J’avais l’idée d’un roman d’apprentissage, de transformation. Ce roman est l’histoire du passage de l’enfance à l’adolescence. A l’origine, je ne m’étais pas forcément dit que le récit allait se dérouler sur une seule année mais le roman a pris cette forme-là. Ce que je voulais aussi c’était montrer les différents visages de la ville. Pour moi la ville de Saint-Denis c’est un personnage à part entière. Que le récit se déroule en une année me permettait de montrer les différents visages de la ville en fonction des saisons.
C’est une ville très contrastée. Le centre historique est très joli alors que certaines cités sont particulièrement moches. La violence de la ville est réelle. Quand on sort de la gare de Saint-Denis par exemple, on peut voir des flèches dessinées au sol qui indiquent où se trouvent les dealers... Mais ce n’était pas cet aspect de la ville que j’avais envie de montrer. Il est inutile de revenir encore sur ces clichés que l’on voit partout. Je voulais dépeindre un autre visage de cette ville.
C’est un mélange. Certains de mes anciens élèves m’ont aidée en me livrant leur vision de Saint-Denis, ils m’ont aiguillé sur certains aspects de la ville pour que le roman soit le plus réaliste possible mais au final, ma restitution de la ville de Saint-Denis est un mélange de souvenirs, du récit de mes élèves ainsi que de mes impressions de la ville lorsque j’y suis retournée pour l’écriture du roman. Il en résulte un portrait à la fois réaliste et fantasmé de la ville qui ne prétend pas être la topographie réelle de celle-ci. L’action est par exemple censée se dérouler dans la « cité des 4000 » en 2009 alors qu’à cette période, la cité avait déjà été rasée. Mais ce n’est pas grave, au contraire. C’est un Saint-Denis intérieur.
C’est la vision d’une petite fille qui n’a pas tout compris ! Elle part du cliché que le musulman est forcément un activiste religieux. Puis elle se rend compte que cet homme n’est même pas musulman du tout ! Elle n’avait pas écouté Rabah, qui lui disait pourtant le contraire, s’en remettant uniquement à sa propre croyance. Son regard change au fur et à mesure que l’année s’écoule et qu’elle découvre vraiment Rabah et sa famille.
C’est basé sur mon expérience. Quand j’étais à Saint-Denis j’ai vécu des débuts d’années chaotiques, très difficiles. Le plus dur pour un professeur, c’est de rester. Mais si tu es encore là à la fin de l’année scolaire, ils te remercient. La deuxième année a été beaucoup plus facile. Je ne suis plus dans ce collège aujourd’hui mais j’ai gardé beaucoup de contacts avec mes anciens élèves et leurs parents. Certains m’ont aidée pour l’écriture de ce roman.
Je crois que c’est mon personnage préféré. Au début il est un peu primaire puis on découvre une vraie bonté en lui. Cela peut paraître étrange pour un écrivain mais j’aime beaucoup la suggestion, le non-dit. Je n’aime pas toujours mettre des noms sur des choses. Rabah ne parle pas beaucoup mais ses actes en disent long.
Tout à fait. Quand tout va mal dans l’école, c’est souvent que tout va mal aussi en dehors de l’école. Les violences à l’école, ce ne sont que des symptômes.
Ce n’est effectivement pas un roman sur le collège mais c’est un élément important dans la réalité d’une jeune fille de 11 ans.
J’ai tout de suite voulu en faire un enfant précoce pour éviter de tomber dans la caricature. En faire une enfant précoce me permettait d’employer des mots un peu plus proches de mes mots de vocabulaire et de construire ainsi un langage moins « artificiel ». Cet aspect est également important pour le personnage de Tracey qui a un regard un peu décalé sur les autres. C’est une fille assez seule, assez différente des autres. Après, Tracey est un mélange. D’une part elle est basée sur une observation de mes élèves et de mes souvenirs de l’époque où j’enseignais à Saint-Denis, et d’autre part elle a été façonnée à partir de mes souvenirs personnels. C’est un amalgame : il y a en elle des morceaux de moi et d’autres de plusieurs élèves. Je crois que c’est comme cela que l’on créée un personnage, c’est-à-dire en prenant des morceaux un peu partout.
Pour moi c’est vraiment le passage de l’enfance à l’adolescence. C’est l’année de la mutation.
Il se trouve que j’ai un rapport très particulier avec les adolescents. Je les adore alors que je n’aime pas du tout les enfants en revanche. Les enfants m’exaspèrent alors que j’ai vraiment des états de grâce avec mes élèves. Sans hurler, j’arrive à avoir une autorité particulière sur eux. L’adolescence c’est commencer à accéder à un début d’identité.
J’ai eu des retours très positifs de certains professeurs mais je ne sais pas s’ils se reconnaissent… Peut-être n’ont-ils pas envie de se reconnaître, d’ailleurs. Je décris une situation tout de même très difficile, au cœur de la cité. Je suis aujourd’hui dans un collège qui est moins dur que celui décrit dans le roman. Je n’ai en revanche pas encore eu le retour de mes élèves !
La Virevolte de Nancy Huston. Ce n’est pas seulement un livre qui m’a donné envie d’écrire, c’est un livre qui m’a appris à écrire. Je n’étais pas la même après avoir lu ce livre alors même que j’écrivais depuis longtemps. Avant, ce que j’écrivais n’était pas génial. Après avoir lu ce livre, je savais écrire.
« Un amour » de Dino Buzzatti, que je cite d’ailleurs dans le roman. Je l’ai découvert quand j’avais 16 ans et je l’ai relu d’innombrables fois. C’est extrêmement bien écrit
J’aurais aimé lire beaucoup plus de romans de Marcel Proust mais je n’en ai lu qu’un seul, « Du côté de Chez Swann », et je n’en suis pas fière. Mais pour le coup, lui il est écrasant comme auteur. C’est un génie. Je crois que c’est le plus grand écrivain que je n’ai jamais lu.
« Stallone » d’Emmanuèle Bernheim. C’est un livre sorti il y a 10 ans qui est tout simple, sans aucune fioriture mais qui est très fort. C’est également un livre qui m’a appris à écrire. Je le conseille d’autant plus qu’il est aujourd’hui disponible en poche.
Ce n’est pas une citation mais je trouve que « Puisque rien ne dure », le titre d’un roman de Laurence Tardieu, est absolument magnifique. Je crois que c’est extrait d’une chanson de Michel Berger. Je me le répète souvent. Je le trouve à la fois très beau et très vrai.
Je lis « Pastorale américaine » de Philip Roth mais j’ai hâte de le finir et de lire autre chose ! La langue est de grande qualité, la traduction est géniale mais je n’accroche pas du tout. Je trouve ça trop bavard, trop ennuyeux. Après, je vais attaquer Haruki Murakami dont je suis une grande lectrice ! J’ai hâte !
— Il s’en est fallu d’un cheveu ! Sans son regard rapide, sans ses yeux de lynx, XXX XXXX, en ce moment, ne serait peut-être plus de ce monde ! Quel désastre pour l’humanité ! Sans parler de vous, Hastings ! Qu’auriez-vous fait sans moi dans la vie, mon pauvre ami ? Je vous félicite de m’avoir encore à vos côtés ! Vous-même d’ailleurs, auriez pu être tué. Mais cela, au moins, ce ne serait pas un deuil national ! Héros de Agatha Christie