Chaque petit français naît avec la certitude héritée de trois siècles que la terre entière lui envie ses artistes et ses penseurs, presque autant que ses bassines à frites.
Tout commence en mars 1954, avec la parution de Bonjour Tristesse. Comme souvent en histoire, l'événement, à chaud, échappe. En ce temps-là, les livres ne sont pas emballés, comme maintenant, dans des images pour boîtes de fruits confits. La couverture de Julliard est rayée vert et noir, les couleurs d'Alceste. Elle n'a pas la notoriété des liserés rouges de Gallimard. Quant au titre, les malins d'aujourd'hui qui se font fort de fabriquer des succès sous vide le déconseilleraient à coup sûr : la tristesse, pas vendeur, ça, coco !
Le vrai courage, c'est de voyager au bout de soi-même !
En 1957, l'accidentée extrémisée s'était demandé ce que ça lui ferait de disparaître. Elle n'avait pas peur. Elle était seulement vexée que la mer continue sans elle à lécher le sable, de son bouillonnement tranquille. L'agacement de devoir quitter la salle de cinéma avant la fin du film...
La compassion est la fierté des faibles !
Le monde n'en a rien su, mais une centaine de témoins ont vu, un matin de l'été 36, ce signe des temps : le droit de propriété et le Dieu de l'Occident bafoués par des campeurs, sur un air de tango !
Cela se passait le 20 juillet, à la Landriais, près de Dinard. La procession annuelle du saint sacrement descendait la pelouse des Saint-Aubert, dont le parc domine la Rance. Le cortège abordait le pré Noiraude, du nom d'une vache primée aux comices, quand le curé doyen perdit l'équilibre. L'ostensoir qu'il serrait contre sa chape dorée tangua dans le soleil et glissa à terre. Un "Oh !" de stupeur interrompit le cantique "Catholiques et français, toujours". Souliers vernis et sabots cessèrent de racler le gravier, ratissé de frais. On se regarda dans l'attente d'un geste qui dénouât l'angoisse de tous...
(extrait du chapitre I)
Alain préparait l’École navale avec Bernard Saint-Aubert, derrière les murailles du collège Sainte -Geneviève, à Versailles. Des dizaines de jésuites chauffaient à blanc la résolution des élèves de servir ensemble Dieu et le drapeau. Réveils avant le jour, toilette à l'eau froide, travail forcené, discipline de noviciat : tout était fait pour former de purs esprits, des caractères entiers, des êtres poncés, rodés à tous les sacrifices, prêts à grossir joyeusement les listes dorées des monuments "aux élèves morts pour la France". Quoi de plus beau, que de donner sa vie pour son pays !
Raymond n'y comprenait rien, sauf que les mots《 grèves》et 《brigades》, à cause de Gabin, d'emblée, il était pour.
L'important, c'était qu son tri soit au rendez-vous.L'engin n'avait pas bougé, le nez collé au bec de gaz . Raymond se découvrit de l'affection pour ce compagnon fidèle, et une brusque fatigue.L'horloge de l'opéra marquait deux heures.Il avait la flemme de pédaler jusqu'à Montparnasse. Personne ne guettait son retour à la boutique de jouets.S' il dormait là? Il serait sur place le lendemain pour reprendre le travail. Il ouvrit le tri se lova à l'intérieur. Avant de rabattre le couvercle, il observa les quatre coins de la place déserte, sous une pluie fine . décidément, les《grèves》, les 《 brigades》, c'était ce qu'il avait vu de plus chouette, dans la vie; de plus maousse. Ce qu'il ferait plus tard?
-Je serai.... racaille marxiste, prononça - t-il tout bas.
En retombant et en plongeant le coffre dans une nuit pas si terrible, avec ses odeurs d'encre et de fourrage le couvercle fit un bruit gai de grelot.
Malheur à qui veut l’autre à son image !...
Chaque petit français naît avec la certitude héritée de trois siècles que la terre entière lui envie ses artistes et ses penseurs, presque autant que ses bassines à frites.