Se chercher seul détruit. Sans symbole, sans horizon, je ne suis rien. Alors j'ai appris à aimer la vie comme un chien. Sans chercher à comprendre. J'y allais au flair. Mais un chien sans caresse s'ennuie. J'étais donc un individu par défaut. Rien de plus. J'ai appris à n'être responsable de rien. Le peu de fois où je m'impliquais dans l'existence, c'était toujours de loin. Aujourd'hui encore je traîne mon ennui sur le terreau de ma solitude.
Bientôt. Il y a toujours un bientôt. Il faut juste être patient. Et faire que rien de mal n'arrive.
La classe est levée, cours de récré improvisée. J'en profite pour esquiver la cacophonie des préaux pour prendre le sentier des noyers qui craquelle sous mes pieds aux sons des petits cailloux.
Aujourd'hui encore je traîne mon ennui sur le terreau de ma solitude.
Elle est plus forte que moi et ça m'impressionne et me rassure. Elle est guerrière. Et elle a ce sacré goût des autres. J'aime m'épancher sur son épaule, connaissant son odeur par cœur. Qui connaît réellement l'odeur de l'autre ? Le parfum de la complicité et de l'affection sans faille ?
Mets-moi une gamelle à ras bord, il faudra la remplir à chaque seconde. D’aucuns pensent que l’alcool a foutu ma vie en l’air. Non. Il est ma compagne fidèle depuis plus de trente ans. Qu’elle va me tuer. Mais non, justement, elle me tuent en vie. Et le tabac aussi. Et puis merde ! Je ne veux pas mourir à jeun. Un chien se pose-t-il la question de sa fin proche ? Non. Il veut des caresses, de la tendresse, de l’attention. C’est tout moi. Et comme ma compagne est la solitude, il faut bien l’abreuver et la contenter.
Ouvrir un à un les tiroirs des souvenirs pour laisser la plume s’épancher. Regarder en arrière, observer et essayer de comprendre le présent, ne pas vouloir enfanter de futur. Laisser venir comme le jour vient. Ne rien provoquer, ou si peu. Être, vivre sottement avec ce sentiment de liberté, mirage d’une existence à se chercher. N’être que le scribe extérieur de mon existence merdique, comme si je me regardais de loin
Alors laisser passer les minutes, petits grains de sable mais rocher quand ça chute.
Ecrire mais ne pas se relire trop. Quitte à y laisser des bleus.
Souvent l'étang est en crue de mes larmes.
Elle s'ouvre à moi et émoi me prend. La nuit devient petite mort.
Théâtre : devoir mettre timidité, introversion, sueurs froides et mésestime de soi de côté. Ou arriver un peu bourré aux répétitions.
La Radio c'est l'organe de la parole avec des voix reconnaissables entre toutes sans aucune envie d'en voir le visage.
Je me promène sans cesse avec mon cendrier. N'y voir là aucune raison psychanalytique.
Du bon élève que j'étais, je deviendrai le cancre abasourdi des possibilités entières qu'offre le je-m'en-foutisme.
Une de mes Gamines vient d'avoir neuf ans.
C'est tout.
C'est merveilleux.
Le bonheur est pour moi le train. Partir mais ne pas fuir.
D'aucuns pensent que vivre à la rue est une forme de liberté. Liberté d'y crever surtout.
J'aime regarder les chiens qui promènent leurs "maîtres".
Alors j'ai appris à aimer la vie comme un chien. [...] Mais un chien sans caresse s'ennuie.