Si naguère on a pu parler d'"école libératrice", il faudrait plutôt parler aujourd'hui d'"école conservatrice" tant son souci, explicitement partagé par les familles et le corps enseignant, est "d'adapter" aussi étroitement que possible les jeunes à l'ordre existant.
Le système capitaliste ne fonctionne pas seulement par l'exploitation, la spoliation et l'oppression du plus grand nombre mais aussi par l'adhésion de la plupart au système qui les exploite, les spolie et les opprime, c'est à dire qu'il fonctionne à l'aliénation psychologique et morale, entretenue par des espérances de succès individuel et d'accomplissement personnel, le plus souvent fallacieuses.
[I]l existe dans les rédactions de l'ensemble des médias une méconnaissance profonde du monde populaire, encore perçu pour l'essentiel à travers les clichés réducteurs hérités de la tradition romantique : alternativement le « bon peuple », pittoresque et rassurant ; et le mauvais peuple menaçant, celui de la « plèbe grondante », de la « canaille hurlante », de la « populace déchaînée » qui donnait des cauchemars à la bourgeoisie louis-philliparde. Le vocabulaire a changé (un peu) ; mais le concept persiste. Les classes populaires qui apparaissent dans les reportages sont réduites à une collection de cas singuliers, d'individus atomisés – ce qu'il est convenu d'appeler des « braves gens », des « petites gens » – placés dans une situation plus ou moins spectaculaire, dramatique, émouvante, à qui on essaie de faire dire des choses « fortes », touchantes, cocasses, génératrices d'émotion ; et les journalistes du « social » trouvent des accents presque hugoliens pour parler des « misérables », par excellence les SDF. En revanche, les événements et les situations faisant intervenir des collectifs populaires engagés dans des actions organisées – telles que des grèves (surtout en milieu ouvrier ou dans la fonction publique), avec des revendications et des analyses politiques et/ou sociales explicites – ne sont abordées qu'avec réticence et circonspection, ou avec une agressivité à peine contenue (qui peut aller jusqu'à mettre explicitement en question le droit de grève), quand ils ne sont pas purement et simplement passés sous silence.
La représentation médiatique du monde, telle qu’elle est fabriquée quotidiennement par les journalistes, ne montre pas ce qu’est effectivement la réalité mais ce que les classes dirigeantes et possédantes croient qu’elle est, souhaitent qu’elle soit ou redoutent qu’elle devienne. Autrement dit, les médias dominants et leurs personnels ne sont plus que les instruments de propagande, plus ou moins consentants et zélés, dont la classe dominante a besoin pour assurer son hégémonie.
Une conscience morale, même rudimentaire, doit nécessairement prendre en considération l'existence et les droits d'autrui, et admettre comme un devoir fondamental d'accorder aux autres le même respect de leur personne, la même sollicitude et la même dignité que ceux qu'on réclame pour soi-même. (...) Au lieu de quoi nous nous accommodons du fossé, sans cesse grandissant de nos jours, entre la proclamation des principes et les pratiques effectives.
Le secteur de la presse, en particulier dans les radios et les chaînes de télé, est certainement l'un de ceux où la précarisation des petits salariés est la plus galopante. La corporation, pourtant truffée de grandes consciences toujours prêtes à délivrer des leçons d'humanisme sans frontières, ne s'émeut guère de la condition galérienne qui est faite, jusque dans son sein, à des milliers de jeunes gens et jeunes filles, complaisamment livré(e)s à l'arbitraire des employeurs par les écoles de journalisme et leur enseignement de la soumission.
L'état actuel du champ politique dans les démocraties parlementaires illustre de façon presque caricaturale ce qui advient à tout champ social lorsque, (...) ayant cessé de faire corps avec la société qui l'a engendré, il n'est plus qu'un champ clos dont l'activité interne n'a pratiquement plus d'autre fin que sa propre perpétuation.
Dans l’ordre établi par et sur l’argent, plus une élite dure et plus sa trivialité se révèle ; plus elle se banalise, et plus elle se répand et s’abaisse.
Dans bien des sociétés, la division du travail a conduit à confier à des individus ou des groupes particuliers la tâche intellectuelle de pourvoir à ce remplissage idéologique. Mais jamais nulle part jusqu'ici la fonction de production de l'illusion idéologique n'a été assurée avec autant d’efficacité par autant d'ateliers employant autant de spécialistes.
[J]e me suis aperçu assez vite qu'il n'y avait pas de métier plus normal que le métier de journaliste et non seulement c'est un métier normal, mais c'est un métier qui donne la norme, qui normalise, qui est normatif. [...] Idéalement, les médias seraient pour donner des nouvelles du monde et donner le sentiment du temps présent, de l'altérité, de ce qui ne va pas de soi. [...] Ce qui compte maintenant, c'est plutôt donner des nouvelles de la société et même moins de la société que du village, au sens de McLuhan, c'est à dire c'est la Fran-France quoi, avec ses idoles, avec ses stars d'un jour, ses escrocs d'un jour, donc ça n'a aucun intérêt, et c'est là que ça devient absolument normatif.