«
MistAKE & autres écrits français » est petit livre de
Unica Zürn (2008, Ypsilon éditeur, 62 p.), préfacé par Rike Felka, traduit de « Gesamtausgabe », édité par Günter Bose et Erich Brinkmann (1988, Brinkmann und Bose, 176 p.). Trois de ces cinq textes avaient déjà été intégrés en 1977, sous forme d'extraits, au numéro double de la revue « Obliques » consacré à « La Femme Surréaliste » (1977, Revue Oblique #14-15, 321 p.) avec une couverture en couleurs de Magritte et de très nombreuses illustrations.
Unica Zürn a eu une vie compliquée, c'est le moins que l'on puisse en dire. Née en 1916 à Berlin-Grünewald, un des quartiers Ouest de Berlin. Viol par son frère et divorce de ses parents, de quoi la marquer à jamais. Mais en 1953, elle rencontre
Hans Bellmer et le suit à Paris, où elle va rencontrer les surréalistes. Retour à Berlin pour une interruption de grossesse, souvenirs et séjour en hôpitaux psychiatriques. Ce sera en partie le thème de «
L'Homme Jasmin » sous-titré « Impressions d'une malade » «
L'Homme Jasmin » traduit par
Ruth Henry et
Robert Valançay (1999, L'Imaginaire #409, 280 p.). Avec «
Sombre Printemps » traduit par
Ruth Henry et
Robert Valancay (2003, Serpent à Plumes, 180 p.) et «
Vacances à Maison Blanche » traduit par
Ruth Henry (2000, Editions
Joëlle Losfeld, 191 p.), ces trois livres représentent l'essentiel des écrits de
Unica Zürn.
« MistAKE » est suivi par « Remarques d'un observateur » et « Extrait des pages d'enfants », avant des extraits de « L'Homme-Poubelle » et de « La libération de l'espérance c'est la libération totale ». Ces textes datent des alentours de 1964, alors que Unica voyage en avion entre Paris et Berlin pour y subir un avortement. « Sans ventre, elle fait la naissance d'une ville ». L'emploi de la troisième personne pour la qualifier est courant chez elle. « Tout le mond dans l'avion la regarde, mais elle est trop occuper avec l'accouchement de sa ville, qu'elle regard personne » (les erreurs et l'orthographe sont transcrites du texte). « Tout le mond » fait allusion, soit au reste des passagers, soit à la lune (der Mond en allemand, le genre étant masculin, et Die Sonne pour le soleil, au féminin). Elle, est concentrée sur son accouchement futur et « elle écoute : tout ce qui passe par l'oreille devient plus vraie que les expériences par les yeux ». Les sons plus forts que la vue, ou la vision moins forte que l'impression, à la base du surréalisme.
« S'il n'y a pas des témoins, personne le croire », toujours l'art défini comme une sensation. Et tout cela « dans l'avion tout noire avec un petit cercle blanc », en contraste avec un « avion tout blanc avec un petit cercle noir » anagramme entre l'avion et le cercle. Tout comme elle termine son texte par « L'homme qui s'appelle amour » suivi par « l'image de l'amour » ou « l'idiome de l'amour ».
Et elle voyage dans son avion noir alors que tout autour, tout est blanc. « Elle reste dans le port-manteau-prison ». Elle reste, prisonnière de sa folie qui diffère de « l'hypnose par l'espace libre ». L'enfermement opposé à la liberté. Et son obsession devient la naissance de la ville, en opposition à la guerre « Il faut qu'elle arrete cette guerre ». Mais comment faire « Elle veut quitter l'avion en plein vol ». Bien entendu, elle ne peut pas. Et l'obsession se poursuit. C'est « l'homme qui s'apelle AMOUR » et c'était quand « elle avait six ans ». « Son frère, son père, son fils, l'Homme Blanc – tous ces hommes représentent de grands déchirements, des séparations insupportables ».
« Extrait des pages d'enfants » souvenirs entre Magelonne ou Palavas-les flots et le bureau de tabac, dans la rue Mouffetard à Paris, où
Unica Zürn habite avec
Hans Bellmer. Avec en toile de fond la folie. Et même « la folie à quarante ans ». Et pour traitement « on mit les malades dans l'eau froide, dans de grandes baignoires psychiatriques ». Plus tard ce sera les camisoles de forces, avant de recourir aux camisoles chimiques. Les menaces à peine voilées. « Si vous ne mangez pas, on vous donnera du sérum ».
Mais « elle n'a pas le temps d'écouter ». Elle est « enceinte du monde nouveau », toujours la même obsession. Avec cependant «
L'Homme Jasmin » qui « devient présent dans un dialogue silencieux avec elle ».
Intéressant à lire, surtout en parallèle avec la dépression de
Leonora Carrington dans «
En Bas » dans le Tome II de l'« Oeuvre Ecrit » en tant que « Récits (2021-, Fage, 432, p.) .