Ce livre a eu du succès dans les années 20, si l'on veut bien en croire l'éditeur, mais force est de constater qu'il a pas mal vieilli. Selon les chapitres, j'ai oscillé entre "charme suranné" et "quand même très chiant". Mais cela valait la peine de s'y coller puisqu'on trouve à la toute fin de ce roman une métalepse narrative ontologique particulièrement chiadée. Pour ceux qui ne lisent pas le Genette dans le texte (moi, j'ai triché, je suis allée sur Google traduction), voilà-t-y pas que notre héros très peu héros, largué à la fois par une mère décédée, une fiancée volage, une ex-future-maîtresse fatiguée d'attendre et un best friend forever beaucoup moins disponible depuis qu'il découvre les joies de la paternité, décide devant ce désastre d'en finir avec l'existence. Encore un peu hésitant, il vient demander conseil au plus grand auteur espagnol contemporain, qui n'est autre, évidemment, que celui-là même qui écrit le roman dont il est le principal personnage.
Ah ben dites-donc. Notre héros si peu héros est donc bien un héros de roman.
Dès lors, Augusto Pérez peut-il se suicider ? Ou sa mort ne sera-t-elle que le meurtre voulu et opéré par son créateur? Mais d'ailleurs peut-il mourir s'il est une idée (car les idées ne meurent pas, c'est bien connu)? Et était-ce un si bon choix que d'appeler son chien Orphée (Orphée qui, rappelons-le, n'a pas été fichu de ressusciter Eurydice)?
Être ou ne pas être, that is the question.
Inutile de rigoler. Avant de tirer sa révérence, Augusto nous maudit, genre le grand maître Jacques de Molay droit dans ses bottes sur son bûcher: tous les lecteurs qui se repaissent de ses souffrances, oui tous, mourront eux aussi. Et Miguel de Unamuno aussi, comme de juste.
"Le plus troublant de la métalepse est bien dans cette hypothèse inacceptable et insistante, que l'extradiégétique est peut-être toujours déjà diégétique, et que le narrateur et ses narrataires, c'est-à-dire vous et moi, appartenons peut-être encore à quelque récit. ", qu'y disait Genette.
Traduction: Unamuno est mort, pas mal de ses lecteurs aussi, et moi-même je ne me sens pas très bien (j'aurais peut-être pas dû me laisser refiler de l'Astrazeneca). Alors, chers amis babeliotes, écoutez-moi pour ce qui sera peut-être mon dernier billet: NE lisez PAS ce roman.
Ou alors, hein, d'accord, mais je vous aurai prévenus.
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Pourquoi le diminutif est-il une marque de tendresse? se disait Auguste en s'acheminant vers son logis. Serait-ce que l'amour rapetisse la chose aimée?
Dis-moi, quelle nécessité y a-t-il à l'existence de Dieu, du monde et de tout ? Pourquoi doit-il y avoir quelque chose ? Ne crois-tu pas que cette idée de nécessité n'est que la forme suprême que prend le hasard dans nos esprits ?
Vidéo de Miguel de Unamuno