Vers l'expérience intérieure : lettres (1952-1973) : à s?ur Thérèse le Saux, par Henri le Saux, responsable : Armelle DutrucLethielleux, chez Artège.
La correspondance du moine et mystique français, figure du dialogue entre christianisme et hindouisme, avec sa s?ur religieuse. S'y découvrent son itinéraire spirituel, ses errances et les éléments forts de sa mystique : l'expérience de l'éternité, la présence dans l'absence ou encore l'exil et l'itinérance. © Electre 2019
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Il m’explique que des fois il faut mettre son orgueil de côté et apprendre à se réconcilier. Ça me donne beaucoup d’espoir… Un jour, mes parents mettront leur orgueil dans leur poche et ils fermeront la grosse poche (parce qu’ils ont des orgueils énormes, mes parents), ils remontrons la fermeture Éclair et tout ira bien. On ne se perdra plus jamais.
La plus grande merveille de la nature, c’est le printemps. Quand tu te réveilles le matin, les oiseaux chantent le lever du jour, ils chantent parce qu’ils sont heureux, ils sont heureux parce qu’ils sont amoureux.
Le vrai bonheur, il se compte dans la tête, il est invisible, il est dans l’instant du présent, c’est comme une conjugaison qu’on a rien compris, il ne se conjugue pas au futur imparfait, il est parfait d’ailleurs, il est toujours là où on ne s’y attend pas, il faut juste ouvrir ses yeux."
La grande différence avec les autres, c’est que ses rêves à lui sont si puissants qu’ils lui donnent l’énergie de travailler même la nuit, tout le temps, même sous la pluie ou sous le soleil, même s’il neige. Et il a des sandalettes magiques qu’il garde tout l’hiver, sans chaussettes, il refuse les bottes en caoutchouc et les chaussures d’ouvrier. Mon père, il aime sentir la nature entre ses orteils.
J’ai toujours des poux malgré les traitements. Elle dit que c’est Fred qui m’en refile parce que lui, il ne se lave pas les cheveux. Je m’en fous, j’ai l’habitude de ces petits insectes grattouilleurs, souvent j’en attrape au-dessus des oreilles ou sur la nuque et je les éclate avec mes ongles. Au début, je les laissais vivants et je les emprisonnais dans une boîte d’allumettes car je suis contre la peine de mort, mais quand Zélie a trouvé la boîte, ça a fait un drame avec des hurlements et maintenant je n’ai plus le droit de les collectionner. Zélie déteste les poux.
une petite sœur, elle l’est pour le temps, c’est pas comme les amoureux ou les trucs comme ça, une petit sœur, même quand t’es à quinze kilomètre ou si tu fais des choses, ou si tu fais rien, elle est pour toujours jours dan ta poche d’amour éternel.
C’est toute ma vie cette chanson, une vie râpeuse, une vie de cicatrises qui se voient toujours mais qui commencent à s’estomper. Un passé qui se transforme en souvenir petit à petit et un avenir qui pointe son bout de son nez. Je m’allonge sur le dos, le morceau finit plus de chanter, le type se répète mais c’est jamais pareil, parce qu’à chaque fois il se libère d’un secret qu’il est tout seul à connaître et à la fin il ne reste plus rien qu’un accord égratigné qui s’éteint doucement , et qui prend tout son temps parce que, justement, c’est la fin. C’est la fin d’un morceau et le début d’un suivant. C’est toute ma vie cette chanson.
Je suis paralysée, immobile sur les ressorts avec la gorge nouée d’avoir entendu autant de beauté. Je ne savais pas que les êtres humains pouvaient fabriquer des intensités pareilles et faire chialer la planète avec une seule phrase et une voix cassée.”
Moi, j’ai jamais su qu’écrire dans les marges et évidemment, ça peut pas plaire à tout le monde.
Je marche vers la foule, je n’ai pas peur de m’y perdre, je suis à ma place parmi les autres, une toute petite place qui me convient.
Je ne sais pas ce que je veux en fait, je voudrais juste continuer de marcher comme aujourd’hui, légère et solide à la fois, fragile mais avec les pieds bien à plat sur la terre, je voudrais continuer mon chemin avec ce sentiment d’être quelqu’un parmi les autres, une faiseuse imaginaire, une petite vendeuse à la sauvette qui a troqué ses sourires contre des mots.
« Un jour, j'aurai la mélancolie (c'est ce qu'il y a de plus beau au monde, la mélancolie, ça veut dire qu'on a eu une enfance très belle et que nos parents sont pas du tout des pervers) »
Quand je me réveille, il fait nuit, je suis dans des bras, les branches craquent sous des pas, je bouge un peu la tête. Les bras sont forts et ils sentent bon le chaud. Sous mon oreille, la respiration est tranquille, je me recroqueville pour mieux sentir l'odeur de la chemise et le chaud. Il me serre contre lui. Il est revenu. Mon papa.