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Critiques filtrées sur 3 étoiles  

Nous sommes en 1941. Stephan Zweig, désespéré de l'homme et du monde, dévasté par un nouvel exil, joue une fois de plus son rôle d'écrivain : témoin et penseur se retournant sur son histoire et l'histoire de ce siècle . Ce livre se partage entre l' autobiographie à orientation littéraro-intellectuelle, et un témoignage historique. On sent dès le début que c'est un cri désespéré.

La première moitié du livre est consacrée au tournant XIXème-XXème siècle , cet avant guerre insouciant. de Vienne, à la fois libérale et puritaine, Zweig, jeune homme précocement brillant et descendant d'un bourgeoisie plus qu'aisée, voyage sans limites à travers l'Europe et le monde, tisse des amitiés artistiques dans toutes les capitales... jusqu'à l'assassinat de Louis- Ferdinand et au déclenchement de la 1ere guerre mondiale, où, citoyen européen qui commence à être reconnu en tant qu'auteur, il se retrouve l'un des seuls à prôner un pacifisme résolu, attaché à sa « liberté intérieure ».

C'est un récit à la fois fort instructif, élégant et très maîtrisé , les différences de mentalités entre les capitales sont finement analysées, Zweig décrit de belles figures d'amis artistes. Par contre absence totale de femmes, on est là pour parler de choses sérieuses...
J'ai également été gênée par une vision du monde tout à fait biaisée par sa situation privilégiée, ignorant tout du sort des moins favorisés (les ouvriers étaient bienheureux en ces temps où l'on avait réduit leur temps de travail, explique-t'il) et l'impression que tous les citoyens partagent, et son bonheur, et ses points de vue. Comme s'il régnait une fraternité universelle, comme si la notion de nationalisme n'avait émergé que le jour de la déclaration de guerre, pour mieux exploser dans les décennies suivantes. Cette « naïveté » explique sans doute sa surprise à découvrir les excès de la haine et les enthousiasmes belliqueux.

Dans l'après-guerre, les blessures du traité de Versailles qu'on croit enterrées, la misère et la famine jugulées, l'inflation maîtrisée, s'installe un temps que Zweig veut croire serein.
Il y connaît un succès planétaire, fréquente les grands de ce monde en matière de pensée et d'art, sa collection d'autographe trouve un essor éblouissant, dans le temps-même où le festival de Salzbourg s'épanouit. Quelques confrontations avec les chemises noires mussoliniennes, lui mettent la puce à l'oreille, mais son ingénuité est toujours là, ce sont des temps heureux. Là encore il semble curieusement croire que cette plénitude est commune à tous.

Ce n'est que peu à peu qu'émergent Hitler et ses sbires, « dressés à l'attaque, à la violence et à la terreur », sans trop attirer l'attention. Puis, brutalement, les interdictions aux Juifs, les brimades, et pour Zweig, le choix de l'exil d'où il sera confronté aux tentatives de conciliation qui n'empêcheront pas la déclaration de guerre. C'est la fin des choix, la perte d'une nationalité, l'effroyable statut d'apatride, puis d'étranger ennemi. Là encore une certaine ingénuité, l'idée qu'en Amérique du Sud, loin de l'Europe explosée, un monde meilleur de tolérance est possible.

Témoignage et réflexion sur un monde en mutation qui perd une certaine innocence et qui court à sa perte, on ne doit pas attendre de [b]Le monde d'hier[/b] une objectivité historique ; c'est le regard désespéré d'un homme des plus choyés, naufragé au sein d'un monde en perdition. On découvre cet homme et sa vision de l'histoire des quarante premières années du XXème siècle. Car Stefan Zweig a choisi de s'épargner de voir la suite.
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Stefan Zweig présente ici sa vision de l'Europe au début du 20 ème siècle. Je dis sa vision car c'est celle d'un bourgeois aisé, cultivé, parlant plusieurs langues et ayant grâce à cela des contacts avec de nombreuses personnes importantes telles von Rathenau ou Romain Rolland.
A vrai dire, autant j'aime ses fictions, autant j'ai un peu de mal à apprécier l'homme. Bien sûr c'est un pacifiste qui ne crie pas avec les loups mais il ne semble pas si concerné par le sort des Juifs.
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Tout d'abord quel témoignage historique !
Je conçois que l'on soit agacé par la nostalgie qui traverse tout le livre, mais enfin si la nostalgie est bien plus souvent une sensibilité qu'une réalité, je lui donne entièrement une valeur de réalité au vu de la période historique relatée...
Après que ce soit clair : c'est le témoignage d'un intellectuel évoluant dans un certain cercle.
Quoi qu'il en soit je trouve ce livre important à lire. Pour des raisons historiques évidentes mais aussi sociologiques et politiques, pour se rendre compte de ce que pouvait vouloir dire, à cette époque, la liberté individuelle, l'Europe, le sentiment révolutionnaire... Et aussi à l'inverse pour d'autres idées qui nous apparaissent modernes et qui, pourtant, sont déjà bien présentes.
Ce livre m'a beaucoup interrogé, c'est là un des meilleurs compliments que je puisse faire.
Si il est vrai que je préfère le témoin à l'homme lui-même, et que parfois son côté "mondain" et "fan" a pu m'ennuyer, il en résulte des passages savoureux, mais je vous laisse découvrir, par vous-même, toutes les personnalités qu'il nous fait côtoyer.
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Ce livre est une véritable mine d'information plus ou moins pertinentes.

Livre lu en plusieurs fois, le récit de la vie et de l'époque de Zweig est vraiment dense. Je ne regrette pas cette lecture, même si beaucoup de passages étaient longs. J'en tire de la culture que les manuels d'Histoire ne m'ont jamais transmis.

Je pense que certains extraits mériteraient d'être étudiés en cours, car ce témoignage est celui d'un bourgeois cultivé ayant vécu deux guerres et deux périodes de paix.
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Voici un livre de souvenirs de la Vienne d'avant 1914, d'un monde plus civilisé, plus humain, évoqué avec nostalgie par celui qui doit lui survivre en une époque plus barbare et plus violente, celle des années 30. Le livre abonde en anecdotes curieuses et amusantes, et propose au lecteur une sorte de voyage dans le temps, dans ce qui fut une des plus brillantes capitales du monde civilisé de l'ancienne Europe. Le point de vue, bien sûr, est exclusivement celui d'un grand bourgeois qui n'a qu'à jouir de la vie sans se poser trop de questions, mais on se souviendra que "la Belle époque" n'a pas été belle pour tout le monde.
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Jorge Luis Borges, disait que « ce qui importe ce n'est pas de lire mais de relire ». C'est en relisant Le monde d'hier, ce grand roman d'un des romanciers préférés de ma jeunesse que je me rends compte de la pertinence de cet aphorisme.
Jeune, m'avait sans doute échappé à quel point la vie de Zweig est un aboutissement, une œuvre en elle-même : pas seulement parce qu'il l'a mise en mots de cette si remarquable manière qu'on lui connaît dans ses romans, nouvelles et biographies, mais aussi parce qu'il a, dit-il, assemblé autour de lui, objets, archives, toute une société de femmes et d’hommes qui font de son sillage un parcours au musée vivant de la culture savante de son siècle… Mais d’une culture bien spécifique en réalité, celle d’une élite qui partagea sa vision, la volonté d’un monde unifié autour d’une conscience universelle, d’une culture humaniste au plus noble sens du terme certes, emprunte d’un cosmopolitisme ouvert, il est vrai, mais également sans réelle attache… et dont Zweig ne perçoit pas, me semble-t-il, qu’il est la face polie (dans les deux sens du terme) d’un Janus qui masque un côté bien plus obscur : cet universalisme culturel n’est-il pas l’étendard d’une autre entreprise, d'uniformisation ? d’un impérialisme, que l’on renomme aujourd’hui mondialisation, aussi bien culturel que plus encore économique ? N’est-il pas la vitrine brillante, ô combien, mais derrière laquelle on trouve, si l’on veut s’y intéresser, des coulisses sociales aux bienfaits nettement moins universels, c’est-à-dire partagés ? La maison que Zweig n’habite pas, ou plutôt celles qu’il habite partout où il est chez lui n’est-elle pas l’étage prétendument moderne et progressiste d’un immeuble bourgeois dont la cave est pleine de créatures dont l’humanité est déniée par la misère subie, l’enracinement forcé, lui, par les chaines de servitude ? Ce monde d’hier qui nous est présenté comme un monde de sécurité, même si l'on dit que rien n’est plus important que la liberté, n’est-il pas que la sphère privilégiée dans laquelle une élite seule peut confortablement se prélasser, voyager/se déplacer, collectionner/accumuler, jouir/profiter, (ap)prendre : « ainsi les années se passaient à voyager, à apprendre, à lire, à collectionner et à jouir » nous dit-il, avant qu’advienne la guerre, par deux fois, et plus encore le mal incarné en la personne d’Hitler. S’il a l’honnêteté de voir dans la crise sociale plus encore que dans l’esprit de revanche le terreau du succès d'Hitler, s’il souligne même (presque plus que certains de ses plus éminents biographes comme Ian Kershaw) le soutien que les puissances financières (et donc de la bourgeoisie industrielle) ont apporté au parti national socialiste, il n’en reste pas moins qu’il n’arrive jamais à voir, pas même à questionner à quel point son propre mode de vie a participé d’une injustice profonde, d’un sociocentrisme exacerbé. Son enthousiasme pour les accords de Munich, qu’il reconnaît fort honnêtement, n’est pas celui du monde d’hier mais celui d’une élite qui laissa le champs libre à Hitler et aux nazis pour que la révolte sociale ne gagne pas (ce que Zweig se garde de dire, ce qu’il ne peut sans doute même pas voir - car il n’y a pas à douter un seul petit instant qu’il soit de complaisance avec le nazisme – parce que son élitisme bourgeois ne lui permet pas un instant non plus de comprendre les enjeux véritables, la raison profonde et même le lien fondamental qui existe entre ce nazisme honni et le capitalisme qu'il sert. Ce capitalisme n'est rien d'autre que la face obscur de l’universalisme culturel que Zweig défend à tout crin sauf que des deux faces, c’est la face des privilèges matériels qui doit être préservée coûte que coûte et qu’à faire alliance avec des brutes, la grande bourgeoisie a pu sauver l’argenterie mais s’est vue privée de sa liberté d’expression, de création, voire de circulation (et dans ses rangs certaines de ses plus grandes figures au motifs qu'elles n'avaient pas le sang pur). Mais la montée des fascismes n’est pas l’effondrement de la culture face à la barbarie des classes populaires étouffées par l’inflation et le désir de vengeance, non : la montée du nazisme et des fascismes a été savamment soutenue pour que l’ordre ancien, l’ancien monde justement, persiste face au péril communisme.

Ce vagabondage oisif, qui fait du monde entier sa patrie au nom de sa liberté toute personnelle, toute individuelle (ah le bon temps où l’on – les bourgeois bien sûr – voyageait sans visa), cette mise au ban systématique de la « violence », depuis la guerre (ce qui s’entend non parce qu’elle est le fait de patriotes, mais au contraire parce qu’elle est souvent faite pour la défense d’intérêts privés « on croit mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels ») mais même dans la part que l’effort physique (dans le sport comme dans le travail) peut en contenir, et évidemment, plus problématique, jusqu’à la résistance (tout à fait utile aux dominants), de même que ce regard porté de haut (sans, il est vrai, qu’il soit jamais méprisant) pour les valeurs communes du « brave peuple » (pour les cultures populaires ; qu’elle soient russes ou allemandes (plus rarement françaises ou américaines par on ne sait quelle distorsion de l’esprit, à moins que ce ne soit le signe que, déjà dans ces pays, règne plutôt des cultures de masse, travaillées par l’industrielle culturelle, que d’authentiques cultures populaires moins « marchandisées ») et la recherche systématique de la compagnie d’une aristocratie culturelle, et souvent fortunée, éparpillée aux quatre coins du monde, cet attrait pour la nouveauté, l’avant-garde, cette logique portée à l’efficacité jusque dans l’envie d’épurer les grands classiques de ce qu’il considère comme du superflu, des longueurs inutiles, ce jugement du monde, en somme, à l’aune d’un « soi » qui n’a plus d’ancrage local mais qui, d’où qu’il soit, déverse des flots d’encres pour dire le vrai sur le beau, le juste, le bon, et le faire savoir dans toutes les langues, par-delà toutes les mers et s’émerveiller par là-même du dépassement de soi, n’est-il pas précisément un des maux qui a rongé ce « monde d’hier » : celui d’un universalisme qui fut aussi une entreprise d’uniformisation, comme en témoigne ses mots sur le Brésil, terre à européaniser, culturellement bien sûr… (on mesure là, entre autres, à quel point le projet d’un Reich dominant le monde et le faisant marcher au pas et en uniforme n’est qu’une version caricaturale de cet impérialisme capitaliste petit bourgeois enrubanné d’une culture savante et raffinée ; une créature grossière qui a échappé à ses concepteurs). Ce monde d’hier, a-t-il disparu ?
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Cet ouvrage à mi-chemin entre l'essai sur un univers perdu et les mémoires d'un homme exceptionnel porte bien son titre. le Monde d'hier a été écrit par l'auteur autrichien Stefan Zweig à la fin des années 1930, alors que de son exil il observait une Europe plongeant dans le chaos. L'écrivain porte un regard à la fois nostalgique et amer sur la Belle époque, ses années de jeunesse à Vienne, ses rencontres avec les plus grands artistes européens de l'époque (de Rodin à Freud) mais aussi les erreurs qui de la Première guerre mondiale ont mené à la seconde…

Ce texte maîtrisé n'est pas une autobiographie. C'est l'évocation, en quelque sorte l'adieu, entre analyse et souvenir, que fait Stefan Zweig à ce monde qui fut le sien et qui n'existait déjà plus lorsqu'il s'est appliqué à le décrire.

Un ouvrage fort, pas toujours facile ou agréable à lire.
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J'ai fini le monde d'Hier récemment, après 5 mois.

J'ai d'abord adoré la description de l'Autriche et l'Allemagne et la vie dans les années fin 1800, début 1900....la culture avait une place très importante à l'époque et on découvre vraiment un autre style de vie à travers la plume de Zweig. de manière générale, tout au long du roman c'est passionnant de suivre l'évolution du monde et les deux Guerres Mondiales....il s'attarde un peu moins sur la 2e mais le roman a été écrit en plein pendant.

Par contre j'ai été agacé par plusieurs choses: je trouve que Zweig décrit une ancienne vie qu'il trouve parfaite mais il faut dire qu'il a eu de la chance dans la vie! Bonne famille plutôt aisée, cultivée, il évoluait dans la meilleure société de l'époque.

Ensuite reproche injuste mais Zweig a été ami avec les plus grands écrivains, poètes, peintres etc de l'époque et j'ai trouvé ce déballage d'amitié parfois inintéressant. C'est toujours "je rencontrai machin par l'intermédiaire de truc et dès lors s'installa une amitié des plus intimes" etc etc

Le style est parfois un peu lourd, moins fluide que dans ses nouvelles, avec des phrases à rallonge du genre "comment aurais-je pu alors même que blablabla, et que truc faisait ci, au moment où machinbidule, me rendre compte que blablabla, alors que je n'étais qu'un...., encore jeune et innocent?"

j'ai aussi été étonnée de voir que ses femmes ne sont mentionnées que deux fois dans le roman, et très brièvement! Quand il raconte, on a l'impression qu'il a tout vécu seul, alors qu'il était souvent accompagné et soutenu, il aurait pu le mentionner.

Voilà, avis mitigé donc, j'ai du mal à bien expliquer, ce post est un peu décousu, le mieux c'est de le lire pour se faire sa propre opinion, car ça reste un témoignage très interessant
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J'avais opté pour les mémoires de Schnitzler (Une jeunesse Viennoise) avant mon séjour à Vienne, j'aurais pu lire aussi le Monde d'Hier, où Stefan Zweig décrit bien cette société idéale des amis, dans les cafés. C'est vraiment quelque chose qui donne à rêver. Zweig donne vie, avec beaucoup d'amour, à ces portraits de gens de lettres, Rilke entre tous. Cependant tout cela tourne comme on le sait au tragique, et là Zweig s'ingénie à faire le prof d'histoire, et ― je crois que je préfères ses fictions ― le livre tendait à me tomber des mains. On sent Zweig dépassé par son sujet, ça se comprend, mais il n'est pas sans l'aborder avec une certaine grandiloquence dont il finit par faire étalage plus que de son amitié.
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