Même au XIXè siècle, lorsque les missionnaires anglais vinrent coloniser religieusement Madagascar, le malgache leur résista:
altar (anglais) = alitara (malagache) = l'autel
pulpit = polpitra = la chaire
anthem = antema = le cantique
school = sekoly = l'école
book = boky = le livre
pen = pénina = la plume
En ce temps là, le malgache travaillait si intelligemment les mots étrangers que l'anglais rabbit, lapin, parut inadmissible tel quel: ra marque le respect en malgache. Au lieu de rabitro, rabbit devient bitro (avec la chute de ce fâcheux ra de respect).
La même situation, vous la retrouverez à l'autre extrémité du monde malais, dans les îles de la Sonde, soumises elles aussi, et successivement, aux influences indienne, musulmane, européennes (portugaise, espagnole, hollandaise, anglaise et, plus récemment, yanquie). En dépit du statut colonial, le malais, jusqu'à ces dernières années, gardait sa force: soldat s'y disait serdattu; violon, biola; religieux (un père), paderi; soulier, sepatu (de sabado); la semaine et le dimanche, minggu (de domingo); un général, djenderal; une chambre, kamer (du néerlandais kammer). Malheureusement, depuis le XXe siècle, tout le vocabulaire économique, technique et scientifique, introduit par des pédants ou de mauvais journalistes, est plaqué tel quel sur le malais. Tout au plus essaie-t-on d'aménager les désinences: nos mots en -tion, deviennent là-bas des mots en -si (édition, edisi; insémination, inseminasi; délégation, delegasi) et nos mots en -logie, des mots en -logi. Cet afflux massif du vocabulaire va quand même gâcher l'esthétique de la langue malaise, et d'autant plus gravement que le malais ni le malgache ne sont plus défendus par un alphabet étranger au nôtre. Jadis condamné à l'alphabet arabe, ils ont dû adopter ensuite l'alphabet latin, de telle sorte que toute le vocabulaire de la civilisation occidentale pénètre chez eux avec son alphabet.
Dans son traité sur Le Langage, Joseph Vendryès affirme que "les langues techniques sont dues à la nécessité de désigner des objets ou des notions qui n'ont pas de nom dans l'usage courant, mais elles répondent aussi au besoin de désigner scientifiquement, c'est-à-dire par un terme plus précis, excluant toute équivoque, des objets que désigne fort bien la langue ordinaire; tels les physiciens quand ils parlent de masse, de vitesse, ou de force". Le vocabulaire des sciences se composerait par conséquent de néologismes, et de mots du langage commun mais dont le champ sémantique est modifié; étendu, rétréci ou renouvelé. Tout cela est incontestable, et de peu d'intérêt.
Etiemble
Bernard PIVOT s'entretient avec
ETIEMBLE qui le reçoit dans sa
bibliothèque, dans sa maison de la Beauce. Il se définit comme un "emmerdeur" ce qui est pour lui l'éthique de l'écrivain, ayant un certain nombre de valeurs sur lesquelles il ne transige pas : la
justice et la vérité, même si pour cela il doit lutter contre les
médias. Il s'est fait un certain nombre d'ennemis en tant que...