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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ce livre de Stefan Zweig, «Conscience contre violence», publié en mai 1936 lui a été commandé par Jean Schorer pasteur à la cathédrale Saint pierre de Genève qui défendait le protestantisme plein de tolérance de Sébastien Castellion contre l'intransigeance dogmatique de Calvin.
Stefan Sweig nous dépeint Calvin un peu comme un autre Savonarole. 
Sébastien Castellion, théologien protestant né en Savoie, que les bûchers de l'Inquisition catholique ont fait se tourner vers Calvin qu'il rencontre à Strasbourg en 1540, va se dresser contre lui à partir du moment où il se heurte à son manque d'ouverture et que la dictature spirituelle qu'il instaure va conduire à rallumer les bûchers, de l'Inquisition protestante cette fois-ci, dont va être victime le docteur espagnol Michel Servet brûlé vif pour hérésie à Genève le 27 octobre 1553 (Il écrit que Jésus n'est pas Dieu, mais un homme auquel l'essence divine s'est alliée temporairement et il rejette la Trinité).

«La postérité ne pourra pas comprendre que nous ayons dû retomber dans de pareilles ténèbres après avoir connu la lumière.» Sébastien Castillon (épigraphe de "Conscience contre violence")

La belle et courageuse voix de Sébastien Castellion tente de faire entendre, à travers ses écrits, la conscience d'un esprit libre et courageux face au caractère despotique de Calvin dont le but est «de museler, d'étouffer, de détruire toute opinion opposée à la sienne.»

Mais dans cette ville de Genève, où prédominent les interdits où il est juste permis aux bourgeois de la ville «d'exister et de mourir, de travailler, d'obéir et d'aller à l'église,...obligation légale, imposée sous peine des plus graves châtiments» où Calvin a la main mise sur le Conseil, Sébastien Castellion ne réussira pas à convaincre et à ébranler le pouvoir de Calvin.

Toutefois, si sa voix a été mise sous le boisseau par l'église réformée, elle ne s'est pas totalement éteinte. Il s'est trouvé au cours des siècles des humanistes pour vouloir réhabiliter cet homme de bien.
Mais l'emprise de Calvin demeure telle que même de nos jours un site internet a du être créé pour défendre en 2015 la commémoration des 500 ans de la naissance de Sébastien Castellion : Projet Castellion 2015: une réaction au Jubilé Calvin 09 www.castellion2015.ch/
Et Stefan Zweig de conclure en sachant par son expérience ce qu'il en coûte de vouloir garder un esprit libre et tenter de le faire entendre : «C'est en vain que l'autorité pense avoir vaincu la pensée libre parce qu'elle l'a enchaînée. Avec chaque individu nouveau naît une conscience nouvelle, et il y en aura toujours une pour se souvenir de son devoir moral et reprendre la lutte en faveur des droits inaliénables de l'homme et de l'humanité.»
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Lorsque paraît cet essai, nous sommes en 1936 ; voilà trois ans qu'Hitler a pris le pouvoir en Allemagne. Stefan Zweig a recours à une page de l'histoire européenne qui ne trompera personne quant à son intention. Il s'agit bel et bien d'alerter le monde sur l'entreprise funeste qui se développe en Allemagne. Conscience contre violence est une brûlante diatribe contre le fanatisme. Une mise en garde dont il ressent l'urgence extrême.

Cette page de l'histoire qui lui servira de support pour développer sa thèse contre le fanatisme, c'est la main mise de Jean Calvin sur les consciences helvètes, utilisant la propagation de la religion réformée pour imposer une rigueur de vie extrémiste correspondant à ses propres vues. Main mise qui influencera le pouvoir politique et développera une forme de terreur au point d'imposer ses propres décisions à la société civile, jusqu'à lui faire envoyer un opposant au bûcher, tel Michel Servet.

Dans cet ouvrage, Stefan Zweig trouve avec le conflit qui opposa Jean Calvin et Sébastien Castellion, conflit né d'une divergence d'interprétation des textes bibliques, le modèle d'antagonisme le plus adéquat pour étayer sa thèse et prouver par ce moyen l'impuissance de la tolérance lorsqu'elle se heurte au fanatisme.

C'est avec la perfection qu'on lui connaît dans la construction de son argumentation, étayée par une solide érudition, que son développement prend tournure. L'histoire se répétant dans ce qu'elle a de plus néfaste, l'humaniste averti, pacifiste dans l'âme, décrit avec une précision d'horloger le mécanisme qui aboutira inéluctablement, il en est convaincu, au désastre.

Stefan Zweig perçoit le danger dès 1936. Il conserve cependant encore l'espoir du réveil des consciences. Six ans plus tard, il aura perdu cet espoir.
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J'habite Genève.
Vous trouverez à Genève un "mur des réformateurs", un musée de la réforme
"Genève la Rome protestante" et "Genève cité de Calvin" sont des expressions courantes que l'on retrouve partout.
En parallèle, on évoque peu "Michel Servet"
Je voulais en savoir plus, mais pas de la part de l'Église protestante elle-même.
J'ai donc lu cet essai avec intérêt.

J'y ai découvert un personnage abject (n'ayons pas peur de dire les choses en face). Pourquoi co mot si fort ?
Il n'hésite pas à
* calomnier
* utiliser des espions, des correspondances passées
* à dénoncer et calomnier auprès de ses ennemis jurés des individus pour les voir neutraliser
* fabriquer des faux
* établir une police des moeurs qui lors des "visitations" traque le mal-pratiquant.
* à instaurer une "Bibliocratie" : une véritable théocratie dictatoriale par l'entremise de la bible.
* à faire torturer, bruler ses opposants ou tous ceux qui ne sont pas du même avis
* à pratiquer une intolérance totalitaire pour les "déviants"
* à mettre au pas une ville entière
* à transformer une ville joyeuse en sinistre couvent à ciel ouvert
* à rejeter toute forme de tolérance, de réconciliation
* à faire d'un mouvement émancipateur, une oppression
La réforme ne devait-elle pas libérer le pratiquant des intermédiaires ?

Certes le livre n'est pas sans défaut :
* c'est un essai "à charge"
* il signale très brièvement "à décharge" la mise en place d'écoles bien au-dessus des standards de l'époque
* il s'abaisse parfois à s'en prendre au physique (il lie certains trais moraux à des traits physiques vus sur les portraits). Les quelques paragraphes qui le font sont de trop.

Malgré ces défauts vous découvrirez la personnalité de Calvin au travers de son combat contre Sébastien Castellion et Michel Servet.
Sur le moment, le combat se termine mal pour la tolérance et l'humanisme.
Mais paradoxalement l'avenir semble avoir donné raison à l'humanisme et à la tolérance du moins à Genève et du moins aujourd'hui.
J'espère que la ville se libéra un jour de la sombre empreinte de ses réformateurs.

Bref, je conseille VIVEMENT à tous ceux qui veulent en savoir plus sur la Réforme telle qu'elle fut appliquée sous Calvin
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Conscience contre violence est l'interprétation historique de Stefan Zweig sur le conflit opposant, dans la Genève du XVIe, le leader d'alors de la ville Jean Calvin à Sébastien Castellione, intellectuel qui a osé défié le maître sur le sort réservé à Michel Servet, un mystique aux idées plus révolutionnaires encore que celles de Calvin et qui à ce titre a été reconnu coupable d'hérésie et brûlé à Genève (il reniait en particulier la trinité, considérant que ce dogme était une invention papale comme l'immaculée conception). Cet événement est bien sûr l'occasion pour Zweig, qui publie ce récit en 1936, de dénoncer la tournure dictatoriale pure de l'Allemagne nazie. A un Calvin imposant au peuple sa vision du monde par la force - et qui à certaines pages prend les accents du petit autrichien colérique -, on oppose l'autre vision de la Réforme, l'humanisme de Castellion, qui s'oppose à la tyrannie au nom de la liberté de conscience.

Comme toujours chez Zweig, l'histoire est romancée, le rythme est intense, et on a plutôt le sentiment de lire une fiction qu'une austère biographie. Je verrais bien une mini-série historique en 5-6 épisodes sur le sujet tirée de ce livre, d'ailleurs. Autre qualité “zweigienne” bien présente dans ce livre : la description psychologique, ici d'un Calvin bourreau de travail, dont la vue est entièrement dédiée à la tâche d'une rééducation morale et spirituelle de ses ouailles genevoises, est brillamment réalisée. le plus curieux est la différence de personnalité constatée entre le Calvin civil courtois et affable (rarement vu, certes) et le Calvin chef sprituel, vindicatif et sans pitié. Quant à la description sans doute idéalisée d'un Castellion pur et digne, on devine que c'est pour les besoins d'un drama qu'il fallait mettre sur un pied d'égalité les deux adversaires.

La toute fin du livre est un formidable plaidoyer humaniste, mais montre déjà le pessimisme profond de Zweig vis à vis de la capacité de sa vision du monde humaniste à s'imposer face à la violence politique, pessimisme qui le poussera à se suicider en 1942.
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Au hasard de la bibliothèque mise à disposition dans une location de vacances, j'ai eu par l'intermédiaire de ce livre mon premier contact avec l'oeuvre de Stefan Zweig, que je ne connaissais pas du tout.
Ce livre n'est sans doute pas parmi les plus connus de Zweig, mais il est digne d'intérêt car il traite à la fois d'histoire et de philosophie politique.
La partie historique traite de la venue de Calvin à Genève, et de sa prise d'un pouvoir quasiment absolu sur cette ville et son canton. le prédicateur pourchassé pour avoir critiqué la toute-puissante Eglise Catholique devient lui-même au fil des années un prêcheur rigoureux n'admettant aucune contradiction, puis un véritable tyran politique.
Il est frappant de constater que Zweig écrit son analyse en 1935, alors que le nazisme est en train de conquérir son pays. Il démonte avec lucidité les mécanismes d'établissement de la dictature, se servant du passé comme modèle pour mettre en garde contre l'avenir. Et les méthodes décrites évoquent tous les dictateurs de l'histoire, que ce soit Ivan le Terrible, Franco, Kadhafi, ou bien sûr Hitler.
Face au despote intransigeant qu'est devenu Calvin, se dresse un de ses anciens condisciples, Sébastien Castellion : révolté par la décision du Conseil de Genève d'envoyer au bûcher, sous l'instigation expresse de Calvin, le théologien Michel Servet, et ce uniquement pour des motifs d'ordre théologique, Castellion, décrit comme un homme humble et pacifique, n'étant pas a priori de « l'étoffe des héros », prend la plume contre Calvin en le traitant tout bonnement d'assassin : « Brûler un homme, cela ne s'appelle pas défendre une doctrine, mais commettre un homicide »
Cette position, il la prend au péril de sa propre vie, car désormais Calvin n'aura de cesse tout d'abord de lancer contre Castellion ses partisans, en particulier Théodore de Bèze, puis d'entreprendre lui-même de l'attaquer en justice devant le Conseil de Bâle, où Castellion occupe un poste de professeur respecté à l'université, dans le but de l'envoyer au bûcher comme Michel Servet. Et il est possible que la mort prématurée de Castellion l'ait sauvé de cette fin tragique.
La conclusion de l'ouvrage est à la fois pessimiste et optimiste : apparemment Calvin a gagné, il a réduit Castellion au silence en interdisant l'édition et la diffusion de ses écrits, et en muselant ses partisans par la terreur. Mais Zweig évoque la renaissance des idées de tolérance professées par Castellion d'abord dans l'évolution de l'église réformée hollandaise, qui refuse le dogmatisme absolu de Calvin, puis dans l'esprit de différents traités européens qui établissent la liberté de pratiquer le religion de son choix, et enfin dans les idéaux de la Révolution Française.
L'ouvrage est très bien documenté, et se lit facilement. La conclusion est prophétique et montre bien que l'humanité, au lieu de tenir compte des leçons de l'histoire, a tendance à commettre toujours les mêmes erreurs.
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Ce récit — à l'aube de la Seconde Guerre mondiale — revient sur l'opposition entre un despote et un libre penseur. Ainsi, il retrace l'évolution de la carrière de Calvin, son appropriation et la transformation qu'il amène dans le protestantisme, afin de mettre en place son régime totalitaire. On y voit tous les efforts qu'il fait, jusqu'à renier sa parole, pour se débarrasser au sens propre de ses détracteurs. On suit donc également le chemin parsemé d'embuches que rencontre Castellion, un libre penseur, homme de foi également, mais absolument humaniste et en faveur des libertés de culte, de penser, etc.. En réalité, ce dernier semble bien plus proche des idéaux qui sont à l'origine de la fondation du protestantisme que ce que propose Calvin. Un livre très intéressant, très bien écrit comme toujours avec Zweig ; je l'ai lu avec beaucoup d'intérêt bien que n'y entendant rien en religion, méconnaissant aussi bien le personnage de Calvin que le protestantisme.
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Conscience contre violence est un petit livre bien écrit de Zweig sur l'intolérance religieuse et la montée en puissance du dictateur de Genève que fut Jean Calvin.

Témoin aussi de son temps et de la montée du nazisme, Zweig fait un parallèle bien vu – sans être anachronique – sur la construction du dictateur et de ses moyens pour éliminer ses opposants et contradicteurs.

La signature de 1936 à la fin de l'ouvrage donne d'ailleurs des frissons car on fait un saut dans le temps de quatre siècles pour constater que son analyse du modèle de dictateur a du sens. Cela rappelle l'ouvrage d'Alaa El Aswany sur le syndrome de la dictature.

Dans un style clair et journalistique, Zweig démontre l'opposition entre le Bien et le Mal, entre Castellion (Zweig ?) et Calvin (Hitler ?) en s'appuyant étonnamment sur des échanges épistolaires qui auraient bien mérité d'être sourcés. Mais cela n'enlève pas la qualité de l'ouvrage.

On découvre ainsi un Calvin austère protestant français ayant fait brûler un médecin espagnol, Michel Servet. le lecteur se rend compte quand même quel odieux personnage fut Calvin, un intolérant, un violent, et un lâche de surcroît.

Merci Zweig pour cet ouvrage qu'on devrait faire lire aux collégiens.
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