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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Après deux escales en province qui n'ont pas été de tout repos, retour à Paris ou nous allons pénétrer dans les hautes sphères de la vie politique du Second Empire. Ce sixième volume des Rougon-Macquart met en pleine lumière un des personnages les plus énigmatiques de la saga : Eugène Rougon.

Vous vous souvenez sûrement la manière dont Pierre et Félicité Rougon ont soumis politiquement Plassans dans La Fortune des Rougon, des arnaques à l'Etat d'Aristide dans La Curée, de l'abbé Faujas qui a retourné Plassans dans la Conquête de Plassans ; c'est grâce à qui? A Eugène pardi!
Homme que l'Empire a fait, dont l'influence grandissante est palpable dans les précédents tomes de la série, nous le retrouvons ici en pleine disgrâce, s'étant trouvé obligé de donner sa démission de la présidence du Conseil d'Etat. Si le principal intéressé vit relativement bien sa mise à l'écart du monde politique, sa bande d'amis ne voit pas la chute du "grand homme" d'un bon oeil. Tous plus opportunistes les uns que les autres, ils voient en Eugène une manière d'obtenir toutes sortes de passe droits facilement.
Parallèlement, Eugène entretient une relation ambiguë avec Clorinde Balbi, une italienne extravagante et intrigante. Entre eux, l'ambiance est explosive et les rapports sont en dent de scie, Rougon va donc marier la jeune femme, avec Delestang haut fonctionnaire et béni oui-oui de service, après avoir refusé de l'épouser . Vexée, Clorinde va néanmoins entraîner toute la bande dans un travail d'influence phénoménal afin de ramener Eugène sur le devant de la scène politique. Mais c'est sous-estimer la fougueuse italienne que de la penser acquise, car blessée dans son orgueil, jouant sur plusieurs tableaux, elle est bien décidée à se venger...

Malgré le manque cruel d'action du roman, cette lecture est un régal!
Cette immersion dans les coulisses du monde politique est jouissive au plus haut point. Quand il s'agit de faire un portrait du milieu ou gravitent le plus de requins, Zola ne fait pas dans la dentelle et nous démontre avec hargne que c'est le premier qui bande qui en...e l'autre dans la course au pouvoir. Arrangements avec le ciel, malversations, piston à tout va et trahisons sont au programme de ce roman incroyablement moderne. Les époques ont passé mais les codes restent les mêmes dans cette jungle sans foi ni loi dépourvue d'humanité, ou les gens se retournent comme des crêpes quand ils ont obtenu ce qu'ils veulent. D'habitude, tout ce qui a trait à la politique a tendance à me barber, mais là l'intrigue m'a tenue en haleine jusqu'à la fin. Je ne cache pas que j'aurai bien aimé qu'il arrive une tuile à ce cher Eugène, histoire de clore le roman en beauté mais ce foutu colosse a le don de renaître de ses cendres donc je m'arme de patience, ces arrivistes de Rougon vont bien finir par tomber un jour. Ce volume de la saga est aussi bon que ses prédécesseurs, le tout est admirablement construit et l'histoire prenante. Si comme moi, vous êtes devenus accrocs aux Rougon-Macquart, vous ne pourrez qu'aimer.
A lire et à découvrir!
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Il s'agit ici du pouvoir de l'homme, dans deux registres : l'animal politique et la vie privée. Ce qui intéresse Rougon, c'est le pouvoir pour le pouvoir, pour dominer les autres ; la conquête de ce pouvoir est intéressante, il connait tous les rouages pour y arriver, mais seule la jouissance de l'exercer a des limites : que se passe-t-il ensuite ?

Dans ce volume, Eugène Rougon arrive enfin en chair et en os ; jusqu'ici, il était présent, en filigrane, il tirait les ficelles à distance, et on avait envie de faire enfin sa connaissance.

Le roman étudie une période bien précise, de 1856 à 1861, inaugurée par les festivités nationales pour le baptême du petit prince, futur héritier présumé. Il y a beaucoup de mesures impopulaires. Son Excellence Eugène Rougon, au fait de sa gloire, décide de démissionner de ses fonctions, laissant la place à son ennemi juré : Monsieur de Marsy.

Il prétend être fatigué du pouvoir, et vouloir désormais créer un domaine dans les Landes, ne parlant plus que de cela avec ses amis, parasites intéressés par les miettes que le pouvoir de Rougon peut leur accorder : une ligne de chemin de fer pour l'un, une récupération d'héritage pour l'autre… Pour eux il est indispensable que Rougon revienne au pouvoir…

Dans la belle mécanique, de reconquête, une femme va jouer un rôle important : Clorinde Balbi, séductrice, elle apprend auprès de Rougon, se conduit en humble disciple, mais il l'a jadis repoussée, car les femmes ne l'intéressent pas, il n'en a pas une opinion extraordinaire, et il trouve leur intelligence limitée et se méfie du côté manipulateur de certaines… on se souvient de sa mère Félicité dans les volumes précédents.

Seulement Eugène Rougon se méfie des femmes qu'il ne tient pas en très haute estime, et pour être sûr de ne pas céder à la tentation, il repousse celle qu'il appelle mademoiselle Machiavel et lui fait épouser Delestang un jeune homme plein d'ambition et dont la langue est pleine de cirage à force de lécher les bottes. Et que va faire l'élève éconduite qui voulait l'épouser, sinon utiliser les mêmes méthodes que lui.

« Il disait d'ordinaire, d'un air convaincu, que « ce diable de Delestang irait loin » et il le poussait, se l'attachait par la reconnaissance, l'utilisait comme un meuble dans lequel il enfermait tout ce qu'il ne pouvait garder sur lui. » P 38

Alors que « la Curée » évoquait la spéculation immobilière, dans laquelle son frère était comme un poisson dans l'eau ; ce roman est basé sur une autre forme de spéculation : la spéculation politique.

Zola développe une fois de plus ses théories, peaufinant son étude de la jouissance par le pouvoir, avec un héros qui s'estime d'une intelligence supérieure, (il admire son intelligence comme Narcisse admirait son reflet !) ; de ce fait, tout le reste est secondaire, il n'a pas d'autre jouissance : les plaisirs de la table, de l'argent ou du sexe sont quasi inexistants, tant la joie du pouvoir prend de la place. Eugène Rougon, c'est l'amour du pouvoir et aussi l'ambition qui permet d'y accéder.

« C'était son idéal, avoir un fouet et commander, être supérieur, plus intelligent et plus fort. » P 45

Eugène a aussi une théorie, il pense qu'il n'est rien sans les autres (la bande de parasites qui l'entoure) et que les autres ne sont rien sans lui, ce qui n'est pas sans risque …

Les parasites, comme je les appelle, sont épouvantables; ils le flattent pour qu'il revienne sur le devant de la scène, et obtenir ce qu'ils veulent et quand ils l'ont obtenu, se mettent à le dénigrer, à dire qu'ils ne lui doivent rien, car le vent a tourné et ils préfèrent se tourner vers un petit jeune dont ils espèrent obtenir encore plus :

« Croyant avoir usé Rougon à satisfaire leurs premiers rêves, ils attendaient l'avènement de quelque pouvoir jeune, qui contenterait leurs rêves nouveaux, extraordinairement multipliés et élargis. » P 328

C'est une belle analyse du pouvoir, de la politique (Zola pourrait écrire la même chose aujourd'hui !), de l'Empire avec ses dépenses, la spéculation, les élections plus ou moins truquées, le désir de régner sans partage, en annulant toutes les libertés. L'auteur voulait probablement prouver aussi, que l'Empire n'a pas eu un véritable homme d'État… L'empereur n'est pas présenté comme un personnage de caractère, il est même assez terne dans ce roman.

Tout est prédéterminé pour Zola, tout relève de la génétique, il ne laisse aucune chance d'évoluer à ses personnages, et à force cela devient pesant, on espère qu'Eugène aura tiré les leçons… certes, le phénix renaît de ses cendres, comme tout animal politique, il sent d'où vient le vent et quand il faut changer de cap, notamment à propos de la répression et de l'atteinte aux libertés mais in aimerait qu'il arrive à sortir de son schéma, sinon on risque de sombrer dans l'ennui !

J'ai bien aimé ce roman que j'ai dévoré même si la bande de parasites a fini par m'horripiler. Zola laisse la porte ouverte comme si c'était au lecteur de tirer les conclusions : on espère que Rougon va enfin retenir quelque chose de ses erreurs. Ce roman m'inspire et je pourrais en parler durant des heures, alors il est préférable que je vous laisse le découvrir ou le relire…

Challenge XIXe siècle
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♬ Non, non, rien n'a changé, tout, tout a continué... ♬
Eh oui, l'humanité est désespérante, rien ne changera jamais.
Ce sixième tome des Rougon-Macquart est celui du pouvoir et de la politique.
Le pouvoir : comment y accéder, comment s'y maintenir, comment l'utiliser, comment on s'en fait éjecter et comment on y retourne.
Eugène Rougon est fascinant. Imposant, dans tous les sens du terme. Dès qu'il apparaît, il impressionne. Par son physique, par sa voix, par sa façon d'être et de se tenir, par les expressions de son visage, par ses paroles.
Zola n'a pas lésiné.
Il a fabriqué un terrible personnage. Dès le début du livre, il lui fait prendre toute la place, même s'il n'est pas encore présent physiquement. Même en faisant abstraction du titre, le lecteur ne peut avoir aucun doute : le personnage principal, c'est lui ; tout gravite autour de lui. D'emblée, il écrase tout.
Absent, il est l'objet de toutes les inquiétudes : "Est-ce que vous avez vu Rougon, ce matin ?" "Vous n'avez pas vu Rougon ?" et le lecteur attend avec impatience son apparition.
Apparition qui ne va pas le décevoir : Rougon est "énorme, insolent, le cou gonflé, la face crevant de force".
Quel talent !
Je parle ici de Zola... mais Rougon n'en manque pas non plus ! Force de la nature, intelligent en diable, c'est un animal politique, et même si tout ce qui est montré dans le roman n'est pas joli-joli, on prend un plaisir fou à suivre les intrigues.
Rougon est entouré d'une "cour" qui le flatte et ne cherche qu'à profiter de lui, à bénéficier d'avantages, grands ou petits qu'il peut leur procurer. Des parasites sans morale et sans amour-propre qui ne reculent devant aucune bassesse pour quémander.
J'ai toujours pensé que les gens de pouvoir n'étaient pas enviables, car comment savoir à leur place, si une amitié est sincère ? Comment être sûr de n'être apprécié que pour soi-même et non pour ce qu'on peut apporter ?
Zola me conforte dans cette idée : « M. Béjuin resta seul devant la cheminée. Il roula son fauteuil, s'installa au milieu, sans paraître s'apercevoir que la pièce se vidait. Il demeurait toujours le dernier, attendait encore quand les autres n'étaient plus là, dans l'espoir de se faire offrir quelque part oubliée. » Un chien qui mendie des restes sous la table n'a pas moins de dignité !
Zola nous emmène derrière le rideau et nous montre la partie cachée du jeu politique : cynisme, cupidité, avidité, égoïsme, hypocrisie, mensonges, manoeuvres en tout genre. C'est laid, très laid... et c'est terriblement actuel !
Vous critiquez l'absentéisme des parlementaires ? Vous leur reprochez de dormir à moitié lorsqu'ils sont présents ?
Zola l'a déjà fait :
« Il n'y avait pas cent députés présents. Les uns se renversaient à demi sur les banquettes de velours rouge, les yeux vagues, sommeillant déjà. D'autres, pliés au bord de leurs pupitres comme sous l'ennui de cette corvée d'une séance publique, battaient doucement l'acajou du bout de leurs doigts. » ou encore « le président mettait aux voix un défilé interminable de projets de loi, que l'on votait par assis et levé. Les députés, machinalement, se levaient, se rasseyaient, sans cesser de causer, sans même cesser de dormir. »
Vous pestez contre les politiciens qui arrivent toujours, même en cas de défaite, à se recaser ? Et de préférence dans des places dans lesquelles ils sont grassement payés à ne pas faire grand-chose ?
Zola l'a déjà fait :
« Delestang baissa le nez. Toujours il se trouvait embarqué dans quelque passion scabreuse. En 1851, il avait même failli compromettre son avenir politique ; il adorait alors la femme d'un député socialiste, et le plus souvent, pour plaire au mari, il votait avec l'opposition, contre l'Élysée. Aussi, au 2 Décembre, reçut-il un véritable coup de massue. Il s'enferma pendant deux jours, perdu, fini, anéanti, tremblant qu'on ne vînt l'arrêter d'une minute à l'autre. Rougon avait dû le tirer de ce mauvais pas, en le décidant à ne point se présenter aux élections, et en le menant à l'Élysée, où il pêcha pour lui une place de conseiller d'État. »
Vous dénoncez l'absence d'objectivité des médias ?
Zola l'a déjà fait :
« Quant à la presse, elle est déjà trop libre. Où en serions-nous, si le premier venu pouvait écrire ce qu'il pense ? » et « Rougon eut un geste terrible. « Oui, oui, on m'a déjà signalé ce numéro, dit-il. Vous devez voir que j'ai marqué les passages au crayon rouge… Un journal qui est à nous, pourtant ! Tous les jours, je suis obligé de l'éplucher ligne par ligne. Ah ! le meilleur ne vaut rien, il faudrait leur couper le cou à tous ! » Il ajouta plus bas, en pinçant les lèvres : « J'ai envoyé chercher le directeur. Je l'attends. »
Bref, ne cherchez pas plus loin : tout ce que vous pouvez reprocher à nos politiciens actuels, Zola le dénonce dans ce livre, et avec brio.
Ce volume n'est pas le plus romanesque du cycle, mais il est très instructif. La trame narrative n'a rien d'exceptionnel, mais à travers divers tableaux, Zola nous dépeint la politique sous le second empire. Il nous emmène dans les coulisses du pouvoir.
Et l'on s'aperçoit que rien ou presque n'a changé. Le monde politique et celui des affaires sont intimement liés. Des cercles d'influence tirent les ficelles. Les politiciens sont prêts à tout pour accéder au pouvoir puis pour y rester, suivis par des meutes de profiteurs sans scrupules qui, tels des girouettes, sont prêts à changer de "poulain" dès que le vent tourne.
Les contemporains de Zola se comportaient comme se comportent les hommes de maintenant. C'est amusant... ou désespérant !
On peut même s'amuser à établir des correspondances entre des personnages du roman et des politiciens actuels !
Par exemple, il peut arriver que des gens influents fassent nommer un homme falot à un poste clé, afin de pouvoir le manipuler :
« Ils s'aplatissaient devant le plus sot de la bande, ils s'admiraient en lui. Ce maître-là, au moins, serait docile et ne les compromettrait pas. Ils pouvaient impunément le prendre pour dieu, sans craindre sa foudre. »
Allez, ne me dites pas que vous n'avez pas de nom en tête !
Une fois de plus, Zola nous offre un roman intemporel : en changeant très peu de choses comme les décors et les vêtements, on pourrait le croire fraîchement écrit.
Après ma grosse déception du cinquième volume (La faute de l'abbé Mouret), ce sixième opus me redonne l'envie de poursuivre ma lecture des Rougon-Macquart.
En route pour l'Assommoir !
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« Vous êtes tout de même d'une jolie force, vous » dit à Rougon à l'aube d'un de ces énièmes retours en grâce, la belle et intrigante Clorinde.
Gageons que ces deux-là se disputent encore en enfer la primauté de la rouerie et de la puissance, tant ces deux impressionnantes figures sont archétypales des luttes sournoises, sales et magistrales au sommet des pouvoirs !

J'ai dévoré ce 6ème opus des Rougon Macquart qui nous porte au coeur de la machine politique de l'empire autour des revirements de fortune d'Eugène Rougon, poussé à la démission du Conseil d'Etat, remis en selle par une « bande » motivée par les prébendes qu'elle entend tirer de son retour aux affaires, puis de nouveau mis à bas d'un fauteuil de ministre pour en retrouver un autre quelques années plus tard.

Je me suis surprise à éprouver une certaine fascination pour cet insubmersible phoenix, puissant jusque dans son ossature de colosse, porté par la seule force brute de l'envie de domination, d'une moralité repoussante mais pourtant bien en phase avec son milieu : abject parmi les abjections des courtisans, intrigants et quémandeurs de tout poil, manoeuvré par Clorinde, une femme dont il n'a pas su évaluer qu'elle put avoir plus de force que lui, et autant puissant que faible face à ceux-là même qui dépendent de lui mais dont il tire son pouvoir.

Comme dans « la Curée », les parallèles avec l'époque actuelle ne manquent pas dans cette intemporelle étude de moeurs du pouvoir, et ce n'est pas le moins plaisant dans cette lecture que de piocher dans la classe politique récente des masques à coller sur les protagonistes de l'histoire ; Rougon à lui seul en mérite un joli paquet !
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Il y a la volonté chez Zola d'appuyer bien fort, non d'exagérer mais d'aller au fond des choses...
Et tant pis, si après examen, le monde devient moins aimable ! Car il est aussi plus saisissant, plus animal, plus comique ; enfin, il est vrai !...

À y regarder de près, c'est un style bizarre que celui de l'auteur ; un naturalisme flamboyant, presque gênant à certains moments et des finesses qui semblent s'ignorer elles-mêmes, témoignant seulement d'un don d'observation surhumain ou "trop humain".. (en tout cas, hors du commun)
Peut-être, celui d'un géant capable de s'attendrir pour les êtres qu'il scrute au microscope

Un "homme aux grosses pattes" comme son personnage principal, Eugène Rougon..
Celui-ci est d'ailleurs aussi lucide que l'auteur sur son caractère et un certain type de personnalité :
"[...] je suis autoritaire, vous le savez bien. On apporte ça en naissant. Ce n'est pas une opinion, c'est un besoin..."
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Voici Eugène Rougon que l'on avait croisé dans La Curée. de retour à Paris, on fréquente l'Assemblée nationale et les couloirs de tous les ministères. Eugène Rougon y est tout puissant, mais il vient de donner sa démission du Conseil d'État. « J'étais résolu depuis longtemps à abandonner la haute situation que je devais à la bienveillance de l'empereur. » (p. 43) Patiemment, il attend que l'Empereur lui redonne sa faveur. En attendant, le Tout-Paris se presse chez cet homme colossal qui semble de taille à faire plier la politique impériale. Chacun s'accorde à dire que Rougon ira loin. « le jour où Rougon quittera le Conseil d'État, ce sera une perte pour tout le monde. » (p. 12) le seul défaut de Rougon, c'est d'être célibataire, mais l'homme se défie des femmes.

Ce que Rougon n'avait pas prévu, c'est que son plus grand adversaire serait Clorinde, jeune Italienne demi-mondaine qui cherche un mari. Rougon la surnomme Mademoiselle Machiavel et il s'épuise à la conquérir. Finalement, il la marie à un député et épouse une autre femme. Et c'est là que Clorinde a cette phrase prophétique : « Vous vous croyez plus fort que moi… Vous avez tort… Un jour, vous pourrez avoir des regrets. » (p. 147) D'abord, Rougon croit être libéré de l'emprise de la jeune femme, bien à l'aise dans son nouveau fauteuil de ministre. Mais sa chute viendra d'ailleurs, de cette bande d'amis à qui il distribue faveurs et positions. Orgueilleux despote qui voulait régner sur la France, Rougon risque de perdre l'oreille de l'Empereur. « Vous avez trop d'amis, monsieur Rougon. Tous ces gens vous font du tort. Ce serait vous rendre un service que vous fâcher avec eux. » (p. 349) Rougon se relèvera-t-il de la disgrâce qui se profile ?

Après un début un peu longuet – il faut dire que la politique m'ennuie tellement ! –, je me suis régalée avec ce nouveau volume de la saga des Rougon-Macquart. Émile Zola décortique les moeurs politiques et fait la peinture cynique d'un homme dont les ambitions et la rage de pouvoir font la gloire et le malheur. Eugène Rougon est le digne fils de Félicité Rougon qui règne sur Plassans : ils sont tous deux avides de pouvoir et prompts à saisir toutes les occasions qui leur donnent l'ascendant sur le commun des hommes. On navigue, avec plus ou moins de houle, dans un univers d'intérêts, d'affaires en cours, d'alliances, de promesses et de passe-droits. Dans ce monde très parisien, Rougon a des restes de bourgeois monté de la province. Il attend de son mariage qu'il lui donne une situation. « Depuis longtemps, il avait envie d'un intérieur bourgeois qui fût comme une preuve matérielle de sa probité. » (p. 151) Mais Rougon se débat et veut repousser les frontières du pouvoir. Comme son frère Aristide qui se régalait de détenir tout Paris, Eugène ne vit que pour être plus puissant que les puissants.

Je ne peux m'empêcher de penser qu'Émile Zola, sous le portrait féroce qu'il fait du politique, avait une tendresse pour l'homme. le personnage est effrayant, mais je l'ai trouvé également attendrissant : il a la rage des anciens faibles et des anciens pauvres. Certes, il manoeuvre odieusement, mais je l'ai trouvé superbe et d'une franchise inaltérable : il ne cache pas ses ambitions et il ne plie pas. Encore un très bon épisode, même s'il ne fait pas partie de mes préférés.
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Son excellence Eugène Rougon d'Emile Zola ( Folio- 480 pages )


Ah Zola, quel écrivain ! Il est classé dans mes préférés.

Ce livre pourrait être écrit aujourd'hui car l'Homme ne change pas.

Quand je lis un livre des Rougon Macquart, j'ai du dégout pour ses personnages.

Zola a un don pour décortiquer nos plus sombres défauts, c'est gluant, c'est écoeurant et j'ai honte pour tous ses héros qui sont réels malheureusement encore à notre époque.

Avec "Son excellence Eugène Rougon l'écrivain nous fait vivre la politique sous Napoléon III.

Rentrez dans l'hémicycle et voyez ces députés ! Certains dorment, l'un écrit son courrier, d'autres bavardent ou lisent ... Eh oui, cela ressemble à ce que je vois à la télévision. Il faut ajouter les portables avec ses jeux, ses Sms.

Ensuite regardez ses courtisans d'Eugène Rougon qui lui tournent autour pour obtenir des faveurs.

Pour arriver tous les coups sont permis. Quand le héros est à terre, il est abandonné pour un autre.

Quand j'ai refermé le livre j'ai regardé mon chien et d'un regard je lui ai fais comprendre que je le préférais.

Je me régale toujours à dévorer un tome des Rougon- Macquart mais Zola arrive toujours à me révolter contre la lie du genre humain qu'il décrit si bien.

A lire.

Mireine

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Je continue ma découverte de cette saga des Rougon Maquart d'Emile Zola avec ce tome VI : son excellence Eugène Rougon.

Dans cette saga qui comprend vingt tomes, Zola fait un focus sur l'un des personnages à chaque fois et dépeint une partie de la société du XIXème siècle.
Ici, comme son titre l'indique, le personnage principal est donc Eugène Rougon.

Après "la faute de l'abbé Mouret" où j'avais plutôt subi la lecture, j'ai réellement apprécié ce nouveau tome où il est question de politique et des hautes sphères de la population parisienne.

Eugène Rougon n'est pas en odeur de sainteté auprès de l'empereur (comprendre ici Napoléon III), cependant il est très bien entouré et sera ministre de l'intérieur dans la seconde partie du roman.
Beaucoup de personnages sont dépeints ici, avec notamment Clorinde qui rend fou Eugène Rougon, et qui était dans la réalité la maitresse connue de Napoléon III.

Sans en dévoiler plus sur les intrigues de ce roman, j'ai adoré celui ci et dévoré en deux jours. Il y a une très bonne dynamique, beaucoup d'action et mouvement (contrairement au tome précédent), et une description de la noblesse et des problématiques de l'époque intéressante.

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Dans le cycle des Rougon-Macquart, ce sixième volume tient une place à part, ce n'est pas le chef d'oeuvre, ni le plus grand succès en librairie de Zola (ce sera le tome suivant l'Assommoir), c'est un des moins connus et pourtant c'est un des plus fins. Dans le projet de Zola, Son Excellence Eugène Rougon est le roman du pouvoir, des coulisses de l'Etat.

Eugène Rougon est parvenu à se hisser dans les plus hautes sphères politiques, il est à présent président du Conseil d'Etat. Sentant le vent tourner, il préfère démissionner et attendre secrètement que la situation lui soit favorable pour revenir encore plus puissant. Tout cela au grand dam de ses amis, sa bande menée par la belle Clorinde. La comtesse italienne est courtisée par tous, même Rougon, pourtant refuse de l'épouser, celui-ci a bien d'autres projets pour elle et accroître son pouvoir. Seulement Clorinde, passionnée par la politique et les intrigues, avide de pouvoir et de puissance, sera à la fois l'instrument de son élévation mais aussi celui de sa chute.

J'ai beaucoup aimé ce roman, qui rejoint l'ambiance de la Curée, dans le Paris des beaux quartiers, Zola nous décrit parfaitement les arcanes du pouvoir du Second Empire. Il fait pas mal d'emprunts à la vie politique de son temps, aux affaires qui ont eu cours sous le Second Empire. Napoléon III est par ailleurs présent dans le roman. On est frappé d'ailleurs par la modernité du propos de Zola, les luttes intestines dans les cercles politiques font toujours rage de nos jours.
Lien : http://bene31.canalblog.com/..
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D'un trait de plume direct et bien senti, aux accents frisant parfois l'ironie et la caricature, Emile Zola égratigne les hommes politiques de son époque par le biais d'Eugène Rougon, le personnel principal de son roman. Ce dernier, auquel l'exercice du pouvoir procure un sentiment quasi-obsessionnel de domination sur les autres, ne parviendra pourtant pas à posséder une femme qu'il convoite. Clorinde Balbi, cette aventurière au caractère bien trempé et très influente dans la haute société, se refusera toujours à lui. Eugène Rougon en gardera une grande frustration et une secrète blessure…

le pouvoir a donc aussi ses limites ! de nos jours, rien n'a vraiment changé au sein du microcosme politique, ce club très fermé de la bourgeoisie huppée dans lequel, entre coups bas et intrigues malsaines, les opportunistes et les hypocrites sont légion.
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