La Débâcle est un des romans les plus poignants écrits sur la guerre de 1870. Publié en 1892, vaste fresque historique et descriptive des atrocités de cette guerre franco-allemande un peu oubliée de nos jours en dépit de ses conséquences, récit documenté d'une défaite sidérante, il entraîne le lecteur dans le bourbier de Sedan.
On y retrouve Jean Macquart, personnage central du quinzième volume de la saga, "La Terre". Après la mort dramatique de sa femme, Jean s'est réengagé dans l'Armée française et il y fait la rencontre de Maurice Levasseur, un intellectuel idéaliste, rêveur de la révolution. C'est une amitié improbable, comme souvent dans la réunion de deux caractères antagonistes, mais la guerre est le chaudron où les différences peuvent s'estomper, où l'on s'étripe et où l'on se sauve la vie, dans un magma de sang et de boue, couverts de vermine, affamés et assoiffés.
Cette amitié connaîtra une fin tragique dans le chaos de la Commune de
Paris, période insurrectionnelle de deux mois aboutissant à la Semaine sanglante de 1871, véritable guerre civile, qui verra également la destruction de nombreux édifices de
Paris, principalement le château des Tuileries, dont l'achèvement, par sa réunion au Palais du Louvre par une longue galerie, fut donc de très courte durée (1860-1871, soit onze ans).
La défaite ahurissante des Français face aux Prussiens, dont les familles se trouvent souvent engagées face à face dans le conflit, reste incompréhensible pour ces soldats, dont beaucoup ont combattu aux côtés du Grand Napoléon. La Commune sera la réponse du peuple à
Napoléon III, et la fin du Second Empire sera scellée à Sedan.
Au-delà des approches historiques et morales de l'oeuvre, l'écriture descriptive si particulière de
Zola - qui ne craint pas la boucherie et donne à ressentir les moments de grâce ineffables qui se nichent en dépit de tout au milieu des pires drames : un chant d'oiseau, un paysan qui laboure sa terre à deux pas du champ de bataille, la joie d'une retrouvaille - emporte l'adhésion par l'émotion juste, pour l'humanité souffrante qui travaille à sa propre perte.