125 ans depuis la naissance de Tristan Tzara
“les soucis que nous portons avec nous
qui sont nos vêtements intérieurs
que nous mettons tous les matins
que la nuit défait avec des mains de rêve »
l’eau de la rivière a tant lavé son lit
elle emporte les doux fils des regards qui ont traîné
aux pieds des murs dans les bars léché des vies
alléché les faibles lié des tentations tari des extases
creusé au fond des vieilles variantes
et délié les sources des larmes prisonnières
les sources servies aux quotidiens étouffements
les regards qui prennent avec des mains desséchées
le clair produit du jour ou l’ombrageuse apparition
qui donnent la soucieuse richesse du sourire
vissée comme une fleur à la boutonnière du matin
ceux qui demandent le repos ou la volupté
les touchers d’électriques vibrations les sursauts
les aventures le feu la certitude ou l’esclavage
les regards qui ont rampé le long des discrètes tourmentes
usés les pavés des villes et expié maintes bassesses dans les aumônes
se suivent serrés autour des rubans d’eau
et coulent vers les mers en emportant sur leur passage
les humaines ordures et leurs mirages…
POUR FAIRE UN POÈME DADAÏSTE
Pour faire un poème dadaïste
Prenez un journal
Prenez des oiseaux
Choisissez dans ce journal un article ayant la longueur que vous comptez donner à votre poème.
Découpez l'article.
Découpez ensuite avec soin chacun des mots qui forment cet article et mettez-les dans un sac.
Agitez doucement.
Sortez ensuite chaque coupure l'une après l'autre dans l'ordre où elles ont quitté le sac.
Copiez consciencieusement.
Le poème vous ressemblera.
Et vous voici un écrivain infiniment original et d'une sensibilité charmante, encore qu'incomprise du vulgaire.
Manifeste sur l'amour faible et l'amour amer - 1921
Je pense à la chaleur que tisse la parole
autour de son noyau de rêve qu'on appelle nous.
Je parle de qui parle qui parle je suis seul
Je ne suis qu’un petit bruit j’ai plusieurs bruits en moi
Un bruit glacé froissé au carrefour jeté sur le trottoir humide
Aux pieds des hommes pressés courant avec leurs morts
Autour de la mort qui étend ses bras
Sur le cadran de l’heure seule vivante au soleil
Je pense à la chaleur que tisse la parole
Autour de son noyau le rêve qu’on appelle nous.
le loup embourbé dans la barbe forestière
a trouvé son berger l'immobile berger
celui qui mène tous les yeux plantés au faîte des acropoles mouvantes de la foi
le berger des incommensurables clartés d'où naissent la vie et la dérive
il se lève
émigre vers les célestes pâturages des mots.
Il y a des paroles filantes
laissant une trace légère trace de majesté derrière leur sens à peine de sens...
de tes yeux aux miens le soleil s’effeuille
sur le seuil du rêve sous chaque feuille il y a un pendu
de tes rêves aux miens la parole est brève
le long de tes plis printemps l’arbre pleure sa résine
et dans la paume de la feuille je lis les lignes de sa vie
Dans l'eau de mon rêve fleurissent de splendides inutilités.
J'ai caressé l'éternité j'ai cru en elle et dans le vif silence de ta vigne j'ai enterré le souvenir et l'amertume.