Quand l'histoire commence, Liane a 12 ans. Elle vit dans ce monde, mais n'en a pas la même perception que nous. Remarquez, c'est plutôt normal, dans une famille où les hommes ne font pas long feu. Il arrive même qu'on oublie pourquoi ils ne sont plus là, s'ils sont morts, ou non. On ne sait pas bien.
Il y a Christine, la mère de Liane, Christine qui "se sentait pareille à un tube surmonté d'une tête. Sous la tête, c'était dur, sec, inerte. Il n'y avait ni chair, ni chaleur. Ce n'était même pas humain. Combien de temps devrait-elle encore traîner ce tube inutile ?"
Il y a Huguette aussi, sa grand-mère, qui "adorait sa Christine. Il avait bien fallu qu'elle l'adore d'ailleurs, pour réussir à surmonter son dégoût. Elle adorait sa petite Liane aussi. mais cette lignée de filles issue de Matteo, Huguette avait quand même dû s'acharner un peu pour réussir à l'aimer. Ca avait été un travail. Un vrai travail d'amour."
Il y a Eva, la femme de ménage qui ressemble à Pamela de Dallas, et puis sa fille Armelle, qui aime à dire des "beautés" du genre "va te faire tronçonner en apéricubes par le chef des crackers Belin", "je voudrais qu'un cyclopte pulvérise ta bouche et ton nez", ou encore "Je voudrais que tu te casses en mille morceaux sous les lances des guerriers molmons". Il y a l'arrière-grand-mère de Liane aussi, internée depuis des années, et qui va perdre définitivement la tête lors de l'arrêt de la diffusion de ladite série.
Et Roselyne, la meilleure amie de Liane, choisie parce qu'elle avait les plus gros seins. Eh oui. C'est pas facile non plus de se faire des amis, quand on n'ose participer en classe par crainte de vomir dès qu'on ouvre la bouche. Et puis cette manie aussi, de tout consigner dans des cahiers. Surtout le nom de tous les fromages qu'elle découvre, ou les marques de toutes les eaux, après les avoir goûtées. Elle continuera avec les shampooings, puis les produits de beauté, et les parfums. Elle entrera dans la féminité sans en avoir bien conscience. Presque malgré elle. Ailleurs que dans tous ces regards de femmes.
Cypora Petitjean-Cerf s'immisce dans les vies de famille sans forcer, naturellement. Un chassé-croisé de blessures, fêlures, manques, contraintes, lassitude, et puis de guérison, de cicatrisation, d'espoir et de liberté. Un chassé-croisé de femmes "libres, seules et bizarres." Femmes qui tour à tour nous donnent leur vision des choses, mais toujours à la troisième personne. Sans jamais imposer leur point de vue. Sans jamais s'imposer.
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