Citations de Erasme (181)
Prenez un parangon de sagesse, celui qui a consumé dans l'étude son enfance et sa jeunesse, perdu le plus bel âge en veilles, soucis, labeurs sans fin et, le reste de sa vie, s'est privé du moindre plaisir. Toujours parcimonieux, gêné, morne, assombri, sévère et dur pour lui-même, assommant et insupportable pour autrui, pâle, maigre, valétudinaire, chassieux, usé de vieillesse, chauve avant l'âge, voué à une mort prématurée. Qu'importe au reste qu'il meure puisqu'il n'a jamais vécu !
De même que l'ignorance grammaticale ne saurait rendre un cheval malheureux, la Folie ne fait point le malheur de l'homme puisqu'elle est conforme à sa nature.
Mais quels sont donc ceux qui se sont tués par dégoût de vivre? Des familiers de la Sagesse. Moi, Folie, aidée de l'Ignorance autant que de l'Etourderie, en leur faisant oublier leur misère, espérer le bonheur, goûter quelques fois le miel des plaisirs, je les soulage si bien de leurs maux qu'ils quittent la vie avec regrets alors que Parque a filé toute leur trame et que la vie-même les abandonne.
La vie ne les ennuie nullement : moins ils ont de motifs d'y tenir plus ils s'y cramponnent. Ce sont mes clients !
Tantôt gais, tantôt tristes, ils rient, ils pleurent, ils soupirent ; bref, ils sont vraiment hors d’eux-mêmes.
Et voici que je m'étonne de l'ingratitude des hommes, ou plutôt de leur indifférence ! Tous me font volontiers la cour, tous, depuis des siècles, jouissent de mes bienfaits, et pas un n'a témoigné sa reconnaissance en célébrant la Folie, alors qu'on a vu des gens perdre leur huile et leur sommeil à écrire en l'honneur des tyrans Busiris se et Phalaris, de la flèvre quarte, des mouches, de la calvitie et de maint autre fléau. Vous entendrez de moi une improvisation non préparée, qui en sera d'autant plus sincère.
Je reconnais authentiquement de notre farine [c’est à dire pour fou !] ceux qui se plaisent à écouter de mensongères et monstrueuses histoires de miracles. Ils ne se lassent point d’entendre des fables énormes sur les fantômes, les lémures et revenants, sur les esprits de l’Enfer et mille prodiges de ce genre. Plus les faits sont invraisemblables, plus ils s’empressent d’y croire et s’en chatouillent agréablement les oreilles. Ces récits, d’ailleurs, ne servent pas à charmer l’ennui des heures ; ils produisent quelque profit, et tout au bénéfice du prêtre et des prédicateur. […]
"L'homme, cependant, étant né pour gouverner les choses, aurait dû recevoir plus qu'une petite once de raison." Eloge de la folie, XVII
A quoi servirait l'homme si Dieu agissait avec lui comme le potier sur l'argile?
Les mauvaises femmes se marient en mai.
"Sans nul doute, ce sera grand profit si celui qui entreprend à instruire un enfant se vêt, par une bonne inclination de courage, d'une affection de père et de mère envers l'enfant. Car, en toute besogne, l'amour ôte grande partie de la difficulté."
A la page 95 du livre " Ces liens qui nous font vivre. Éloge de l'interdépendance." de Rébecca Shankland et Christophe André.
Comme il est d'une suprême sottise d'exprimer une vérité intempestive, il est de la dernière maladresse d'être sage à contretemps.
Invitez un sage à dîner, il est votre trouble-fête par son morne silence ou ses dissertations assommantes. Conviez-le à danser, vous diriez que c'est un chameau qui se trémousse. Entraînez-le au spectacle, son visage suffira à glacer le public qui s'amuse, et on l'obligera à sortir de la salle, comme on dit au sage Caton pour n'avoir pu quitter son air renfrogné.
Mon avis à moi, Folie, est que plus on est fou, plus on est heureux
XXXIX
De même farine sont les Ecrivains, aspirant à une renommée immortelle par la publication de leurs livres. Tous me doivent énormément, ceux surtout qui griffonnent sur le papier de pures balivernes. Quant à ceux qui soumettent leur érudition au jugement d'un petit nombre de savants et qui ne récusent ni Persius ni Lésius, ils me semblent beaucoup plus misérables qu'heureux, vu la torture qu'ils s'imposent. Ils ajoutent, changent, suppriment, abandonnent, reprennent, reforgent, consultent sur leur travail, le gardent neuf ans, ne se satisfont jamais ; et la gloire, futile récompense que peu reçoivent, ils la payent singulièrement aux dépens du sommeil, ce bien suprême, et par tant de sacrifices, de sueurs et de tracas. Ajoutons la perte de la santé et de la beauté, l'ophtalmie et même la cécité, la pauvreté, les envieux, la privation de tout plaisir, la précoce vieillesse, la mort prématurée et beaucoup d'autres misères. Par cette continuité de sacrifices, notre savant ne croit pas acheter trop cher l'approbation que lui marchande tel ou tel cacochyme.
Et voici que mon écrivain, à moi, jouit d'un heureux délire, et sans fatigue laisse couler de sa plume tout ce qui lui passe par la tête, transcrit à mesure ses rêves, n'y dépensant que son papier, sachant d'ailleurs que plus seront futiles ses futilités, plus il récoltera d'applaudissements, ceux de l'unanimité des fous et des ignorants. Que lui importent ces trois docteurs qui pourraient les lire et qui en feraient fi ? que pèserait l'opinion d'un si petit nombre devant la multitude des contradicteurs ?
...plus une chose est contraire au bon sens, plus elle s'attire d'admirateurs; ce qu'il y'a de plus mauvais, est toujours ce qui flatte le plus grand nombre, et rien n'est plus naturel, puisque, comme je l'ai déjà dit, la plus grande partie des hommes sont fous.
...l'heure de la mort est bien indifférente pour celui qui n'a jamais vécu.
C'est par de pareilles niaiseries qu'on peut remuer cet énorme et puissant animal qu'on appelle peuple.
Si vous consultez l’histoire, vous verrez au contraire que le pire gouvernement fut toujours celui d’un homme frotté de philosophie ou de littérature
L'art d'instruire comporte plusieurs parties, dont la première et principale est que l'esprit encore tendre reçoive les germes de la piété (...)
Je ne suis pas assez sotte pour demander des figurations sculptées ou peintes, tout à fait inutiles à mon culte, je compte autant de statues qu'il n'y a d'hommes, puisque même involontairement ils sont mon image vivante.