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Les Rougon-Macquart - Intégrale La... tome 1 sur 5

Henri Mitterand (Éditeur scientifique)Armand Lanoux (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070105892
1724 pages
Gallimard (01/06/1960)
4.44/5   78 notes
Résumé :
La Fortune des Rougon - La Curée - Le Ventre de Paris - La Conquête de Plassans - La Faute de l'Abbé Mouret

ISBN 9782070105892
1808 pages

«Les Rougon-Macquart, roman, se dresse contre la société bourgeoise dont son auteur attaquait déjà les bases esthétiques dans ses campagnes contre le salon officiel, protégé par l'Impératrice, contre le régime que, journaliste, il fouette de plus en plus ouvertement dans la Tribune. Le 31 juill... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Ce volume de la Pléiade regroupe les cinq premiers romans du plus célèbre cycle littéraire de la littérature française. Tout d'abord, le roman inaugural, La Fortune des Rougon.

Outre le fait qu'Émile Zola nous livre quelques-uns des secrets du " livret de famille ", — nous offrant au passage quelques beaux échantillons des perversions inscrites ici ou là dans les gènes des différents membres du clan : ambition démesurée, avidité, cupidité, cruauté, orgueil, couardise, jalousie, folie, etc. — le thème ici développé est le coup d'état de Louis-Napoléon Bonaparte en 1852, alors président de la république, et qui sonna le glas de cette seconde république pour y installer à la place son propre règne d'empereur... et les dérives qui iront avec !

Ensuite, le deuxième roman du cycle, La Curée, nous emmène sur les grands travaux d'élargissements de voiries entreprise par le baron Haussmann. On voit se poursuivre le cheminement mondain du rameau " Rougon " de la famille, avec la seconde génération, notamment trois enfants de Pierre Rougon.

Il s'agit principalement du dernier fils, Aristide Rougon, qui change d'ailleurs son nom en Saccard, pour ne pas compromettre — au cas où — la réputation du frère aîné, Eugène, impliqué en politique (voir le tome 6, Son Excellence Eugène Rougon) et second personnage masculin important, dans l'ombre du premier, à moins que cela ne soit l'inverse.

Émile Zola nous dépeint la farouche avidité au gain d'Aristide qui, arrivé pauvre à Paris, profitera plus que de mesure du poste dans l'administration de la voirie que son frère Eugène lui a dégoté. Aristide va vite comprendre l'intérêt du poste et les merveilleux délits d'initié qu'il autorise, à savoir, connaître avant tout le monde l'emplacement des immeubles qui seront évacués pour le percement des célèbres grands boulevards Haussmanniens.

Évidemment, spéculations, magouilles et fortune seront au bout de chaque boulevard… Fortune née en un jour, croquée en deux heures, travers absolu d'un monde qui flambe sans compter. Mais rien n'eût été possible au départ pour Aristide sans les premiers capitaux indispensables aux premières spéculations, et c'est par l'entremise de sa soeur Sidonie que Saccard trouvera une issue, à savoir, une victime...

Ce livre est ,selon moi, annonciateur de la dépravation dépeinte dans le neuvième tome, Nana et assez symétrique du volume 18, L'Argent dont Saccard sera encore l'essentiel protagoniste. Ici est détaillée la vie de débauche et du grand luxe côté jardin (alors que dans Nana c'est côté cour), l'aliénation morale de la femme, mais peu les montages financiers, tandis que dans L'Argent, c'est le contraire.

En tout cas, un éclairage intéressant sur cette période de création du nouveau Paris, même si certaines descriptions et certains passages sur les bals et sur le luxe des pièces ou des vêtements sont un peu longs par rapport à d'autres opus plus toniques.

On trouve ensuite le Ventre de Paris, troisième opus et consacré celui-ci aux fameuses halles Baltard qui durèrent jusqu'à la création du marché de Rungis dans les années 1970. Présenté comme une sorte de grande bataille du gras contre le maigre, il met en scène pour la première fois un protagoniste qui n'est pas un membre direct de la famille Rougon-Macquart, puisqu'il s'agit de Florent, beau-frère de Lisa Macquart, devenue Lisa Quenu dans la charcuterie du même nom (parents de la future héroïne du tome 12, La Joie de vivre).

C'est aussi la première fois qu'Émile Zola ne traite que des classes ouvrières ou des petits patrons à leur compte, qu'il commence à exploiter à fond la Symbolique, en tant que procédé littéraire, et qu'il donne à un lieu, en l'occurrence les halles centrales de Paris, un rôle de personnage central comme Hugo l'avait fait pour Notre-Dame de Paris.

Au demeurant, s'affiche ici en gros, très explicitement la conviction politique de Zola. le contraste de toute cette nourriture déployée dans les halles et de la maigreur des humbles est l'un des piliers du roman — peut être pas le meilleur car l'auteur gonfle tellement le trait que cela frise la caricature. Ses descriptions pléthoriques de nourriture sont assez " gavantes " à la longue. L'auteur saura rendre sa sauce plus digeste avec Au bonheur des dames, qui, pourtant, utile le même procédé de description mais qu'il maîtrisera mieux.

Outre ces fameuses descriptions qui restituent parfaitement ce qu'était le marché à l'époque, les volets les plus intéressants du roman me semblent être, d'une part, la vision prémonitoire sur l'émergence de la société de consommation (le livre est écrit en 1873) et, d'autre part, la description quasi millimétrique du comportement du français moyen de Paris durant la période d'occupation allemande sous le régime de Vichy. Tout est dit : les collaborations diverses sous des allures parfaitement honnêtes, les conflits d'intérêts, les alliances de façade, etc.

Selon moi, le sommet de ce volume Pléiade est atteint avec la quatrième roman : La Conquête de Plassans. Ici, Zola nous conte l'arrivée en catimini d'un prêtre de Besançon, l'abbé Faujas, d'aspect piteux et au passé aussi louche qu'obscur. Il arrive chez les Mouret, le couple consanguin de la famille, où le mari, François Mouret est un descendant du rameau Macquart tandis que sa femme Marthe est la dernière fille de Pierre Rougon.

Les Mouret, braves commerçants prospères, sensibilité républicaine, paisibles et bien assis dans la société de Plassans, vont peu à peu se faire digérer par l'abbé Faujas, dont le parachutage ne doit rien au hasard et semble avoir été minutieusement piloté depuis Paris par le ministre en personne (à savoir Eugène Rougon, voir Son Excellence Eugène Rougon) dans le but d'assurer le résultat des élections législatives à venir...

Après des débuts difficiles, l'abbé Faujas va réussir à se faire accepter et à devenir un personnage incontournable de la vie politique et sociale de la ville grâce au concours de Marthe Mouret, dont il va parvenir à faire une dévote, elle qui n'était pas même sûre d'être croyante auparavant. Non content de semer la zizanie dans le couple, l'abbé et surtout sa famille (mère, soeur et beau-frère de Faujas qui s'incrustent comme une belle infection parasitaire) vont littéralement dépouiller les Mouret de leur bien.

On y voit la lente mais inéluctable aliénation du couple, qui se fait siphonner par le cerveau et par le porte-monnaie jusqu'au trognon. Avec ce 4ème roman, Émile Zola franchit une étape dans son style où il abandonne les longues descriptions du Ventre de Paris et nous plonge plus directement dans l'action.

Enfin, après le meilleur roman du volume, voici venir le pire, la très regrettable, très lamentable Faute de l'abbé Mouret. Soyons clairs. de deux choses l'une : soit je suis passée complètement à côté de ce roman sans en saisir aucunement l'immatérielle, la consubstantielle beauté littéraire ni l'élan de foi noble et pure qu'il recèle (ce qui n'est pas impossible) ; soit ce numéro 5 des Rougon-Macquart est un très mauvais cru, des plus mièvres et des plus faibles qui soit (ce qui n'est pas impossible non plus !).

Quelle déception, lorsque Zola fait du Paul et Virginie ! Il n'est tellement pas sur son terrain que c'en devient risible et pathétique. le roman se divise en trois parties ; les première et dernière pouvant, à l'extrême rigueur, faire un peu penser à du Zola très bas de gamme. En revanche cette deuxième partie, surtout, constitue l'un des pires moments qu'il m'ait été donné de passer en littérature. Émile Zola y revisite le thème du jardin abandonné de la rue Plumet qu'avait exploré Victor Hugo avec parcimonie dans Les Misérables mais qu'ici il use jusqu'à la corde de la pire des façons : du mièvre, du catalogue horticole, du plan-plan à souhait. Bref, un calvaire où j'ai vraiment porté ma croix de lectrice.

On voit que l'auteur s'est documenté, un peu trop même, ou trop théoriquement, il a ouvert un traité de botanique et a tout pompé et tout réinjecté dans son texte. On croirait lire du Jules Verne dans ses interminables descriptions soporifiques de Vingt Mille Lieues Sous Les Mers. C'est encore pire que dans le Ventre de Paris, où les pléthoriques descriptions de fruits ou de légumes avaient une fonction documentaire.

Ici, c'est artificiel au possible, on comprend vite que Zola n'y connait rien en jardinage sans quoi il n'écrirait pas de telles invraisemblances sur les végétaux. Bref, le pauvre Émile a sombré dans le pitoyable remplissage dans sa seconde partie. Après quatre romans citadins, l'objectif pouvait paraître louable de transporter ses Rougon-Macquart à la campagne. Par contre, quel plantage (pardonnez-moi, c'était facile), aussi bien du point de vue de l'utilité pour son projet (absolument aucune valeur de généralisation à un pan de la société sous Napoléon III et il avait d'ailleurs déjà traité du monde ecclésiastique dans La Conquête de Plassans) que du point de vue de la réussite stylistique et littéraire. D'après moi toujours, un opus à oublier très vite.

En somme, dans ce premier quart du cycle littéraire, on voit l'auteur affuter sa plume : il monte progressivement en puissance (à l'exception notable du dernier roman) et atteindra sa pleine énergie dans l'incroyable Assommoir, volume 7 des Rougon-Macquart. C'est déjà bon parfois, mais pas aussi al dente que dans d'autres romans à venir. Toutefois, gardez à l'esprit que ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Dans la petite ville de Plassans, située près de Nice, le jeune Silvère et son "amoureuse" Miette s'échangent un dernier baiser avant que le garçon ne rejoignent les insurgés venus se révolter contre le coup d'état de Napoléon III. S'ensuit alors une longue histoire. Histoire tout d'abord familiale, puisque La Fortune des Rougon est le premier tome des Rougon-Macquart, donc la présentation de cette immense famille "sous le second Empire" comme disait Zola lui-même dans sa préface. Ainsi, le lecteur rencontre Adélaïde Fouque, dite Tante Adélaïde, mariée à un Rougon, avec lequel elle aura un enfant, Pierre, le personnage qui portera la famille Rougon à la gloire ; Mais Adélaïde prend un amant, Macquart, et donnera naissance à Antoine et Ursule, branche dite "néfaste" de la famille. Voici le fondement de cet immense chef-d'oeuvre, préparé par Zola pendant une vingtaine d'années, et où l'on croisera les Rougon, les Mouret et les Macquart.

Histoire également politique, ambitieuse et meurtrière. Zola dénonce le coup d'état, à travers la foule irrésistible des insurgés, la fierté de Miette portant le drapeau comme l'aurait fait Marianne, puis finalement dépeint le triomphe de Bonaparte, et des Rougon. Ces derniers, en particulier, Pierre et sa femme, Félicité, sont rongés par l'ambition, le pouvoir, l'argent qui leur manque tant. le triomphe assuré (d'où le titre du roman) de cette branche n'est toutefois pas sans rappeler le sang versé au cours de cette prise de pouvoir, par les insurgés mais aussi au sein même de la famille Rougon-Macquart...

Ainsi, Zola, que je redécouvre après Au Bonheur des dames, véritable chef d'oeuvre, ne me déçoit encore pas, et reste encore aujourd'hui le romancier français que je préfère, et l'un des plus célèbres de son temps. Une magnifique oeuvre, qui me donne envie de continuer la série !

A lire !!
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Il y a quelques semaines j'ai fait un billet sur un livre audio qui m'avait beaucoup plu La Bête humaine, vous avez été plusieurs à manifester votre envie de lire Zola je ne sais pas si vous avez démarré mais moi oui.
Je me suis lancée, je ne sais pas si j'irai au bout de la saga des Rougon Macquart mais qu'importe ce n'est pas un concours.
J'ai peu pratiqué Zola donc tout ou presque me reste à lire. Voilà le premier billet et le début de la généalogie des Rougon-Macquart et par la même occasion ma première lecture de longue durée avec mon ebook.

L'oeuvre de Zola se déroule sous le Second Empire, ce premier roman lui se situe à la veille du coup d'état en 1851 du futur Napoléon III dans une petite ville du Var : Plassans.
L'époque est très importante car les remous politiques partagent les citoyens, mettent à jour les appétits de pouvoir, de richesses, les besoins de revanche ou de vengeance. Il faut choisir son camp et ne pas se tromper pour être du côté des vainqueurs le moment venu. Tient on se croirait aujourd'hui, l'époque a changé mais pas ce qui mène le monde : trahir, mentir, comploter, s'en prendre aux innocents, aux plus faible....on est en pays connu hélas.
Pourtant ce n'est pas cette partie du roman qui m'a plu, non c'est la mise en place de l'arbre généalogique, l'origine de la famille.
Adèle Fouque, ni Rougon ni Macquart c'est pourtant elle qui va engendrer les trois branches de la famille.
son premier mari Rougon, jardinier de son état, lui donne un fils Pierre, à sa mort elle vit « à la colle » avec Macquart, un personnage peu reluisant, ivrogne, voleur et qui lui fait deux enfants : Ursule et Antoine Macquart, notez bien, rien à voir avec Pierre Rougon, même s'ils sont demi-frére et soeur.
Les trois enfants issus de la même mère, représenteront chacun une catégorie sociale, ils sont marqués à jamais par leur naissance, leur hérédité.
Pierre Rougon va prendre ce que de nos jours on appelle « l'ascenseur social », mais il joue des coudes pour monter dedans à la faveur des remous politiques. Sa femme Félicité le pousse en avant. Quelques tours de passe passe pour s'assurer les biens de sa mère au détriment d'Ursule et Antoine, et le voilà sur le chemin de la richesse, il va pouvoir changer de classe sociale.
Chez les Mouret et les Macquarts le poids de l'hérédité va faire pencher les destins, la violence liée à l'alcoolisme, la folie, Zola esquisse déjà les romans qui viendront.

J'ai lu ce roman avec grand intérêt même si ce n'est ni le plus connu, ni le plus passionnant de Zola, tout est en place, le décor est dressé et tout invite à suivre le chemin tracé par l'auteur.
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Lors d'une chasse à courre lorsque qu'une bête est abattue on jette les restes au chien après le dépeçage, moment violent et sanglant, c'est la curée. La bête dans le roman de Zola c'est le bien public, le peuple, les pauvres, les honnêtes gens, les imbéciles qui vont se faire gruger, vous, moi.
Dans ce second volume des Rougon-Macquart le héros c'est Paris, le Paris du Second Empire, celui que le Baron Haussmann va métamorphoser. C'est le temps de la création des grands boulevards, des Buttes-Chaumont, l'aménagement du bois de Boulogne et de l'hippodrome de Longchamp.
On casse, on rase, on reconstruit " Paris s'abîmait alors dans un nuage de plâtre. " on détruit pour faire la place à des avenues rectilignes moins dangereuses en cas de mouvement populaire.
Les rapaces, les spéculateurs, les crapules vont profiter de la manne
Ce qui importe aux hommes d'état, aux financiers qui peuplent le roman, c'est de s'enrichir, gagner de l'argent. Leurs appétits sont féroces et la morale est le cadet de leurs soucis
Les spéculateurs achètent à bas prix et revendent à prix d'or. L'or dans lequel baigne le roman
On retrouve le troisième fils des Rougon de Plassans, Aristide, il est monté à Paris pour faire fortune avec l'aide de son frère Eugène Rougon, mais il végète et trépigne d'impatience.
Il va s'employer à trouver l'argent là où il est, sa femme Angèle n'est pas tout à fait morte qu'il songe à la remplacer par une femme qui lui apporte une dote qui lui permettra de se lancer dans les affaires.
Il l'a trouvé : Renée Béraud du Châtel, enceinte après un viol et donc impossible à marier, Aristide lui est prêt à prendre la fille et la dot, Grâce à la dot de Renée il va faire des placements audacieux et malhonnêtes. Il a désormais l'argent, une belle femme qui attire tous les regards, l'appui de son frère devenu ministre, il est temps pour Aristide de changer de nom, désormais il s'appelle Saccard.
Il fait sortir du collège son fils Maxime beau jeune homme, veule et un peu pervers, qui promène son ennui dans les salons. Son père l'associe parfois à ses affaires d'argent ou de débauche. le jeune homme a le goût du plaisir, sa jeune belle-mère a goût du " fruit défendu " , le mari ferme les yeux..........

La lecture du premier volume des Rougons était intéressante mais ici c'est passionnant. Zola nous fait entrer dans ce monde de magouilles, de spéculations, de prévarications, on touche du doigt cette richesse. Les descriptions sont magistrales, on voit se faire les transformations urbaines , se construire les demeures des nouveaux riches dont l'or sera la couleur dominante.
" La curée " est également un roman de moeurs qui se veut un tableau de la dépravation d'une classe sociale, le portrait est au vitriol.
Les personnages très sulfureux pour l'époque portent en eux la dégénérescence que Zola va traquer tout au long de son oeuvre.
Les toilettes, les équipages, les bals, les essayages chez les couturiers, les salons féminins : Zola nous montre tout de ce monde de luxure et de turpitude.
Cela lui valu d'être empêché de publier ce roman dans les journaux en feuilleton, Barbey d'Aurevilly stigmatisait les écrits de Zola " l'indécence voluptueuse, l'indécence polissonne ".
Il fallu attendre Maupassant pour qu'une critique élogieuse soit faite du roman.
Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Tout commence (et tout finira) dans un cimetière : en attendant Mimile met ses pions en place.
La Tante Dide, nécropole humaine, charrie dans son sang des générations de miasmes : tout ça va se payer.
La petite bourgeoisie de province en prend pour son grade : Plassans 1851, 1940, 2002, 2015 (?)... kif-kif bourricot!
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Anciennement, il y avait là un cimetière. [...] Les vieux de Plassans, en 1851, se souvenaient encore d’avoir vu debout les murs de ce cimetière, qui était resté fermé pendant des années. La terre, que l’on gorgeait de cadavres depuis plus d’un siècle, suait la mort, et l’on avait dû ouvrir un nouveau champ de sépultures à l’autre bout de la ville. Abandonné, l’ancien cimetière s’était épuré à chaque printemps, en se couvrant d’une végétation noire et drue. Ce sol gras, dans lequel les fossoyeurs ne pouvaient plus donner un coup de bêche sans arracher quelque lambeau humain, eut une fertilité formidable. [...]
Une des curiosités de ce champ était alors des poiriers aux bras tordus, aux nœuds monstrueux, dont pas une ménagère de Plassans n’aurait voulu cueillir les fruits énormes. Dans la ville, on parlait de ces fruits avec des grimaces de dégoût ; mais les gamins du faubourg n’avaient pas de ces délicatesses, et ils escaladaient la muraille, par bandes, le soir, au crépuscule, pour aller voler les poires, avant même qu’elles fussent mûres.
La vie ardente des herbes et des arbres eut bientôt dévoré toute la mort de l’ancien cimetière Saint-Mittre ; la pourriture humaine fut mangée avidement par les fleurs et les fruits, et il arriva qu’on ne sentit plus, en passant le long de ce cloaque, que les senteurs pénétrantes des giroflées sauvages. Ce fut l’affaire de quelques étés.
Vers ce temps, la ville songea à tirer parti de ce bien communal, qui dormait inutile. On abattit les murs longeant la route et l’impasse, on arracha les herbes et les poiriers. Puis on déménagea le cimetière. Le sol fut fouillé à plusieurs mètres, et l’on amoncela, dans un coin, les ossements que la terre voulut bien rendre. Pendant près d’un mois, les gamins, qui pleuraient les poiriers, jouèrent aux boules avec des crânes ; de mauvais plaisants pendirent, une nuit, des fémurs et des tibias à tous les cordons de sonnette de la ville.
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La Conquète de Plassans
L’été se passa. L’abbé Faujas ne semblait nullement pressé de tirer les bénéfices de sa popularité naissante. Il continua à s’enfermer chez les Mouret, heureux de la solitude du jardin, où il avait fini par descendre même dans la journée. Il lisait son bréviaire sous la tonnelle du fond, marchant lentement, la tête baissée, tout le long du mur de clôture. Parfois, il fermait le livre, il ralentissait encore le pas, comme absorbé dans une rêverie profonde ; et Mouret, qui l’épiait, finissait par être pris d’une impatience sourde, à voir, pendant des heures, cette figure noire aller et venir, derrière ses arbres fruitiers.

— On n’est plus chez soi, murmurait-il. Je ne puis lever les yeux, maintenant, sans apercevoir cette soutane… Il est comme les corbeaux, ce gaillard-là ; il a un œil rond qui semble guetter et attendre quelque chose. Je ne me fie pas à ses grands airs de désintéressement.

Vers les premiers jours de septembre seulement, le local de l’œuvre de la Vierge fut prêt. Les travaux s’éternisent en province. Il faut dire que les dames patronnesses, à deux reprises, avaient bouleversé les plans de M. Lieutaud par des idées à elles. Lorsque le comité prit possession de l’établissement, elles récompensèrent l’architecte de sa complaisance par les éloges les plus aimables. Tout leur parut convenable : vastes salles, dégagements excellents, cour plantée d’arbres et ornée de deux petites fontaines. Madame de Condamin fut charmée de la façade, une de ses idées. Au-dessus de la porte, sur une plaque de marbre noir, les mots : Œuvre de la Vierge, étaient gravés en lettres d’or.
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La Curée

Aristide suivait les conseils d’Eugène : il écoutait et il regardait. Quand il alla remercier son frère de son avancement, celui-ci comprit la révolution qui s’était opérée en lui ; il le complimenta sur ce qu’il appela sa bonne tenue. L’employé, que l’envie roidissait à l’intérieur, s’était fait souple et insinuant. En quelques mois, il devint un comédien prodigieux. Toute sa verve méridionale s’était éveillée, et il poussait l’art si loin, que ses camarades de l’Hôtel de Ville le regardaient comme un bon garçon que sa proche parenté avec un député désignait à l’avance pour quelque gros emploi. Cette parenté lui attirait également la bienveillance de ses chefs. Il vivait ainsi dans une sorte d’autorité supérieure à son emploi, qui lui permettait d’ouvrir certaines portes et de mettre le nez dans certains cartons, sans que ses indiscrétions parussent coupables. On le vit, pendant deux ans, rôder dans tous les couloirs, s’oublier dans toutes les salles, se lever vingt fois par jour pour aller causer avec un camarade, porter un ordre, faire un voyage à travers les bureaux, éternelles promenades qui faisaient dire à ses collègues : « Ce diable de Provençal ! il ne peut se tenir en place : il a du vif-argent dans les jambes. » Ses intimes le prenaient pour un paresseux, et le digne homme riait, quand ils l’accusaient de ne chercher qu’à voler quelques minutes à l’administration. Jamais il ne commit la faute d’écouter aux serrures ; mais il avait une façon carrée d’ouvrir les portes, de traverser les pièces, un papier à la main, l’air absorbé, d’un pas si lent et si régulier, qu’il ne perdait pas un mot des conversations. Ce fut une tactique de génie ; on finit par ne plus s’interrompre au passage de cet employé actif, qui glissait dans l’ombre des bureaux et qui paraissait si préoccupé de sa besogne. Il eut encore une autre méthode ; il était d’une obligeance extrême, il offrait à ses camarades de les aider dès qu’ils se mettaient en retard dans leur travail, et il étudiait alors les registres, les documents qui lui passaient sous les yeux, avec une tendresse recueillie. Mais un de ses péchés mignons fut de lier amitié avec les garçons de bureau. Il allait jusqu’à leur donner des poignées de main. Pendant des heures, il les faisait causer, entre deux portes, avec de petits rires étouffés, leur contant des histoires, provoquant leurs confidences. Ces braves gens l’adoraient, disaient de lui : « En voilà un qui n’est pas fier ! » Dès qu’il y avait un scandale, il en était informé le premier. C’est ainsi qu’au bout de deux ans, l’Hôtel de Ville n’eut plus de mystères pour lui. Il en connaissait le personnel jusqu’au dernier des lampistes, et les paperasses jusqu’aux notes des blanchisseuses.
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Le ventre de Paris
Marjolin fut trouvé au marché des Innocents, dans un tas de choux, sous un chou blanc, énorme, et dont une des grandes feuilles rabattues cachait son visage rose d’enfant endormi. On ignora toujours quelle main misérable l’avait posé là. C’était déjà un petit bonhomme de deux à trois ans, très-gras, très-heureux de vivre, mais si peu précoce, si empâté, qu’il bredouillait à peine quelques mots, ne sachant que sourire. Quand une marchande de légumes le découvrit sous le grand chou blanc, elle poussa un tel cri de surprise, que les voisines accoururent, émerveillées ; et lui, il tendait les mains, encore en robe, roulé dans un morceau de couverture. Il ne put dire qui était sa mère. Il avait des yeux étonnés, en se serrant contre l’épaule d’une grosse tripière qui l’avait pris entre les bras. Jusqu’au soir, il occupa le marché. Il s’était rassuré, il mangeait des tartines, il riait à toutes les femmes. La grosse tripière le garda ; puis, il passa à une voisine ; un mois plus tard, il couchait chez une troisième. Lorsqu’on lui demandait : « Où est ta mère ? » il avait un geste adorable : sa main faisait le tour, montrant les marchandes toutes à la fois. Il fut l’enfant des Halles, suivant les jupes de l’une ou de l’autre, trouvant toujours un coin dans un lit, mangeant la soupe un peu partout, habillé à la grâce de Dieu, et ayant quand même des sous au fond de ses poches percées. Une belle fille rousse, qui vendait des plantes officinales, l’avait appelé Marjolin, sans qu’on sût pourquoi.
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Le ventre de Paris
D’abord, tout en bas, contre la glace, il y avait une rangée de pots de rillettes, entremêlés de pots de moutarde. Les jambonneaux désossés venaient au-dessus, avec leur bonne figure ronde, jaune de chapelure, leur manche terminé par un pompon vert. Ensuite arrivaient les grands plats : les langues fourrées de Strasbourg, rouges et vernies, saignantes à côté de la pâleur des saucisses et des pieds de cochon ; les boudins, noirs, roulés comme des couleuvres bonnes filles ; les andouilles, empilées deux à deux crevant de santé ; les saucissons, pareils à des échines de chantre, dans leurs chapes d’argent ; les pâtés, tout chauds, portant les petits drapeaux de leurs étiquettes ; les gros jambons, les grosses pièces de veau et de porc, glacées, et dont la gelée avait des limpidités de sucre candi. Il y avait encore de larges terrines au fond desquelles dormaient des viandes et des hachis, dans des lacs de graisse figée. Entre les assiettes, entre les plats, sur le lit de rognures bleues, se trouvaient jetés des bocaux d’achards, de coulis, de truffes conservées, des terrines de foies gras, des boîtes moirées de thon et de sardines.
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