J'ai un penchant pour les livres des auteurs tombés en disgrâce, ceux qui ont connu leur heure de gloire, et puis ont disparu comme un astre qui se retrouve rapidement à des années-lumière de l'air du temps. A cette catégorie appartient
Michel de Saint Pierre, auteur à succès des an-nées d'après-guerre. Son roman «
Laurent » date de 1980. Il décrit assez justement le fossé qui s'est creusé, après l'euphorie de mai 68, entre la jeunesse et ses aînés. Les jeunes qui ont cru à l'utopie de 68 ont vite compris que le réalisme l'emporterait et que malgré les slogans libertaires ils retomberaient dans les réalités triviales auxquelles ils voulaient échapper : le mariage, les enfants, un emploi stable, pas d'écarts par rapport à la norme sociale, et autres vieilles lunes de leurs parents.
Laurent de Balivière est issu d'une famille aristocratique, avec un père poète qui réussit l'exploit de vivre (confortablement) de sa poésie.
Laurent connait sa crise existentielle, tout comme ses camarades de fac. Les femmes lui semblent secondaires par rapport à sa quête d'absolu. Il a parfois des conversations avec son père, attaché aux valeurs traditionnelles, qui cherche malgré tout à comprendre la « jeunesse » actuelle. Il n'y a même pas d'opposition entre ces deux points de vue, simplement ils ne rejoignent quasiment jamais, ils évoluent dans des univers qui ne se touchent pas. le roman (si on peut l'appeler ainsi, vu l'absence presque totale d'intrigue) cerne bien les univers des uns et des autres, et se conclut par une fin assez peu vraisemblable qu'on ne dévoilera pas. le livre vaut surtout par la description des échanges entre d'une part le père et le fils, mais aussi entre les camarades de fac et leurs intrigues amoureuses. Donc un livre bien daté, mais pas inintéressant. A lire si l'on s'intéresse à l'histoire des moeurs et des idées en France dans cette fin de XXème siècle.