— Monsieur a ordonné que...
— Des ordres, oui, bien sûr. Toujours des ordres ! C'est tout ce qu'il sait m'adresser. Je suis son épouse, pas sa fille, même si je comprends bien que notre différence d'âge l'ait induit en erreur.
Fouettée par le vent violent, la rue dégringolait jusqu’au port en un long ruban de pavés blonds. Au pied de la colline s’amoncelaient des bicoques de pêcheurs, délabrées et délavées par des années d’intempéries. À la façon dont elles s'épaulaient les unes les autres, Cœur croyait voir de tenaces matrones prêtes à braver mille nouvelles tempêtes ensemble. Face à elles, trônant sur les flots où le bleu se mêlait au vert, les fiers navires de la Marine d’Or se drapaient dans leurs voiles blanches comme des duchesses dans leurs dentelles. Leurs coques parées de couleurs et de dorures soutenaient des forêts de mâts et des entrelacs de cordages pareils à des toiles d’araignées. Sur les ponts et sur les quais grouillait une agitation incessante : les cris, les appels et les chants des marins montaient vers le ciel dans un indiscernable chaos. L’air frais sentait le sel et les marées.
La demoiselle obéit, mais ses yeux étincèlent. Mutine, elle sautille à travers la pièce sous la vigilance indulgente de ses aînées. Elle n'arrête ses espiègleries que devant la mère de Séraphin. Elle ne parle guère, la mère, mais elle regarde.
Que peut faire une femme seule, Lord Orys ? Nous n’avons pas le droit de disposer de notre argent. Nos finances, et par là notre vie, sont soumises au bon vouloir de nos pères, de nos époux, de nos frères ou de nos fils. Nous ne pouvons que leur obéir. Et notre seule façon d’obtenir ce que nous désirons, eh bien oui, c’est de les flatter, de les charmer, de les persuader aussi subtilement que possible. Si vous trouvez notre comportement répréhensible, ce n’est pas nous que vous devriez condamner, mais tout l’Empire.
"La guerre est une sombre affaire dont les hommes feraient bien de se garder, Chevalier. Elle paraît grandiose et glorieuse tant qu’on ne fait que se l’imaginer, mais la réalité est une chose abjecte, sale, vide de sens et infiniment triste. Je ne comprends pas que chaque génération puisse l’oublier, et entretenir les mêmes rêves d’épopées chevaleresques."
Albert lui tendit la main. Un frémissement parcourut Gisèle au contact de sa peau, douce et chaude. Elle le suit. Elle le suivrait jusqu’au bout du monde.
Je suis prêt à partir au bout du monde, tant que c’est avec vous
« Il est interdit de pratiquer la mécagie sans diplôme. »