Citations de Baptiste-Marrey (43)
Ma vie a été régie par une astronomie particulière. J'ai défini ma propre trajectoire guidé par une pléiade d'étoiles. En plein soleil, nul ne les voit: le commun des hommes en déduit qu'elles n'existent pas. Mais dès que la nuit obscurcit le ciel, elles resplendissent. Il suffit de veiller. Il suffit de les écouter, il suffit de laisser leur parole tomber en soi comme au fond d'un puits.
J'ai refermé le porche de l'église et je suis sorti par la porte du bas-côté. Malgré la pénombre, j'ai pu lire la devise révolutionnaire qui y est encore gravée: "Je crois à l'immortalité de l'Esprit."
Le Sureau et la neige
Double exil
Poème contre-révolutionnaire
1." le coton des fenêtres bouche les oreilles "**
Marina au nom rebelle
Écrivit ce vers à Vanves
Et d'autres à Clamart
Avant-guerre
Banlieues petites- bourgeoises limitrophes
De Paris / ville sèche
Aux coeurs exténués des exilés
Tsvetaieva/
Quelle épreuve pour les concierges
fouchtra
"A l'abri de ses poèmes
comme d'une branche de sureau **"
Se plaignant dans des vers sombres
Des tonnes d'indifférence
Qui pesaient
Sur elle
Elle avait épousé un Officier Blanc
Elle rentra dans la Russie Rouge
Retrouver le - nous- dispersé
Son mari exécuté
Sa fille dans un camp /
En Russie la réalité autorisée
Était celle vue par
L'oeil de Staline/
Elle se pendait
Le 31 août 1941
Pendant l'évacuation
Dans une chaumière tatare
A Elabuga
Où elle usait ses jours
Son fils à ses côtés
Loin encore plus loin
Qu'en Seine-et-Oise
De la Russie ancienne et chaleureuse
Qui ne survivait
Que dans l'astre noir de son
Cœur (...)
( p.58)
*** Tsvetaieva
La difficulté est qu'il faut à la fois ouvrir la profession à toutes les bonnes volontés, donner le gout de lire est une grande curiosité intellectuelle qui ne sont pas forcement garantis par un diplôme et dispenser une bonne formation technique.
Si l'on forme des jeunes à vendre, il faut éduquer les jeunes à lire.
La librairie n'est pas une ile. Elle est aussi sacrifiée dans une part de son fondement en tant que mémoire vivante d'échange et de reconnaissance.
Bon nombre de libraires sont usés, fatigués par l'obligation de cumuler, pour tenir, trois postes en un par exemple.
On trouvera moins de gens prêts à se lacer dans l'aventure de petites librairies.
De plus la valeur symbolique attachée à l'idée d'être un - bon libraire - va en s'estompant.
Est-ce qu'on peut regretter ce que l'on ne connait pas ?
Le livre ne peut pas être prioritaire dans sa vie, car c'est un bien qui ne manque pas, qu'on banalise sans le vouloir. Les bons livres il y en aura toujours.
Mais comment faire du culturel quand on n'a plus que des reflexes ?
L'essentiel est que le malade s'avoue à lui-même son véritable état.
Pour moi, modeste auteur, plutôt dans la catégorie des talents à découvrir, je suis convaincu que la librairie ne doit pas seulement être considérée comme un commerce - ce qu'elle est est doit rester - mais comme un service de médiation culturelle accessible à tous les publics sur l'ensemble du territoire et complémentaire de celui des bibliothèques.
Loin de les opposer, je pense qu'il faut les unir et que libraires et bibliothèques doivent mener le même combat : celui de la survie de la création littéraire sans laquelle après les libraires, les bibliothèques seront condamnées à mourir à leur tour.
Je me méfie de ces désherbants, et je suis persuadé qu'il devrait y avoir dans chaque bibliothèque un présentoir réservé, sinon aux chefs-d'œuvre inconnus ou oubliés, au moins au livres dont on ne parle pas, mais dont on parlera demain, plus tard, dans vingt ans ou dans un siècle.
Puis-je conclure sur ces trois points en disant que les bibliothécaires devraient venir en appui des libraires pour mener à bien ce travail éminent de la conservation de la mémoire et de la résistance à la médiatisation.
Le libraire est le seul et fragile contre-poids à la médiatisation des titres et des personnalités du monde de l'édition - plus que les écrivains - , phénomène d'amplification qui ne serait pas un mal en soi s'il n'était outrageusement sélectif, au point que même après leur disparition le petit nombre des élus continue toujours d'encombrer ondes et gazettes.
Quand l'Edition a froid aux pieds, la librairie éternue. Et l'Edition, cet hiver, risque d'avoir froid aux pieds.
Dernière remarque sur ce combat déséquilibré et perdu d'avance si l'on n'y porte remède : pour fonctionner avec des marges faibles, le commerce a besoin d'acheter à terme tout en vendant comptant.
Or c'est exactement l'inverse qui se produit dans la librairie puisque grâce au système de l'office, c'est le libraire qui avance à l'éditeur l'argent du livre qu'il na pas encore vendu.
Je me demande donc si, et dans quelle mesure, la crise de la librairie n'est que le reflet de la crise de la littérature, et si la mort de celle-ci n'entraine pas inéluctablement la mort de l'autre.
Pourquoi devient-on libraire ? Certainement pas en vue de s'enrichir, encore qu'on garde l'espoir de gagner plus ou moins bien sa vie.
Que reste - t-il donc au libraire dans les difficultés quotidienne de son métier, les complications inhérentes au commerce moderne et aux relations professionnelles ? - Sa passion -
Il est donc nécessaire que les jeunes gens puissent lire ce qui est contemporain et acquérir les livres qui resteront leur grands amis à travers la vie.
Pour cela il ne faut pas chercher à créer de vastes entreprises impersonnelles qui sont incapable de donner une influence, donc de faire progresser, et incapable d'en recevoir, donc de progresser elles-mêmes.
Ce qu'il faut créer , ce qu'il faut aider, ce sont des bibliothèques qui ne tendent pas à satisfaire un public nombreux, mais un groupe qu'il soit possible de connaitre individuellement et de servir parfaitement.
L'idéal serait qu'à la tête de chaque librairie il y eut une seule personne, aidée dans la mesure du possible, mais en continuels rapports avec le public.
Il est vraiment indispensable qu'une maison consacrée aux livres soit fondée et dirigée avec conscience par quelqu'un qui joigne à une érudition aussi vaste que possible l'amour de l'esprit nouveau et qui, sans tomber dans les travers d'aucun snobisme, soit prêt à aider les vérités et les formules neuves.