable en sa qualité de " ver dans le fruit "), que Coupeau suite à sa chute, que Goujet qu'elle n'ose pas rejoindre alors que lui seul semblait pouvoir lui assurer un certain salut.

Finalement, ce qui est touchant chez Gervaise (un peu comme chez Nana sa fille plus tard), c'est cette dénégation de la vie, cette abnégation à affronter la chute sans craindre la mort tellement l'existence a peu de prix pour elle. La scène d'apocalypse finale que subit Coupeau en proie au pire des delirium tremens est une sorte de synthèse, où tout le mal accumulé dans les chairs et dans l'esprit dans cette descente ressort en un torrent de douleurs et de démence indescriptibles. Ce roman est aussi le germe, l'éclosion de deux personnages important des romans à venir, en la personne de Nana dans le roman éponyme et d'Étienne dans Germinal.

Enfin, comme les Halles dans le Ventre de Paris et plus tard, la locomotive de la bête humaine, l'alambic de L'Assommoir du père Colombe est élevé au rang de personnage effectif, démon maléfique et vénéneux au pouvoir quasi mystique digne des sortilèges de l'Odyssée.

Lisez et relisez ce premier (et pas dernier) grand coup de poing en pleine face que nous assène Émile Zola dans les Rougon-Macquart. Or, bien entendu, ce que vous venez de lire n'est qu'un avis, alambiqué et assommant, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Attention, la lecture de "l'Assommoir" peut provoquer l'ivresse !

Ivresse de tourner les pages ; ivresse de savoir ce que cache la violence sociale… Une ivresse noire, pénible, qui fait naître le malaise et retourne le cerveau.

Pourquoi ce tome est-il l'un des plus célèbres de son auteur ? A cette question, chaque lecteur l'ayant apprécié peut apporter sa réponse personnelle. Pour ma part, je m'explique ce succès par la fascination du pire qu'il engendre chez le lecteur. Ce fut le cas pour moi.

Comme toujours avec Zola, la nature humaine est mise à nu, crûment. le maître absolu de la littérature naturaliste dévoile dans ce roman toute la noirceur d'âmes qui ne connaissent ni la modération, ni la charité et encore moins la raison.

Dans ce 7ème tome des Rougon-Macquart, le personnage principal que le lecteur va suivre (et auquel il a de fortes chances de s'attacher) est Gervaise Macquart, la petite-fille d'Adélaïde Fouque, racine-souche de la famille. Toute l'action du roman se déroule à Paris, dans un milieu ouvrier décrit sans concession, si bien qu'à sa parution, voilà un ouvrage qui a fait bien des remous dans l'opinion publique !

Gervaise est blanchisseuse ; une brave fille travailleuse, pourtant l'archétype de celle "qui n'a jamais de chance", alors attendez-vous à un Zola "noir de chez noir". Malmenée par les hommes qui partagent sa vie, sa bonté et son endurance lui font franchir bien des épreuves et la mènent même sur la voie de la réussite mais c'est sans compter sur les "vices" vers lesquels l'homme a tant de facilité à glisser : oisiveté et fainéantise, alcoolisme, égoïsme et gaspillage. L'énergie et la patience de Gervaise n'y réussiront pas, c'est vers l'abîme social que toute sa famille dirige ses pas.

Bon, je m'arrête là, vous aurez compris le ton du roman.

Je finis en vous donnant mon opinion. Très beau "morceau" de littérature, oeuvre qui "remue les tripes" en profondeur, "l'Assommoir" reste pour moi un incontournable de Zola, l'un de ses plus beaux écrits, à sa ressemblance : dur, réaliste et émouvant.

A consommer sans aucune modération !
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C'était un des opus attendus, parce que déjà lu et apprécié autrefois, L'Assommoir, histoire de l'inévitable descente aux enfers de la petite Gervaise, élevée dans la violence d'un père ivrogne, et qui un temps goûta à la consolation temporaire de l'anisette, jusqu'à l'écoeurement. Celle que l'on appelait la boiteuse achève sa vie d'enfant à quatorze ans, enceinte des oeuvres d'Auguste Lantier, beau parleur et flambeur. le couple quitte Plassans pour Paris, menant grand train jusqu'à épuisement d'un pécule qui devait servir à leur établissement. Lantier boit, Lantier frappe, Lantier fait disparaitre peu à peu les quelques possessions misérables du couple, Lantier finit par se faire la malle, au sens propre du terme. Et ce fût peut-être le moment où Gervaise vécut dans la sérénité, travaillant pour nourrir ses deux petits, et jurant de ne plus s'encombrer d'un homme. Il aura suffit de l'assiduité un peu lourdingue de Coupeau pour qu'elle mette fin à son serment, et signe là une dégringolade annoncée.

Ce roman offre des scènes mythiques, mises en images par René Clément en 1956, celles de la fessée au lavoir, celle de la noce déambulant sous la pluie, celle du delirium tremens, un modèle de description clinique. C'est une fois de plus un travail d'observation et de restitution remarquable que nous offre Zola, avec une grande habileté pour faire coller le cadre et l'écriture . le langage est celui du peuple, avec ses mots argotiques, qui sont oubliés depuis longtemps et ses expressions populaires imagées, vulgaires et parlantes.

Peu de politique dans cet opus, ce ne sont pas les divagations alcoolisées de Lantier raillant « Badingue » qui relèveront le niveau.

Pour les personnages, hormis Goujet, le forgeron amoureux, les hommes ne sont pas mis en valeurs : fainéants, alcooliques, parasites, donnant l'impression que les troquets sont plus peuplés que les chantiers, pourtant nombreux dans ce Paris en pleine restructuration.

Quant à la douce Gervaise, un bon fond, une générosité sans faille, c'est sa volonté défaillante qui la conduit à sa perte. Son désir d'indépendance disparait lorsqu'un homme lui manifeste son désir. Reproduisant le modèle familial, elle trace sa voie vers le malheur.

C'est l'un des plus forts et des plus émouvants romans de la série des Rougon-Macquart, une chronique sociale dans la lignée du naturalisme, qui décrit la fin d'une époque où le savoir-faire anoblissait l'ouvrier, bientôt remplacé par les machines.
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"J'affirme que j'ai fait une oeuvre utile en analysant un certain coin du peuple, dans L'Assommoir. J'y ai étudié la déchéance d'une famille ouvrière, le père et la mère tournant mal, la fille se gâtant par le mauvais exemple, par l'influence fatale de l'éducation et du milieu. J'ai fait ce qu'il y avait à faire : j'ai montré des plaies, j'ai éclairé violemment des souffrances et des vices que l'on peut guérir. Je ne suis qu'un greffier qui me défends de conclure. Mais je laisse aux moralistes et aux législateurs le soin de réfléchir et de trouver les remèdes... Oui, le peuple est ainsi, mais parce que la société le veut bien."

C'est avec ces quelques lignes que Zola, dans une lettre publiée dans La Vie Littéraire, le 22 février 1877, se défendit des accusations dont il était victime. Car bien évidemment, ce septième roman de la saga ne pouvait pas laisser indifférent. On lui reprocha une atteinte aux bonnes moeurs et, pire que tout, de dénigrer le peuple. Cependant, n'était-ce pas de l'hypocrisie ? Zola a voulu lever le voile sur des tabous et, comme à son habitude, son écriture met en relief un pan de la société que l'on préfère ignorer : alcoolisme, débauche, infidélité... Bien sûr, Zola met le doigt là où ça fait mal, sinon, à quoi bon écrire un bouquin, hein ? Et comme à son habitude, il se documente suffisamment pour que tout cela paraisse bien réaliste, jusque dans la langue populaire.

Si je devais choisir parmi tous les romans de cet auteur, je dirais que L'Assommoir est celui que je préfère. J'ai une certaine compassion pour cette pauvre Gervaise, une envie irrépressible de lui hurler, à chaque fois que je relis ce livre, "mais ôte-toi de la tête ce *** de Lantier, non, ne cède pas aux avances de Coupeau !" Mais ne nous leurrons pas : Zola avait vu juste et ce texte reste résolument moderne. Il y a et il y aura toujours des Gervaise, des Lantier ou des Coupeau, malheureusement !


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Zola n'est franchement pas tendre avec ses personnages.. c'est encore une fois le cas avec Gervaise.

Gervaise , une jeune femme amoureuse d'Auguste Lantier, elle décide de le suivre à Paris ou ils auront deux enfants . Mais ce bougre d'amant prend la fuite et la laisse seule. Elle va élever seule ses deux enfants jusqu'à ce qu'elle fasse la rencontre d'un homme qui deviendra son mari… mais la encore le destin ne sera pas tout rose.

Zola excelle dans cette description de la société. Parfois on peut penser qu'il en fait de trop… que le destin s'acharne sur ses personnages.. et pourtant parfois la vraie vie dépasse la fiction.

Je suis toujours très admirative du travail de Zola, par ses descriptions si précises qu'on se sent immerger aux milieux des personnages et des décors. Il est vrai que de ce fait cela donne parfois de la longueur et de la lenteur au texte .. mais franchement ça en vaut le coup.

Mais j'ai beaucoup aimé cette mise en avant du travail ouvrier. Car a côté de la noirceur que Zola décrit, entre la misère sociale, le manque d'argent et bien sur l'alcoolisme. Il nous dépeint aussi des hommes et des femmes qui aiment et sont fiers de leur métiers. Une belle mise en avant de l'artisanat si peu aidé par le gouvernement de l'époque.

Un très grand moment de lecture avec ce classique.
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Zola, le grand, l'unique, nous a jusqu'ici régalés avec une série de portraits incisifs de certains membres du clan Rougon-Macquart. Vous vous souvenez sûrement de Gervaise? fille d'Antoine et Fine Macquart, blanchisseuse de son état, fraîchement débarquée à Paris avec armes et bagages. C'est à son tour d'avoir sa place sur la photo en tant qu'héroïne de l'Assommoir, septième tome de la saga familiale.

La Goutte-d'Or, quartier ouvrier de Paris, dans une chambre de l'hôtel Boncoeur nous trouvons Gervaise, pleurant et guettant Lantier, son amant de Plassans avec qui elle est montée à la capitale. Noceur et mangeur d'argent, ce bon à rien ne va pas traîner à prendre le large, laissant la blanchisseuse livrée à elle-même avec ses deux fils.
Courageuse et travailleuse, Gervaise va essayer de reconstruire sa vie vaille que vaille mais c'est sans compter Coupeau, ouvrier zingueur, qui poursuit la jolie blonde de ses assiduités. D'une nature bonne et généreuse, réticente dans un premier temps, elle finira par accepter la proposition de mariage de l'ouvrier, voyant peut être l'opportunité de réaliser son rêve de vie simple : "travailler, manger du pain, avoir un trou à soi, élever ses enfants, ne pas être battue, mourir dans son lit."
Le ménage connaîtra un temps l'harmonie, réussissant à faire des économies et gagnant en respectabilité dans le quartier, une petite fille naîtra même de cette union, la tristement célèbre Nana, personnage éponyme du neuvième roman de la saga. Malheureusement le ton est donné dès le départ, pour Gervaise la vie ne sera pas toute rose et Coupeau, victime d'un accident va changer progressivement...

Comment ne pas ressentir de la pitié pour Gervaise? J'ai eu sans cesse le coeur serré pour elle. Je l'ai perçue comme victime des conséquences, tributaire de la roue du destin qui attend insidieuse, tapie dans l'ombre, le moment pour l'emporter dans la spirale de la déchéance. Comme nous avons pu le voir dans La Fortune des Rougon, Gervaise se trouvait mal barrée dès le départ, battue par son père alcoolique et fainéant, voyant sa mère se soumettre et se tuer au travail, encaissant les coups... La situation devait forcément se répéter d'une manière ou d'une autre. La jeune femme gardant ancré en elle une une vision déformée de la famille et surtout des hommes, fléau qui contribuera à perdre la blanchisseuse.
En plus de ce destin tragique, Zola nous fait déambuler dans les abîmes du milieu ouvrier ou l'alcool détruit les familles et les cancans règnent en seigneur et maître. Comme quoi, même dans la misère et la pourriture, la jalousie reste omniprésente. Pas besoin de falbalas et de rivières de diamants pour planter des couteaux dans le dos, seul les enjeux changent mais les motivations restent les mêmes... La pauvre Gervaise, qui se verra affublée du cruel sobriquet de "La Banban" en prendra pour son grade!

Noir de chez noir, ce roman est étourdissant. Une fois de plus très moderne dans son contexte, j'ai quand même trouvé que Zola a chargé la marmite de l'horreur humaine. Quand les ouvriers se déchaînent, ils y vont pas avec le dos de la cuillère et j'ai eu beaucoup de peine tout au long de la lecture. Bon après ne vous fiez pas à mon côté excessif, étant hyper-sensible de nature, le malheur des autres, qu'il soit réel ou sur papier, ça me touche.
Jusqu'ici, c'est un des volumes de la saga que je préfère, pourtant il est construit relativement pareil que les autres mais ce livre possède quelque chose de particulier qui le rend unique, donc ne vous privez pas d'un tel plaisir, lisez-le !
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J'aurais aimé que le livre portât le nom de son héroïne, plutôt que celui du vilain bouge qui l' a détruite.

Pour moi, Gervaise aura toujours le sourire chaviré de Maria Schell dans le film qui, lui, porte son nom. La même blondeur, le même regard courageux et inquiet.

J'ai toujours aimé ce personnage de femme, cette lutteuse opiniâtre mais chaleureuse, qui finit par rendre les armes et meurt comme une bête oubliée de tous, sous un escalier infâme.

Pauvre Gervaise!

Lavandière et boiteuse, affligée d' un compagnon buveur et coureur, Lantier, père de ses deux fils, Etienne qu'on retrouvera dans Germinal et Claude, le futur peintre de L'oeuvre (Zola lui en rajoutera un troisième, Jacques, héros de la Bête humaine, mais il n'apparaît pas ici...) elle rencontre enfin un brave type, honnête, travailleur, Coupeau, un plombier-zingueur qui lutte, comme elle, contre la guigne et la misère. Il lui fait une fille, Nana qui sera la cocotte que l'on sait. Ils se marient en bonnes et justes noces- une des plus belles pages du livre, est l'errance de la noce, un peu pompette et très fatiguée qui finit par atterrir au Louvre...et se trouve transplantée sur une autre planète..

Tout devrait aller au mieux : Gervaise rêve de s'établir à son compte, d'ouvrir une blanchisserie, et Coupeau travaille dur. Mais il chute du toit où il travaillait. Et cette chute - pas la moindre sécurité sociale pour les ouvriers à cette époque- va entraîner celle du ménage. Et , tout doucement aussi, celle de Gervaise, prise au piège de sa propre cordialité, de sa gentillesse, de son empathie: elle ne sait pas dire non. Ni aux créanciers, ni aux malheureux, ni aux hommes, ni au vin.

Coupeau se met à boire par désespoir et par désoeuvrement. Lantier revient, mauvais génie et pique-assiette. Ils font ménage à trois. L'argent file, file. La boutique est bientôt bue par les deux ivrognes. Et Gervaise qui ne sait pas dire non s'y met elle aussi...La description des crises de delirium tremens de Coupeau, qui finit par mourir à Ste Anne rendraient sobre Bacchus lui-même...

Derrière la volonté manifeste de mise en garde contre l'alcool, ce fléau du temps, derrière l'observation pertinente de la condition ouvrière, sans sécurité ni garde-fou contre les accidents du travail et la maladie, Zola a fait le portrait d'une femme tendre, généreuse, joyeuse, encline à la confiance.

Mais il semble nous dire aussi que c'est ce qui la perd: dans ce monde de requins, de brutes, d'exploiteurs de tout poil, il faut une carapace plus dure . Une solide méfiance. Une vraie âpreté au gain. Gervaise aime trop la vie et la vie ne fait pas de cadeaux aux humbles. Elle aime trop les gens et ceux-ci trouvent bien vite son talon d'Achille.

Seul le forgeron Goujet, amoureux en secret de Gervaise aurait pu la sauver, si elle avait accepté de le suivre. Mais Gervaise a encore une autre faiblesse: elle ne sait pas choisir et , quand elle le fait, elle choisit mal.

Une déveine, une déchéance, une dégringolade navrantes. Un livre déchirant.

Pauvre Gervaise, morte dans son trou à rats..

Mais je veux garder d'elle l'image de Maria Schell, au lavoir, abattant son battoir, au milieu des savonnées, sur les chemises à blanchir.

Avec ses bouclettes blondes s'échappant de sa coiffe de blanchisseuse. Son regard franc et vaguement inquiet.

Et son sourire chaviré...

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♬ Jolie bouteille, sacrée bouteille
Veux-tu me laisser tranquille ? ♬
L'Assommoir tient une place toute particulière dans ma vie de lectrice.
J'avais treize ans, ce fut mon premier Zola.
Même si à cet âge-là je ne l'avais pas apprécié à sa juste valeur, j'avais été frappée par ce texte, par sa force et par les émotions qu'il faisait naître.
L'Assommoir, c'est le roman qui m'a ouvert les portes de la littérature.
Quelques années (décennies, en fait !) plus tard, cette relecture fut un bonheur total.
Et pourtant, quelle tristesse, quelle désespérance dans ce roman !
Zola manipule parfaitement son lecteur : il crée des personnages terriblement attachants pour mieux nous toucher lorsque le malheur les frappe et que tout tourne mal pour eux.
Gervaise, honnête, travailleuse, digne, forte et faible à la fois... comment ne pas l'aimer ?
Comment ne pas vouloir que la vie lui sourie ? Elle le mérite tellement !
Et pourtant, Zola ne la ménage pas et lui inflige les pires avanies.
Elle fait toujours les mauvais choix et s'enfonce par paliers successifs. Le lecteur pense qu'elle a touché le fond ? Eh bien, non, elle s'enfonce encore. Jusqu'à la déchéance totale dans tous les domaines.
Zola ne lui épargne rien, Zola n'épargne rien à ses lecteurs. Après avoir tout fait pour leur faire aimer Gervaise, il l'accable de tous les maux, il la piétine, il l'humilie.
C'est une vraie descente aux enfers.
C'est terriblement cruel, d'autant plus que c'est terriblement réaliste. L'enchaînement des faits est d'une logique implacable.
Et s'il n'y avait que Gervaise !
Dans ce roman, Zola a pris un malin plaisir à accumuler les destins tragiques.
Ces véritables "bêtes de somme" comme il les nomme, qui aiment leurs métiers et en sont fiers, mais n'arrivent pas à en vivre dignement. Tout juste arrivent-ils à survivre en travaillant et en se privant de tout. L'impasse sociale dans laquelle ils se trouvent explique tous les mauvais comportements : mensonges, vols, alcoolisme, violence... une fatalité à laquelle personne n'échappe, ou presque.
Et ce qui est profondément triste, c'est de voir qu'ils ne sont même pas solidaires.
Il y a entre eux une jalousie terrible. Une jalousie bien ironique entre ces gens qui n'ont pas grand-chose !
Il y a des cancans à foison, une curiosité malsaine des malheurs qui frappent les autres, un peu comme si leurs infortunes vous consolaient de votre propre misère.
C'est vraiment cruel pour des personnages de toute façon condamnés à être broyés par le destin.
Gervaise essaie de s'élever en ouvrant sa propre boutique... plus dure sera la dégringolade !
Coupeau travaille honnêtement, mais à une époque ou il n'existe pas d'assurance-maladie, pas de couverture en cas d'accident, sa chute du toit provoquera sa chute sociale.
C'est sombre, très sombre, mais au passage, Zola décrit merveilleusement toute une palette de métiers (zingueur, blanchisseuse, cabaretier, forgeron, brunisseuse, cardeuse, chaîniste, etc.) et la vie dans le quartier de la Goutte-d'Or.
Dans le registre des descriptions dans lequel il excelle, Zola nous présente le lavoir, la blanchisserie, la forge, l'atelier de fabrication de chaînes en or : c'est précis, c'est cinématographique, le lecteur "voit" les lieux et les personnes qui y travaillent. Il y a de la vie dans ces pages.
De la vie également dans certaines scènes mémorables, comme la bataille dans le lavoir, la visite du Louvre ou l'anniversaire de Gervaise dans sa boutique.
Lorsque l'on connaît la fin du roman, cette scène est particulièrement douloureuse à lire. Ce repas pantagruélique est le dernier moment heureux de la vie de Gervaise. Celle-ci est à l'apogée de sa réussite et festoie en compagnie de ses voisins. Elle est fière, elle triomphe, mais tout comme le train d'un grand huit arrivé au sommet du circuit, elle est condamnée à redescendre brutalement.
Cette scène (ou plutôt cène, vu ce qu'elle représente) magistrale occupe tout un chapitre, et je l'ai relue deux fois tellement je l'ai trouvée extraordinaire !
Dans tout le roman Zola utilise à merveille tous les registres de langue, passant d'une expression élégante et riche lorsqu'il raconte ou décrit, à un parler cru et fleuri lorsque ses personnages s'expriment. C'est superbement maîtrisé et c'est un régal à lire.
Enfin... un régal qui n'a pas toujours été apprécié à sa juste valeur.
Lors de la parution de L'Assommoir, en feuilleton dans un journal de l'époque, l'auteur essuie les critiques les plus virulentes : sa prose est traitée de "pornographie", de "style qui pue", rien que ça !
Zola mécontente tout le monde : la droite reproche à L'Assommoir son « écoeurante malpropreté » et la gauche l'accuse de salir le peuple, de ne présenter de l'ouvrier que ses mauvais côtés. Victor Hugo s'indigne : « Vous n'avez pas le droit de nudité sur la misère et le malheur. ».
L'auteur se justifiera à diverses reprises, disant qu'il avait écrit « le premier roman sur le peuple, qui ne mente pas et qui ait l'odeur du peuple » ou que « c'est de la connaissance seule de la vérité que pourra naître un état social meilleur ».
Le journal le petit Gaulois pose la question : "Que voulez-vous qu'on fasse d'un pareil livre ? Que voulez-vous qu'on en pense ?"
Eh bien, cher petit Gaulois, la réponse à ces questions est très simple : premièrement le lire, deuxièmement, du bien, beaucoup de bien !
Oui, si vous ne l'avez pas encore fait, lisez L'Assommoir !
Ce roman va vous remuer en profondeur, à moins que vous ne soyez totalement insensibles.
L'Assommoir est l'un des plus violents, des plus forts, des plus prenants, du cycle des Rougon-Macquart.
L'un des plus émouvants.
L'Assommoir est bouleversant.
Mon amour et mon admiration pour Émile Zola sortent encore grandis de cette relecture qui m'a éblouie.
Quel talent ! Quel travail ! (Oui, je ne dissocie jamais les deux, qui sont indispensable à la création d'un chef-d'oeuvre.)
L'Assommoir est une vraie démonstration de la puissance de la littérature.
C'est un monument.
Un livre inoubliable.
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S'il ne fallait lire qu'un seul des Rougon Macquart, faudrait-il lire « l'Assommoir » ?
Pas sûre, d'autres volumes offrant un intérêt d'un autre ordre tout aussi passionnant. le fait est néanmoins que c'est celui qui, à ce jour, me marque de la façon la plus violente, y compris en le relisant bien après l'avoir découvert à l'adolescence.

Et s'il ne fallait en lire qu'un extrait, je conseillerais vivement le chapitre inaugural, qui non seulement porte en lui tous les germes de la tragédie de Gervaise à venir, mais aussi offre à travers la scène du lavoir un des plus brillants morceaux de bravoure de l'oeuvre de Zola : mâtin, quelle fessée !

J'avoue être un brin chafouine en ne recommandant que ce premier chapitre, tant il m'apparaît certain qu'une fois lu on se précipitera sur le suivant. Car, bien que dense, le roman est d'emblée captivant, autant par le contexte d'un Paris ouvrier besogneux et noyé de vinasse bon marché que par la puissance de la tragédie qui se déroule sous nos yeux et emmène la jolie, volontaire mais velléitaire Gervaise vers une déchéance inéluctable.

Captivant aussi car il est grouillant de vie brute, gouailleuse ou mesquine, et la brutalité de la réalité sociale dans laquelle survit ce petit peuple d'artisans et de commerçants ne laisse qu'aux volontés les plus tendues et aux âmes les plus diaboliques une chance d'échapper aux ravages de l'alcool, aux maris qui boivent les ambitions de leurs épouses et aux qu'en dira-t-on qui ruinent les réputations.

Il y a des accents de colère hugolienne dans la plume de Zola, dont on ressent la bienveillance envers ses personnages dans les pointes de vulgarité populaire qu'il imprime à son style ; colère que l'on partage, en même temps que l'on enrage devant le fatalisme de Gervaise et son penchant à creuser sa tombe en se laissant glisser à la jouissance, avec l'envie tout au long du livre de lui murmurer à l'oreille, les dents serrées : Gervaise, reprends-toi !
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Me voici revenant vers vous, ayant abordé le septième opus du cycle des Rougon-Macquart, L'Assommoir, roman que l'on qualifie souvent de magistral, à la fois dans l'oeuvre globale d'Émile Zola mais plus particulièrement ici dans cette l'impressionnante fresque du Second Empire. Ce cher Émile, peintre admirable de la société de son époque, sociologue doublé d'une palette de couleurs à la fois contrastées et finement nuancées, nous entraîne ici dans les dédales du milieu ouvrier parisien, dont il connaît les codes autant que ceux du milieu bourgeois. Souvent, j'ai eu l'impression que Zola continuait de peindre ici le paysage de mon époque.
Les codes, oui, ce milieu en a, en avait, en a peut-être toujours. Ils sont nombreux. Je suis issu de ce milieu ouvrier, d'une mère couturière en atelier de confection à la chaîne et d'un père charpentier, reconverti maçon pour les besoins de la reconstruction de Brest au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Issu de ce milieu, je me souviens de l'argot que pratiquait mon père. Un argot familier, pas vulgaire du tout, dont j'étais même fier d'en comprendre par moments le langage. J'ai retrouvé cet argot imagé, -car l'argot ne peut pas être autre chose-, dans L'Assommoir.
Dès lors, entrant dans cette écriture presque fraternelle, le personnage de Gervaise Macquart, au coeur de ce récit, m'est apparu particulièrement touchant. Elle m'a pris la main comme une soeur en détresse, m'entraînant vers son univers dans un chemin jalonné d'épines et de ronces. Son univers, c'est la rue de la Goutte d'or, c'est le monde des blanchisseuses qui frappaient le linge contre la pierre du lavoir. Tout gamin, je me souviens de voir ma grand-mère et ma mère au bord d'un lavoir tout près de l'école municipale. Nous n'avions pas encore de machine à laver... Depuis, ce lavoir est devenu une sorte de lieu appartenant au patrimoine communal, après avoir été abandonné pendant des années à la végétation qui avait pris le dessus après.
J'entends des voix, cela criait, cela chantait, et ce sont ces premières pages de L'Assommoir qui m'ont ramené à mon enfance.
Gervaise Macquart, que dire si vous découvrez le livre à travers cette chronique, ou bien si vous avez lu L'Assommoir en ayant lu les autres récits de la saga des Rougon-Macquart auparavant. Peu importe, avoir ou ne pas avoir respecté la chronologie n'empêche pas d'aimer ce roman, la différence est que l'histoire de Gervaise Macquart, d'où elle vient, vous délivrera quelques clefs de compréhension supplémentaires. Elle porte juste le poids d'une hérédité qui n'est pas là pour l'aider.
Gervaise Macquart, je l'ai rencontrée lors du tout premier opus, La Fortune des Rougon. Elle était encore enfant. Sa mère était battue par son mari, alors qu'elle était enceinte, ce qui explique sans doute la raison pour laquelle elle boîte. Tout enfant, elle buvait de l'anisette avec sa mère, là-bas à Plassans...
Ce roman ample est fait de presque rien, il m'a totalement saisi dans son réalisme, dans l'empathie qu'il suscite. Il m'a ramené à une réalité que j'ai côtoyée dans mon enfance, mon père ouvrier confronté sur les chantiers à l'alcool qui était une pratique presque courante à l'époque, je vous parle ici des années cinquante et soixante que je n'ai pas connues, il était devenu alcoolique dans les hauteurs des échafaudages comme pour conjurer une sorte de peur, ou bien faire comme les autres, ou bien autre chose peut-être encore, on ne connaît jamais les véritables causes de ce fléau. Ma mère a su mettre y fin, aider mon père et en même temps lui imposer un ultimatum. Lorsque j'ai grandi, ces événements étaient passés, j'ai eu la chance de connaitre un père parfaitement sobre, présent, attentif...
De cette situation, j'en ai eu le retour par mon frère et mes soeurs plus âgés que moi, les choses avaient été moins paisibles pour eux auparavant. J'imagine que cette réalité n'est guère différente aujourd'hui par bien des aspects. Aussi L'Assommoir cogne ici dans quelques pages de l'histoire de ma famille et peut-être celles des vôtres.
L'Assommoir est une peinture sociale sans concessions. Il est l'itinéraire de Gervaise, c'est presque un huis clos étalé sur dix-huit années. C'est une vie simple et tragique décrite ici avec infiniment d'acuité. Elle arrive à Paris avec ce fameux Auguste Lantier rencontré à Plassans, noceur, bellâtre, pique-assiette, lui faisant au passage deux enfants...
Gervaise est courageuse, dure à la tâche, ambitieuse même, elle réussit et suscite les jalousies, les rebuffades, les humiliations plus tard. Son bonheur et son malheur, est-ce d'avoir rencontré plus tard, après qu'Auguste Lantier l'a quitté, un certain Coupeau, certes amoureux fou, sobre, travailleur, zingueur de son état, qui trébucha de son échafaudage en voyant ému sa toute petite fille en contrebas dans la rue, une certaine Nana... ? Voilà l'homme tombe, est blessé, est soigné... Il sera dit plus tard que c'est Nana, son regard éperdu qui aura contribué à sa chute... L'homme tâche de s'en remettre. Il s'en remet même, mais plus rien ne sera comme avant, car à peine relevé, il se met à alors boire...
Dès lors, j'ai ressenti à ce moment le frémissement où une page se tourne, pas comme les autres. Je l'ai sentie lourde, plus lourde que les autres. Que m'importe de savoir si Émile Zola est un grand auteur de la littérature française ou ne l'est pas, - pour moi il l'est bien sûr -, je me suis juste dit que Zola était parfaitement là, au bon moment, dans ce temps qu'il m'accordait. Il était là présentement dans l'émotion qu'il m'offrait, avec ce livre et avec tout ce que ce récit suscitait comme émoi, tremblement, peut-être séisme si le mot n'est pas trop fort...
L'Assommoir, c'est ce lieu où des hommes, et des femmes aussi, viennent oublier leur désespoir dans le "vitriol" du Père Colombe, le bien mal nommé.
Gervaise... Cette femme... Quelle femme !
Oui Gervaise m'a attendri, sa vie telle qu'elle est décrite par Zola me touche, elle et les personnes qui s'animent autour d'elle, tout ce florilège de personnages, ordinaires, humbles, hauts en couleurs.
Le personnage de la petite Lalie, battue par son père, m'a tout bonnement ému aux larmes.
L'existence de Gervaise est douloureuse, mais c'est une passion où s'expriment une intense volonté de vivre, une générosité sans faille, un sens aigu de l'intimité comme de la vie.
Toute la délicatesse et la subtilité de Zola est ici de décrire pas à pas le désarroi, le désordre, puis la dégringolade qui vient, cela vient lentement puis c'est quelque chose d'inexorable, une descente aux enfers, un chemin impossible à inverser qui mène inexorablement à la déchéance. C'est douloureux.
J'y ai apporté un regard à ma manière, en ce soir où je vous écris, regard partagé avec vous.
Oui, magistral, ce roman il l'est dans mon coeur et peut-être dans le vôtre depuis longtemps ou à alors à venir.
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Elle est alcoolique
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