Citations de Baptiste-Marrey (43)
On dira qu'en somme on n'achète jamais un livre entièrement au hasard, que le nom de l'auteur, la firme de l'éditeur, sont des indications presque suffisantes, et qu'un lettré peut, en le feuilletant, avoir une conscience très nette de sa valeur.
Certes, la signature de l'ouvrage est déjà une garantie ; c'est d'ailleurs cette garantie qui règle presque tout l'exercice des libraires ; mais ce n'est certainement pas un bon principe, il est la cause que tant d'auteurs ne sont tenus de faire qu'un ou deux bons livres et peuvent, après, dormir sur leur lauriers ; il est surtout la cause de l'obscurité où gisent les productions nouvelles, quelle que soit leur valeur ; il élimine d'une façon complète les nouveaux venus de la littérature.
On citera l'exemple d'œuvres qui ont trouvé, dés leur apparition, un juste et puissant critique, mais ces cas sont bien rares ; la camaraderie et l'intrigue, comptent, hélas, plus que le mérite.
Dans le domaine pratique, il nous était venu, dès l'origine, quelques idées qui se trouvèrent assez bonnes ; par exemple, de couvrir les livres avec du papier cristal, de ne pas les faire relier, de ne pas les estampiller, coutume barbare qui les fait ressembler à des bêtes marquées pour l'abattoir.
Una strana bottega d'antiquario
s'apre, a Trieste, in una via secreta.
D'antiche legature un oro vario
l'occhio per gli scaffli errante allierta
Une étrange boutique de livres anciens
donne à Trieste dans une rue secrète.
Des anciennes reliures, l'or varié
réjouit l'œil errant sur les rayons.
Editeurs, libraire, c'est-à-dire autant de livres qu'organisateurs de rencontres
Certains de mes livres sont transparents parce que l'encre a attaqué le papier des deux cotés, ce qui fait qu'il reste maintenant une espèce de toile d'araignée.
Quel plaisir de voir un éditeur que son métier passionne !
Je suivais de loin max ph., petit, vif, discret, la parole brève, écoutant plus qu'il ne parlait, volontiers sec avec les representants ou les coursiers, mettant unlivre ou un auteur en avant, sans hesiter, quand il lui etait demandé conseil, coura
- Quel plaisir de voir un éditeur que son métier passionne !
Librairies, en vos réserves,
Laissez que je me serve !
Je veux fouiller partout !
De savoir je suis fou.
Ma joie cependant était de fouiller interminablement dans les rayons - j'ai toujours eu l'impression que ce qui était caché dans une librairie était plus essentiel, plus important, plus précieux que ce qui, présenté à l'étalage, s'offrait au premier venu.
Le gros livre circulait de famille en famille dont chaque membre attendait son tour, harcelant l'autre pour qu'il achève sa lecture.
Oui, la lecture était alors vraiment une évasion.
Oui, le livre était rare, et étant rare, il était recherché.
Je veux prononcer, avant d'évoquer les menaces qui pèsent sur elle et la condition de sa survie, l'éloge de la librairie.
Et pour souligner l'éminente dignité du métier de libraire, j'aimerais rapidement esquisser devant vous le portrait de quelques grands libraires dont j'ai été le client ou l'ami ou le furtif visiteur.
Lettre sur la librairie -
Un fonds de librairie est donc la possession d'un nombre plus ou moins considérable de livres propre à différents états de la société, et assorti de manière que la vente sure mais lente des uns, compensée avec avantage par la vente aussi sure mais plus rapide des autres, favorise l'accroissement de la première possession. Lorsqu'un fonds ne rempli pas toutes les conditions, il est ruineux.
De tous les spectacles de Camus que j'ai vus, -Requiem pour une nonne- fut pour moi son spectacle scéniquement le plus abouti. Catherine sellers, dans un rôle à la Casarès, y était inoubliable, de même que l'étrange fausse négresse, "meurtrière et sainte ", interprétée par Tatiana Moukhine. Elle portait sur scène l'imperméable "à la Bogart" de Camus : le théâtre privé était pauvre. Jamais les créations parisiennes de Camus ne reçurent un sou de subvention. (p. 82)
page 16
La personne de Camus, son sourire, son élégance, la simplicité de son blouson, ses cigarettes (en dépit de ses poumons malades), la manière dont il s'asseyait sur une marche, au soleil (...) pour discuter avec le facteur - cette aisance naturelle qui le mettait de plain-pied avec n'importe quel interlocuteur - tout cela je ne l'ai jamais aussi bien vu qu'à Cabris. "Il était taillé d'un bois à la fois dur, tendre et parfumé" aurait dit Nietzsche.
.....Première fée
Au libraire il dira :
Libraire, oh donnez-moi
L'allemand, le chinois;
Douze patois norrois,
Quarante langues ! Quarante sciences !
De la clarté jusqu'à la démence!
Technique , poésie,
Mystique, économie.
Vite me fournissez
Toute ce que l'homme a fait.
Vite ! Suis affamé !
Armand Robin- Le temps qu'il fait ( Gallimard, 1941)
J'ai toujours eu l'impression que ce qui était caché dans une librairie était plus essentiel, plus important, plus précieux que ce qui, présenté à l'étalage, s'offrait au premier venu. (p.20)
Moi qui ne sais tenir qu’un crayon et qui fuis toute machine à écrire, avec ou sans écran, je suis persuadé depuis toujours que la main possède une intelligence propre, c’est-à-dire qu’à certains moments, de manière quasi autonome, elle sait où elle va, alors que l’intellect ne le sait pas (encore).