AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,38

sur 179 notes
5
20 avis
4
7 avis
3
2 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je n'ai pas choisi de lire ce livre ; il m'a été offert par un ami. Ce qui m'avait d'ailleurs étonnée vu que je n'avais jamais évoqué un intérêt pour Calvin dont je ne savais rien de plus que le nom.
Cet ouvrage a donc été pour moi, riche d'enseignement. Je sais, désormais, qui était Calvin, qu'à juste titre Stefan Zweig a associé à "Violence" ; et découvert Castellion, la "Conscience".

Grand moment de réflexion en ce qui me concerne, durant lequel je n'ai pu m'empêcher de faire un transfert sur notre société actuelle. Me réjouissant que torture et peine de mort n'existent plus, mais m'interrogeant sur cette difficulté encore présente d'émettre des idées, voire même de simples nuances, en contradiction avec une certaine dictature de la pensée toujours en oeuvre.
Commenter  J’apprécie          688

Durant deux siècles, Genève, héritière sans recul d'un Calvin puritain, froid et inflexible, ne produira ni artiste, ni musicien ni écrivain de réputation mondiale, nous dit Zweig.
Calvin, émigré français, comme Sébastien Castellion, ont, par leur appartenance au protestantisme, réussi à fuir l'Inquisition papale. Cependant l'un, Calvin, tranche et décide de ce que les autres, tous les autres, doivent penser, sous peine de mort,-« il faut ou le combattre ou se soumettre à lui- » l'autre, Castellion, pense, a le courage de dire ce qu'il pense, sait parfaitement combien il est dangereux de penser, ne prétend pas que les autres pensent obligatoirement comme lui.

Ce sont les pires ennemis de l'intelligence, dit Zweig- qui toujours compare les faits à leur modèle universel, et s'appuie sur l'intolérance de Calvin pour analyser le sectarisme-ceux qui voudraient que des hommes libres soient dénoncés comme criminels. Leur crime ? Penser, différemment de Calvin.
Calvin, comme Robespierre, ascètes l'un comme l'autre, incorruptibles, irréprochables, insensibles au plaisir, forment le terreau du dictateur.
Calvin prend possession des âmes de la ville de Genève, ne tolère ni couleur, sauf le noir, ni musique, ni danse, ni divertissement, au nom d'un Dieu qui doit être craint, respecté, pas fêté, car même les fêtes pieuses sont trop.
La Terreur règne à Genève, avec l'assentiment du Consistoire : elle règne dans les coeurs et dans les maisons, que Calvin fait fouiller avec méthode : friandises, confiture, images saintes, ce sont des crimes, l'obligation d'assister à la messe dans des églises épurées, grises, où rien ne vient distraire le croyant obligé, est vérifiée par espions.
Gestapo des moeurs, naissance des dénonciations.
« Qu'on ne se fasse pas d'illusions, la terreur paralyse. La violence est une force redoutable », que Calvin, avec hypocrisie, férocité, lâcheté et mensonges utilisera à son profit : son profit, c'est que tout le monde pense comme lui.
Hypocrite, impitoyable et féroce, lorsqu'il essaie de livrer à l'Inquisition catholique, ce Michel Servet, protestant espagnol qui ne pense pas comme lui, (il refuse le concept de la Trinité, je suis toute confuse de vous livrer une telle aberration ), lorsqu'il fabrique de fausses preuves contre cet innocent.
Servet, prisonnier sans procès, sans fautes à se reprocher, Servet est torturé, abandonné dans un cachot, présenté dans ses hardes souillées, et condamné à être le lendemain brulé vif sur la place du Marché de Champel de Genève.

Castellion, lui, professeur à l'Université de Bâle, est persuadé que, d'abord, tuer c'est tuer, il n'existe pas de crime « pour des idées ».
Il est persuadé, aussi, même s'il a conscience qu'il est un moucheron face à un éléphant, qu'il peut dialoguer avec Calvin, qu'il peut non pas le convaincre, mais radoucir son intransigeance.
Zweig aimerait bien conclure que la liberté spirituelle ne peut être détruite par aucune violence, que celui qui l'exerce n'a jamais convaincu personne ; sauf que la montée du nazisme le fait douter de ce qu'il affirme. de plus les idées du calvinisme avec son puritanisme, son obéissance au dogme, sa sobriété s'est implanté, a fructifié dans des pays comme la Hollande ou l'Angleterre, et a favorisé le capitalisme aux Etats Unis en particulier.
Lueur d'espoir cependant : le protestantisme a, aussi, par la plus étrange des métamorphoses, enfanté l'idée de la liberté politique. C'est en Hollande que Spinoza et Descartes trouvent refuge.
Commenter  J’apprécie          5335
C'est très fort, dans tous les sens du terme !
Je vais prendre cette critique d'un toujours merveilleux Zweig avec ma façon particulière de voir les choses, façon que certains connaissent maintenant.
Nous sommes dans les années 1540, en Suisse.
--La violence, c'est le Ventre, l'intolérance, le dogmatisme, c'est, à mon grand étonnement, le Français réformé Jean Calvin, celui qui a achevé la Réforme initiée par Luther. Il est bien connu.
--La conscience, c'est le Coeur, la tolérance, le respect, c'est l'autre Français réformé Sébastien Castellion, érudit et théologien peu connu, mais plus cultivé et plus fin que Calvin, selon Voltaire.
--« Contre », c'est une guerre à mort entre eux deux, en utilisant « le Cerveau », un outil utile pour faire évoluer l'humanité en avant comme en arrière ; un accélérateur des positions du « Coeur », mais aussi du « Ventre ».

A mort ? Oui. Bien que ce soit une controverse théologique, et que cela, Stefan Zweig nous démontre, avec tout son talent, ses archives, ses émotions, et sa façon captivante de raconter, que cette « guerre intellectuelle » devient progressivement une chasse à mort !
Chasse à mort ? Hélas oui.
Mais attends, Jean Calvin, n'y a t-il pas écrit dans ta Bible : « Tu ne tueras point » ?
Calvin, qui n'admet que SA vérité, ne tolère aucune contestation de ses idées à Genève, théocratie qu'il a bâtie, et dans toute la religion réformée qu'il a structurée. Avec une hypocrisie sans pareil, il va utiliser les mêmes armes que le grand adversaire, l'inquisition catholique que les réformés ont critiquée au départ.
L'allumette qui fait exploser la controverse, c'est le calvaire que Michel Servet subit de la part de Calvin.
Castellion accuse Calvin d'avoir fait brûler vif le théologien réformé Michel Servet pour avoir contesté ses écrits. Passant outre les instances religieuses, et trouvant un motif laïque pour le faire juger civilement, Maître Calvin a réussi à faire brûler Servet pour "écrits hérétiques". Castellion lui adresse un mémoire très respectueux, mais très érudit sur la tolérance : ce n'est pas un crime physique ; il ne s'agit que de controverses théologiques !
Que n'a t-il pas fait là ! Il devient la bête noire de Calvin ( ils sont pourtant de la même religion ), qui n'a de cesse de le harceler jusqu'à sa mort.
.
Certes, Jean Calvin a élevé le protestantisme au rang de religion européenne, mais il est l'instigateur de 58 morts déclarés hérétiques, selon Zweig, … et pire, l'essor de cette Réforme a été à l'origine d'une guerre de religions européenne, une sorte de guerre de Sécession Nord/Sud qui a duré une centaine d'années.

Lisez-le !
le comportement de Jean Calvin, décrit avec précision par Stefan Zweig, rappelle celui des plus célèbres dictateurs.
Mais :
« Il se trouvera toujours un Castellion pour s'insurger contre un Calvin et pour défendre l'indépendance souveraine des opinions contre toutes les formes de la violence. »
Commenter  J’apprécie          5016
L'enragé, le fou et le sage
OU
la (dé)raison.

C'est d'abord l'histoire de trois hommes. Trois hommes aux caractères bien différents - leurs attitudes dans le vie, leurs relations aux autres et leurs actions le sont donc aussi.

Calvin est de ces hommes, souvent très fragiles, qui doivent se renforcer de tout un appareillage de règles, d'interdits et de sanctions pour oser exister. Seul cet exosquelette leur donne la rigidité nécessaire pour tenir debout. Encore faut-il qu'ils ne soient pas trop bousculés par ce qui se passe autour d'eux. C'est ainsi qu'ils se sentent appelés à réglementer
la vie, non seulement la leur, mais aussi celle des autres. Commence alors une surenchère, car la sensibilité aux entorses du règlement qu'ils s'imposent croît avec sa sévérité et avec sa projection à l'extérieur, vers les autres. C'est analogue à ce que l'on voit chez les névrosés obsessionnels : plus ils essayent de controler leurs angoisses , plus celles-ci s'aggravent. Vouloir éteindre un incendie avec de l'essence. Il est de ces hommes qui arrivent à stabiliser cette spirale, et à se maintenir fonctionnels à ce niveau, au prix d'une discipline d'acier. Calvin en est. Et cette discipline, qui semble surtout avoir saisi la dimension spirituelle de son être, ce carcan d'acier, il veut l'imposer à tous. Malheur à qui lui résiste !

Servet, lui aussi, est un homme mû par quelque chose, l'on ne sait pas trop quoi. Toujours est-il qu'il veut exister aux yeux des autres. Il veut qu'on le remarque ! Il aime la provocation, il aime la bagarre, il aime le défi. C'est quelqu'un qui se veut héroïque! Il se voit mener les autres à la vérité, celle que lui seul, ou lui en tout premier, a découvert. de préférence une vérité choquante, révolutionnaire. C'est plus voyant, et tant mieux si c'est plus risqué, donc plus méritoire. Ah, si seulement on le croyait, si seulement on reconnaissait en lui ce génie, ce meneur, ce pionnier qu'il veut être ! ... Si seulement il avait choisi une autre voie que celle des controverses théologiques. Si seulement il n'avait pas défié, encore et toujours, Calvin . Car ce Capitaine Fracasse n'a vraiment pas idée de qui est celui qu'il attaque, et de quoi il est capable. Jusqu'aux dernières heures, il croira pouvoir vaincre, en le provoquant, le toisant et le sermonnant. C'est à peine s'il ne meurt pas étonné.

Castellion n'est ni un homme fragile ni un excité. Un chercheur, calme, posé. Un homme équilibré au milieu d'un monde qui commence à sombrer dans la folie. Il cherche à faire le bien, veut mettre en pratique
ce que ses recherches lui ont appris. Justement, il n'est pas encombré des bagages toxiques que traîne Calvin, et sans doute aussi Servet. Pour lui, l'image divine n'est pas celle d'un tortionnaire - et sa recherche n'est pas un sport de compétition - mais l'image d'un être aimant. Un être qui a choisi de se proposer plutôt que de dominer. de se proposer à l'homme, qui est son chef-d' oeuvre. Humaniste chrétien, c'est avec une horreur croissante qu'il assiste à ce qui prend forme autour de lui. Il fait ce qu'il peut : il écrit, il enseigne. Il dénonce, il défend, et il subit. Non, il ne sera pas exécuté, comme ce Servet qu'il a essayé de défendre : la nature a pris le bourreau de vitesse, le travail et les privations ayant finalement raison de lui, à quarante-huit ans.

Ceci n'est pas un livre qui dénoncerait la religion ou les religions ou une religion. C'est une dénonciation de l'asservissement de l'homme par l'homme. Asservissement opéré par des structures de pouvoir, structures qui, souvent, utilisent l'un ou l'autre système de pensée - idéologie, philosophie ou théologie - pour légitimer leurs actions. Ce n'est guère difficile, ils ont le choix. Et tout système peut se déformer, se pervertir s'il veut servir un pouvoir. Zweig écrit ce livre en 1936, deux ans après avoir fui l'Autriche, anticipant la marée noire qui allait submerger l'Europe. Il est clair qu'il ne pensait pas tant aux oppresseurs du seizième siècle qu'à ceux du vingtième.







Commenter  J’apprécie          426
Conscience contre violence ou Castellion contre Calvin raconte le combat au sommet entre "la mouche et l'éléphant". Dans cette Suisse du 16e siècle, alors que la Réforme protestante se met en marche, Jean Calvin impose sa "bibliocratie" dictatoriale (cf. le traité de théologie Institution de la religion chrétienne, en latin Christianae Religionis Institutio publié en 1536 qui impose la nouvelle doctrine de l'orthodoxie protestante). Dans la ferveur de son fanatisme, Calvin qui ne souffre aucune idéologie différente de la sienne, réduit au silence tout opposant. le plus curieux, nous confie Stefan Zweig, est l'engouement des foules pour le dictateur en puissance : la population est muselée, contrôlée, punie. On ne compte plus les interdictions et les mesures drastiques imposées aux Genevois. Les prisons sont bondées de détenus arbitrairement condamnés (n'est-il pas vrai ainsi que le dit ironiquement Stefan Zweig que : "Réduire au silence les dissidents, ce n'est pas là, pour les dictateurs, excercer une contrainte, c'est agir d'une façon juste et servir une idée supérieure" ? (p.128). Malgré ces règlements drastiques et liberticides imposés au nom de la religion, les rênes du pouvoir sont tout de même confiés à Calvin qui se livre à la pire tyrannie théocratique. La soumission de l'État et des notables de Genêve en témoigne. Les courageux qui ont osé prostesté contre Maître Calvin sont tous réduits au silence. Les quelques sages dont l'honorable Érasme, qui choisissent de taire leur voix pour détourner l'attention de leurs travaux non moins critiques, n'inquiètent nullement le fervent défenseur de la "justice religieuse". Pour la nature foncièrement pacifiste de Sébastien Castellion, c'en est pourtant trop lorsque Calvin envoie au bûcher Michel de Servet au nom de Dieu : est-ce acceptable qu'un homme puisse être condamné à mort par l'État pour un débat théologique ? La réponse est clairement non. Pressantant une catastrophique confusion entre politique et religion ainsi que de nouveaux meurtres injustifiés, Castellion qui défend l'idée que : "Chercher la vérité et la dire, telle qu'on la pense, n'est jamais criminel. On ne saurait imposer à personne une conviction. Les convictions sont libres" (p.123), abandonne alors ses paisibles travaux de traduction de la Bible et s'engage à contrecoeur dans une âpre lutte au nom de la liberté de conscience et de la tolérance...

Comment ne pas adhérer à cette évidente déclaration de Castellion : "Tuer un homme, ce n'est pas défendre une doctrine, c'est tuer un homme. Quand les Genevois ont fait périr Servet, ils ne défendaient pas une doctrine ; ils tuaient un être humain ; on ne prouve pas sa foi en brûlant un homme, mais en se faisant brûler pour elle." (p.157) ? Lorsqu'il se décide enfin à se dresser contre le despotique Calvin, c'est à un "monstre sacré" que s'attaque Castellion. Tant pis, il sait qu'il prend le risque de mourir en martyr mais il désormais est le seul à pouvoir mener ce combat magnifiquement rapporté par Stefan Zweig. A travers la lecture de ce précieux document à mi-chemin entre l'essai polémique et le roman historique, c'est à un véritable tournant de l'histoire de la Réforme protestante que l'on asssiste. Publié en 1936 alors que l'Allemagne nazie est en pleine expansion, ce livre que l'éditeur considère comme un "texte prémonitoire", traduirait-il l'inquiétude de Zweig face à la montée du fascisme ? Il semblerait pour certains que ce soit le cas. Quoiqu'il en soit, Conscience contre violence délivre un message qui ne manque pas de pertinence même de nos jours. Et c'est justement parce qu'il dépasse le cadre purement historique, que ce texte est intemporel...

Lire la suite sur les Embuscades littéraires d'Alcapone
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
Commenter  J’apprécie          290
Voilà un livre choc, qui laisse sans voix. Très bien écrit, puisque l'auteur en est Stefan Zweig et qu'on ne présente plus sa plume, le livre se lit comme une enquête, un thriller juridique (mais avec les bûchers en plus) et intemporel, puisque la violence a, malheureusement, pauvres de nous, toujours raison, et que la voix de la conscience, défendant la liberté de penser est vite écrasée.

Nous sommes ici au début du 16è siècle et Calvin dirige Genève d'une main de fer. Les premiers chapitres décrivent avec brio la personnalité de Calvin vu par Zweig, et son ascension au pouvoir. Sincère mais despotique, il veut le meilleur pour sa ville, et tout le monde surveille tout le monde pour vivre dans le droit chemin. Surgit Servet, un illuminé, qui réfute le dogme chrétien de la Trinité. Fuyant l'Inquisition catholique, il tente de se réfugier à Genève mais son comportement est tel qu'il en sera chassé. Convaincu d'avoir trouvé la vraie doctrine, il multiplie les provocations, monte une imprimerie clandestine, vit sous un faux nom et cherche à publier ses écrits. Calvin essaie tout d'abord de le dénoncer à l'Inquisition catholique, mais Servet, par bravade ou pour une autre raison inexpliquée, revient à Genève et provoque Calvin jusque dans son église ! C'en est trop pour ce dernier qui va le faire arrêter, condamner pour hérésie, et brûler vivant en place publique.

Entre en scène Castellion, qui s'était fait discret, réfugié à Zurich, après avoir été chassé de Genève des années auparavant par Calvin. Castellion est un érudit, discret, humaniste. Il fait publier un « traité des hérétiques » sous un nom d'emprunt, dénonçant les crimes commis à leur encontre, suivit de près par le texte « Contra libellum Calvini », dans lequel il inculpe Jean Calvin de meurtre commis sur la personne de Michel Servet. Un chapitre entier y est consacré, présentant les arguments de Castellion point par point. Castellion y met Calvin dans l'impossibilité de justifier son acte en invoquant un ordre supérieur, émanant de Dieu : pour lui, il n'y a pas de commandement divin ou chrétien qui ordonne la mort d'un homme. « Tuer un homme, ce n'est pas défendre une doctrine, c'est tuer un homme. »

Mais, comme le dit Castellion lui-même dans son pamphlet, il n'est que « le moucheron contre l'éléphant », et la répression sera terrible, il sera poursuivi, insulté, et très vite accusé d'hérésie du fait de son amitié avec un ancien anabaptiste. Il meurt cependant subitement avant que l'étau ne se referme sur lui.

Bien sûr, le livre est beaucoup mieux écrit et plus complet que ce que je ne vous raconte ici. Zweig distingue beaucoup mieux les subtilités entre le pouvoir religieux et le pouvoir temporel dont dispose Calvin à Genève, ainsi que le fait Castellion lui-même dans ses écrits. Zweig maîtrise également beaucoup mieux les différentes doctrines (Luther, Calvin, prédestination, anabaptisme, Inquisition catholique et d'autres encore) dont il est question dans le livre.

Son propos est de souligner combien un doctrinaire, même habité des meilleures intentions du monde, peut en venir à oublier toute humanité quand il détient le pouvoir et que l'on ne pense pas comme lui.

Castellion écrira : "Je ne vous envie ni votre force ni vos armes. J'en ai d'autres, la vérité, le sentiment de la justice, et le nom de celui qui me vient en aide et m'accordera sa grâce. Même opprimée pour un certain temps par ce juge aveugle qu'est le monde, la vérité ne reconnaît aucune force au-dessus d'elle. Laissons de côté le jugement d'un monde qui a tué le Christ, ne nous soucions pas de son tribunal, devant lequel seule triomphe la cause de la violence. le véritable royaume de Dieu n'est pas de ce monde."

Commenter  J’apprécie          100
CALVIN : ÉNERGIQUE ET ARDENT JUSQU'À L'INTOLÉRANCE.
Après avoir réglé ses comptes avec Luther par Erasme interposé, Zweig s'attaque ici à Calvin. L'humaniste tolérant n'admet pas la dictature dogmatique de ce dernier. En effet, toutes les vérités, mais surtout celles qui enseignent les religions sont discutables et obscures. Quel est le vrai christianisme ? Entre les différentes interprétations de la parole de Dieu, quelle est la bonne ? C'est pur orgueil que de se figurer posséder la certitude sur des choses dont au fond nous ne savons rien. Déjà depuis le concile de Nicée la position de la Trinité divine avait été discutée ; mais quand Michel SERVET défend la théorie selon laquelle Jésus ne procède que du Père sans intervention du Saint Esprit, Calvin le déclare hérétique et le fait brûler vif. Or, Castellion, théologien, défend lui le droit à l'opinion personnelle en matière de foi dans la nouvelle Église réformée, et attaque violemment Calvin pour sa dictature théocratique : « Tuer un homme, ce n'est pas défendre une doctrine, c'est tuer un homme ». Et d'ailleurs, il met en contradiction Calvin lui-même qui avait écrit à ses débuts : « Il est criminel de tuer les hérétiques, que les faire périr par le faire et par le feu, c'est renier tout principe d'humanité »
Le livre décrit la lutte acharnée des deux hommes, dans une Genève triste, austère et qui vit sous la crainte de Dieu. Heureusement, l'Europe du Nord où le protestantisme va diffuser, a redécouvert Castellion sous l'influence de Descartes et Spinoza ; elle s'est peu soumise à la rigoureuse discipline calviniste et va laisser triompher le progrès et le génie créateur : luxuriante architecture, musique, fêtes, érotisme délicat et raffinement. Cette biographie est un hymne au principe de l'indépendance souveraine des opinions contre toutes les formes de la violence. À méditer, surtout en ce moment.
Commenter  J’apprécie          100
Conscience contre violence, tolérance contre dogmatisme, humanisme contre fanatisme . . . Castellion contre Calvin.
Magnifique ouvrage encore de Stephan Zweig, passionné, comme à son habitude, dans ce plaidoyer à l'humanisme, la tolérance et la liberté de conscience et aussi dans cette réhabilitation de la mémoire de Sébastien Castellion.
Castellion qui osa affronter au péril de sa vie le fanatique Calvin pour tenter de maintenir allumer les quelques chandelles de l'humanisme qui commençaient à briller au fin fond de l'obscurité de cette fin de moyen âge. Il tenta de raisonner cet homme qui dans sa jeunesse parlait de tolérance et de liberté alors qu'il fuyait les bûchers de l'inquisition catholique et qui maintenant allumait lui-même les bûchers pour y faire brûler tous ces opposants.
C'est un livre intemporel, il était d'une grande actualité au moment où il fut édité, en 1936, il ne l'est pas moins aujourd'hui, et le sera malheureusement encore pour longtemps.
68 lecteurs jusqu'à présent, c'est peu . . .
Commenter  J’apprécie          90
Stefan Zweig nous livre avec ce récit un plaidoyer indispensable pour la liberté de conscience et la tolérance. L'exemple de Sébastien Castellion, se dressant seul contre la haine féroce de Jean Calvin envers tout contradicteur, sert de précédent et nous rappelle à notre devoir de vigilance. L'auteur en effet de manque pas de généraliser, procédé qui pourrait sembler abusif si chacun d'entre nous n'avait à sa disposition tant d'autres tristes exemples de la réalité de ses propos. Un écrit qui, je le crains, sera malheureusement encore d'actualité pour de nombreuses années.
Commenter  J’apprécie          70
D'emblée, Stefan Zweig nous fait approcher l'universel, la lutte perpétuelle entre le pouvoir enfermé dans son autoritarisme et la non-violence revendiquant son libre arbitre : "Même la plus pure vérité, quand on l'impose par la violence, devient un péché contre l'esprit".

Comment, par excès de zèle, la Réforme protestante est-elle passée en si peu de temps de Luther à Calvin ? Comment, au nom d'une croyance, peut-on basculer insidieusement dans l'intolérance, la haine et la violence la plus abjecte ? le lecteur du XXIe siècle ne peut pas ne pas faire de rapprochement entre le comportement d'autocrates ou chefs religieux contemporains avec celui de Calvin, tel que décrit par Zweig. Ce livre est d'une très prégnante actualité.

Ce n'est pas la religion qui est ici critiquée, mais les débordements qu'elle entraîne lorsque, se revendiquant d'elle, on tue de sang froid ceux qui avancent une interprétation qui n'est pas dans "la ligne du parti", comme si chaque point de vue individuel sur la religion n'était pas un des innombrables reflets de la nature divine (pourtant à jamais inconnaissable) et comme si, soudain au XVIe siècle, l'exégèse biblique avait été à jamais vitrifiée !

Ce livre de Zweig pourrait assombrir un peu plus encore ceux qui ont une opinion pessimiste de l'évolution du monde car si du temps de Calvin on tuait pour délit d'opinion, on tue encore aujourd'hui à partir de pseudo-justifications analogues. Tout au contraire, l'auteur affirme le caractère provisoire des dictatures spirituelles qui "[...] ne peuvent jamais conserver longtemps leur radicalisme absolu, et ce n'est la plupart du temps qu'une seule génération qui a à supporter leur douloureuse oppression." Acceptons-en l'augure !
Commenter  J’apprécie          70




Lecteurs (494) Voir plus



Quiz Voir plus

Le joueur d'échec de Zweig

Quel est le nom du champion du monde d'échecs ?

Santovik
Czentovick
Czentovic
Zenovic

9 questions
1884 lecteurs ont répondu
Thème : Le Joueur d'échecs de Stefan ZweigCréer un quiz sur ce livre

{* *}