Peut heurter les plus sensibles
J’ai failli oublier l’un des points cruciaux du contrat qui nous liait. Lilas ne peut bien sûr pas me reconnaître visuellement. Elle pourrait reconnaître les sensations que j’ai implantées et domptées en elle. Elle reconnaîtrait certainement mes instruments, mes mains, ma bouche, mon pénis ainsi que ma voix, centre de son univers quand elle était à moi. En fait, tout ce qui lui était perceptible derrière l’obscurité du bandeau noir sur ses yeux.
Je l’ai dressée, j’ai strié de boursouflures et affolé sa peau. J’ai bénéficié du plein pouvoir sur ses orgasmes. Je l’ai suspendue, attachée, fouettée, culbutée. Je l’ai faite pleurer, taire, haleter et jouir … J’ai eu le privilège de l’observer sous tous les angles et de la plier à toutes mes envies. En revanche, Lilas ne m’a jamais « vu ».
1 Sans omettre que je ne comprends vraiment pas comment elle peut venir demander à une tierce personne de prendre part aux ébats sexuels de son homme. Cela ne la blesse pas dans son ego ? La notion de confiance qu’elle a évoquée doit y être pour quelque - chose. Ils doivent avoir un mode de fonctionnement très particulier qui m’échappe, en tant que non - initiée. Un peu comme les couples libres, les polyamoureux, triolismes et autres échangistes. À deux, c’est bon, à plusieurs, c’est mieux ?
Je devrais juste avoir les chocottes. Pas une peur agréable, semblable à celle que l’on ressent avant d’entrer dans le Phantom Manor ou Space Mountain. Là où on rit de ses propres frayeurs. Non, une trouille du genre « Prends tes jambes à ton cou, petite imprudente ! » Mes neurones confondent : ce n’est pas Disneyland Paris aux bras du prince Naveen, mais du sexe bestial, brutal et brûlant avec un Dominant qui se dit lui - même ouvert d’esprit.
J’ai toujours eu les pieds sur Terre, toujours été plus prudente que mes camarades depuis mon dixième anniversaire. Voire trop raisonnable et réfléchie pour éviter des erreurs d’adulte que je craignais de reproduire … Mais en fin de compte, est - ce qu’un flot éphémère de légèreté me nuirait ? Je suis jeune, pas si heureuse et l’ennui est mon lot quotidien. Même mes géniteurs sont décevants, alors pourquoi attendre un amour – surfait – de Kyle ou d’un hypothétique prince charmant ? Je sais bien que cela n’arrivera jamais, et si cela devait se produire, ce ne serait certainement pas pour moi. Je serai la dernière servie s’il restait des miettes … Ça y est, je pars en sucette ! Toutes ces questions existentielles qui ne m’interpellaient pas avant influent sur mon chamboulement actuel.
« - Morgan, ils vont faire quoi ?
- Reprends une longue inspiration, Marjorie.
- Arrête de me répéter ça ! Pourquoi tu insistes ?
- Parce que je vais te faire plonger plus bas. Là où je n'ai plus pied. »
J’ouvre mon PC, l’allume et me connecte au dark web. Décidée, je relis le formulaire, que j’ai partiellement rempli au cours des derniers jours. Je n’ai pas encore eu le culot de l’envoyer.
Pseudonyme du Parrain ou de la Marraine dans la Confrérie : MR
Pseudonyme choisi : Mulan
Mulan ? Non, j’efface ça. Ça fait trop gamine. Je suis fan de la seule héroïne asiatique des dessins animés Disney depuis toute petite. Elle est un symbole de force et de détermination féminine. Mais en contexte, ce choix risque de tourner en ma défaveur. Ou pas. Je ne sais pas, moi.
Je mets quoi ? « Khà Gaï », peut-être ? Cela veut dire « jolie épine », dans la langue natale de maman. Cette dernière m’a souvent comparée à cela : une épine sur une délicate plante d’apparence inoffensive, capable de piquer si nécessaire. Ce surnom possède un petit parfum exotique sur lequel il peut être intéressant de jouer. »
Je retourne au panier. Je pose ce que je tiens pour y chercher les deux cock rings en boules de métal enrobés de silicone. Je reviens à Jonathan, empoigne son sexe. Il frémit. Ses mains frôlent mes bras dénudés, hésitent un instant à n’aller ailleurs rien qu’un instant, car elles remontent à ma nuque, m’amenant à son visage pour un baiser assoiffé.
Je le masturbe lentement en m’abandonnant à notre premier échange. Sa verge entre mes doigts, je lui enfile le jouet. Ma tête entre ses paumes, il m’embrasse en geignant.
Mon jeu, mes règles. Ton corps, ton consentement.
Inspire.
— Qu... Quoi ?
— Prends la plus longue inspiration de ta vie.
— Pourquoi ?
— Parce que là, maintenant, tu vas plonger avec moi.
Je te humerai toujours. Sans me presser. Tu auras chaud, tu sentiras mon souffle sur ton épiderme … Tu auras froid quand je relèverai ma tête de ta peau … Tu auras envie de mes mains, de ma bouche. Cela te rendra folle que je ne te touche pas et que tu n’y puisses rien … Mais tu te tiendras bien, tu seras une bonne fille …