Paru en 1972, cet ouvrage a été un livre culte pour toute une génération de médiéviste (la mienne !) qui a révolutionné l'approche des textes médiévaux en leur appliquant les théories critiques modernes, pour permettre au lecteur moderne de « décoder le texte médiéval, à la fois selon son propre système et pourtant sans anachronisme ».
Plus encore que ses analyses des genres littéraires spécifiques de l'époque, voire émergents, comme le "grand chant courtois", les "jeux" ancêtres du théâtre, l'épopée, la valeur du livre tient au fait qu'il a attiré l'attention sur les spécificité de cette littérature. Tout d'abord en signalant le fait que cette littérature émerge d'une littérature orale et en s'attachant aux effets de son mode de transmission le plus souvent orale, une « poétique de l'oralité », accompagnée de phénomènes d'oralisation (théâtralisation, inscrite dans le texte même, de cette transmission orale) et en l'opposant à une écriture manuscrite, comme le sont, par essence, les calligrammes de Raban Maur, mais aussi en la caractérisant pas la coexistence d'une culture latine et d'une culture vulgaire, en posant le concept de « mouvance du texte », le fait que le texte n'est jamais fixé et se présente sous une multitude de variantes, l'anonymat de la création qui renvoie à une autre conception de l'oeuvre.
Une réflexion littéraire exigeante, qui reste extrêmement stimulante et productive sur l'altérité de la civilisation médiévale.
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