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Citations de Erasme (180)


" Le péché, disent-ils, est moindre de massacrer mille hommes que de coudre le soulier d'un pauvre le dimanche. Il serait plutôt permis de laisser périr l'univers entier, avec tout ce qu'il contient, que de dire un tout petit mensonge, si léger fût-il." Des subtilités plus subtiles encore encombrent les voies où vous conduisent les innombrables scolastiques. Le tracé d'un labyrinthe est moins compliqué que les tortueux détours des réalistes, nominalistes, thomistes, albertistes, occamistes, scotistes, et tant d'écoles dont je ne nomme que les principales. Leur érudition à toutes est si compliquée que les Apôtres eux-mêmes auraient besoin de recevoir un autre Saint-Esprit pour disputer de tels sujets avec ces théologiens d'un nouveau genre.

Saint Paul, reconnaissent-ils, a eu la foi mais il la définit bien peu magistralement en disant : " La foi est la substance de l'espérance et la conviction des choses invisibles. Il pratiquait parfaitement la charité mais il ne l'a ni divisée, ni définie selon la dialectique, dans la première épître aux Corinthiens, chapitre XIII. Les Apôtres, assurément, consacraient avec piété l'Eucharistie; mais qu'auraient-ils répondu sur le terme a quo, et le terme ad quem, sur la transsubstantiation, sur la présence du même corps en des lieux divers, sur les différences du corps du Christ au Ciel, sur la Croix et dans le Sacrement, sur l'instant où se produit la transsubstantiation et celles des paroles opérantes qui y suffisent. N'en doutons pas, les réponses des Apôtres eussent été beaucoup moins subtiles que les dissertations et définitions des Scotistes. Ils connaissent la Mère de Jésus, mais qui d'entre eux a démontré son exemption de la souillure d'Adam aussi philosophiquement que l'ont fait nos théologiens ? Pierre a reçu les clefs, et certainement de Celui qui ne les eût pas confiées à un indigne ; cependant, je ne sais s'il aurait compris cette idée subtile que l'être qui ne possède pas la science peut en avoir la clef. Les Apôtres baptisaient en tous lieux ; pourtant, ils n'ont enseigné nulle part quelle est la cause formelle, matérielle, efficiente et finale du baptême ; ils n'ont jamais fait mention de son caractère délébile et indélébile. Ils adoraient, certes, mais en esprit, se bornant à suivre cette parole évangélique : "Dieu est esprit et doit être adoré en esprit et en vérité." Il ne semble pas qu'on leur ait révélé qu'une adoration pareille soit due à une médiocre image tracée au charbon sur un mur et qui montre le Christ lui-même, pourvu qu'elle présente les deux doigts levés, de longs cheveux et trois rayons adhérents à l'occiput. Pour connaître ces choses, ne faut-il pas avoir étudié au moins trente-six ans la physique et la métaphysique d'Aristote et de Scot ?

Les Apôtres nomment la grâce, mais jamais ils ne distinguent la grâce donnée gratuitement de la grâce gratifiante. Ils encouragent aux bonnes œuvres sans discerner la différence entre l'œuvre opérante et l'œuvre opérée. Ils enseignent la charité, sans savoir séparer l'infuse de l'acquise, sans expliquer si elle est accident, ou substance, chose créée ou incréée. Ils détestent le péché, mais ce que nous appelons le péché, que je meure s'ils ont su en donner une explication scientifique ! Il leur manque d'avoir étudié chez les Scotistes.
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LIII. - Il vaudrait mieux, sans doute, passer sous silence les Théologiens, éviter de remuer cette Camarine, de toucher à cette herbe infecte. Race étonnamment sourcilleuse et irritable, ils prendraient contre moi mille conclusions en bloc et, si je refusais de me rétracter, me dénonceraient sans délai comme hérétique. C'est la foudre dont ils terrifient instantanément qui leur déplaît. Je n'ai rencontré personne qui soit moins reconnaissant qu'eux de mes bienfaits, quoique je les en accable. L'amour-propre, par exemple, les juche au troisième ciel. Du haut de ce séjour enchanté, ils regardent le reste des mortels, troupeau rampant sur la terre, et le prennent en pitié. Je les entoure d'une armée de définitions magistrales, conclusions, corollaires, propositions explicites et implicites: ils sont munis de tant de faux-fuyants qu'ils sauraient échapper au filet de Vulcain par les distinctions dont ils disposent et qui trancheraient tous les nœuds plus aisément que la hache de Ténédos. Leur style regorge de néologismes et de termes extraordinaires. Ils expliquent à leur manière les arcanes des mystères : comment le monde a été créé et distribué; par quels canaux la tache du péché s'est épandue sur la postérité d'Adam; par quels moyens, dans quelle mesure, et à quel instant le Christ a été achevé dans le sein de la Vierge ; de quelle façon, dans le sacrement, les accidents subsistent sans la matière.

A ces questions, aujourd'hui rebattues, les grands théologiens, les illuminés comme ils disent, préfèrent. et jugent plus dignes d'eux d'autres qui les excitent davantage : s'il y a eu un instant précis dans la génération divine; s'il y a eu plusieurs filiations dans le Christ; si l'on peut soutenir cette proposition que Dieu le Père hait son Fils; si Dieu aurait pu venir sous la forme d'une femme, d'un diable, d'un âne, d'une citrouille ou d'un caillou; si la citrouille aurait prêché, fait des miracles, été crucifiée. Qu'aurait consacré saint Pierre, s'il eût célébré tandis que le corps du Christ pendait sur la croix ? A ce moment, pouvait-on dire que le Christ fût homme ? Les hommes, après la résurrection, pourront-ils manger et boire ? Nos gens se prémunissent par avance, on le voit, contre la faim et la soif.
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Commençons par les pédants qui enseignent la grammaire. Ce serait sans contredit l’espèce d’homme la plus misérable, la plus à plaindre, et qui paraîtrait la plus haïe des dieux, si je n’adoucissais, par un certain genre de folie, les misères du triste métiers qu’ils exercent. Exposés sans cesse aux tourments les plus cruels, la faim, la puanteur leur font une guerre continuelle. Enfoncés dans leurs écoles, ou plutôt dans leurs galères et dans leurs prisons, théâtres affreux de leurs exécutions barbares, ils vieillissent dans le travail, au milieu d’une troupe d’enfants, ils deviennent sourds à force de crier, et la malpropreté les ronge et les dessèche. Eh bien, malgré tout cela, heureux par mes bienfaits, ils se croient les premiers de tous les hommes.
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Est-il besoin de parler ici de ceux qui professent les beaux-arts ? L’amour-propre leur est si naturel à tous, qu’il n’en existe peut-être pas un seul qui n’aimât mieux céder tout son petit patrimoine que sa réputation d’homme de génie. Tels sont surtout les comédiens, les musiciens, les orateurs et les poètes. Moins ils ont de talent plus ils ont d’orgueil, de vanité et d’arrogance. Tous ces fous trouvent cependant d’autres fous qui les applaudissent ; car plus une chose est contraire au bon sens, plus elle s’attire d’admirateurs ; ce qu’il y a de plus mauvais est toujours ce qui flatte le plus grand nombre.
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En parcourant avec tant de rapidité toutes les différentes classes de fous, n’oublions pourtant pas ces gens qui, avec les mœurs et les inclinations de la plus vile canaille, ne cessent de vanter leurs vains titres de noblesse. L’un se fait descendre d’Enée, l’autre de Brutus, un troisième du roi Artus. Ils exposent partout les statues et les portraits de leurs ancêtres. Ils vous répètent sans cesse la kyrielle ennuyeuse de leurs aïeux et bisaïeux, ils n’ont à la bouche que des noms et des surnoms anciens, et, malgré tous leurs discours, on ne voit en eux que des gens aussi stupides que des statues, et qui valent souvent moins que les images qu’ils étalent. Avec tout cela, l’amour-propre leur fait passer une vie heureuse. Il se trouve même des gens assez fous pour respecter comme des dieux ces animaux stupides qui ne méritent pas même le nom d’hommes.
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Qui tente de convaincre de la chose la plus salutaire et de détourner les hommes de la plus pernicieuse passe pour peu soucieux du bien du peuple et pour un tiède partisan du prince.
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La guerre crée des prêtres, elle fait des évêques, des cardinaux, aux yeux desquels le titre de légat militaire est honorifique et digne des successeurs des apôtres.
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Pour que le mal soit inguérissable, ils couvrent une telle impiété du voile de la piété. La croix sert d'étendard.
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La guerre arbore pour symbole ce qui seul pouvait détourner de la guerre. Qu'as-tu à voir avec la croix, soldat scélérat ?
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Cet emblème que tu fais tien est l'emblème de Celui qui a vaincu non par le combat mais par sa mort.
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Qu'est-ce que cette monstruosité ? La croix combat la croix, un chrétien fait la guerre à un chrétien.
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Ce sont des cités libres sur lesquelles règne un roi, et non des esclaves asservis à un tyran qui les opprime.
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Ce qui est véritablement royal, c'est d'ignorer les passions privées et de tout juger à l'aune de l'intérêt public.
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Les lois se taisent quand parlent les armes.
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Si nous voulons amener les Turcs à se convertir au christianisme, soyons d'abord nous-mêmes des chrétiens !
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Rien n'est plus facile à vaincre que des hommes qui se déchirent entre eux.
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L'ivresse guerrière a fait assez de morts; assez de libations ont été faites aux Furies et à Orcus.
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Montrez par là ce que pèse, contre la tyrannie des puissants, la concorde du nombre.
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Que l'intérêt public l'emporte sur les passions privées. D'ailleurs, pendant qu'on veillera au bien commun, chacun verra par là même son sort s'améliorer.
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Utopie sur fond de réalisme politique et psychologique, qui n'épargne rien ni personne : la Paix, qui parle à la première personne, cherche, de paragraphe en paragraphe, dans un rythme haletant, un "lieu" où se réfugier.
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