Avec Aurélie Julia, Mathilde Brezet, Stéphane Barsacq et Stéphane Zagdanski
0:00:00 Présentation de Jacques Letertre, fondateur de l'Hôtel le Swann
0:01:20 Présentation de Valérie Toranian, directrice de la Revue des Deux Mondes
0:03:39 Lecture par Aurélie Julia, coordinatrice éditoriale de la Revue des Deux Mondes
0:09:11 Intervention de Stéphane Barsacq
0:16:10 Intervention de Mathilde Brezet
0:28:08 Intervention de Stéphane Barsacq
0:29:43 Intervention de Stéphane Zagdanski
0:38:40 Intervention de Mathilde Brezet
0:41:08 Intervention de Nicolas Ragonneau
0:47:02 Intervention de Stéphane Zagdanski
0:52:35 Intervention de Mathilde Brezet
0:58:34 Intervention de Jérôme Bastianelli, Président de la Société des Amis de Proust
01:01:57 Lecture par Aurélie Julia
01:07:44 Annonce des nominés du prix Céleste Albaret
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Sa courbe personnelle l’apparente à celle de bien des mystiques : ni bassesse matérialiste, ni niaiserie idéaliste. Il a été dans le monde ; il a agi, il a été tenté, et il a fauté. Il n’a pas fauté à moitié : il a fauté à l’excès.
Qui pourra dire si, dans les souvenirs d’enfance, ce qu’on préfère, ce n’est pas soi, tel qu’on aurait pu exister, si seulement le temps n’avait pas été si rapide ? On s’y voit tel qu’on se rêve, dans l’absence d’un devenir fatal, soustrait à la marche du temps qui broie tout.
Il est des hauteurs de l’âme, dit Nietzsche, où la tragédie cesse d’être tragique. Mais la métamorphose de l’âme chez Cioran n’est pas un incendie, triomphal en pleine nuit, comme chez Zarathoustra. C’est une déclaration de faillite qui réussit.
Il y a les beautés banales, celles qui dérangent, celles qui excitent, celles auxquelles on se mesure, celles auxquelles on se soumet ; il y a les femmes laides mais avec charme, les femmes belles mais sans charme, les femmes qui sont tout sauf l'idée que les hommes se font des femmes. C'était à en perdre la raison, avec l'impression délicieuse que la vie est ainsi faite que sa variété est infinie. Chaque rencontre est la promesse d'un nouvel univers, un univers singulier, dont on espère qu'il découvrira bientôt, par affinités, un lien unique.
[…] A quoi bon lire Voltaire et Diderot, recopier des pages de Chestov ou se trémousser d’aise aux insolences de Kierkegaard, quand le cycle de la nature, si on y prend garde, en dit au moins aussi long en son éloquence muette, sur la naissance, l’amour, la souffrance, la maladie ou la mort, et toutes les grandes questions –moins celle du salut éternel.
Ceux qui lisent Cioran avec gravité en ratent l’essentiel : il ne propose pas des idées. Il vise une expérience, et fait état de la sienne, avec une frénésie continue. Peu de littérature moins intellectuelle que la sienne, car partout, il dresse la carte de ses humeurs et de ses désirs. Il se contredit ? Non. Il va de nuance en nuance.
« L’essentiel est que je n’arrive jamais nulle part », écrivait Beckett, qui confiait à Cioran : « dans vos ruines, je me sens à l’abri ».
L’adolescence de Cioran découvre la douleur, et que celle-ci n’est pas le contraire du bonheur : elle est le bonheur blessé.
Plus il écrit, plus il fragmente ; plus il excelle, plus il est court.
[…] L’indulgence est d’abord une affaire de désillusions