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Citations de Saint-Pol-Roux (50)


 Saint-Pol-Roux
L'éloignement rapproche les amants dont les pages folles se font vite grandes comme des draps de lit.

VITESSE
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Océan :

Divinité de houles et de houles sur des gouffres et des gouffres,
Irascible énergie à la voix de cornoc,
Monstre glauque, semblable à quelque énorme gueule de baudroie suivie d'une incommensurable queue de congre,
Masse mouvante avec, pour âme, cette lame sourde jaillissant en lave d'un puits abyssal,
Époux de la Tempête aux griffes de noroît et cheveux de suroît,
Génie double qui souque ta victime entre vent-arrière et vent-debout,
Démon de verre cassant des vaisseaux comme on casse des noix,
Ogre aux dents de récif qui croque des tas d'hommes comme sur la terre nous croquons des pommes,
Nappe d'orgie sur quoi les flottilles sont les friandises, les escadres les gigots,
Insondable estomac où se digèrent les naufrages dont les épaves rares sur les flots figurent les os,
Diaphragme innombrable au muscle soulevé depuis les tréfonds inconnus jusqu'à l'éclair des nues,
Jungle liquide des sautes-de-vent accouplées aux brisants,
Harpagonie de trésors engloutis,
Joute des aventures d'or et des squales d'acier,
Cimetière dansant où les péris se heurtent, l'alliance au doigt,
Farouche pêle-mêle où tout se trouve - sauf un cœur, Océan...


Aux pêcheurs de Camaret, Camaret, 14 août 1927.
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 Saint-Pol-Roux
Le sourire évoque
une petite fenêtre de l'âme
qui s'ouvre
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 Saint-Pol-Roux
Ce Ruisselet parvule et frais…


Ô l’onde qui file et glisse, vive, naïve, lisse !
Parmi les prairies du songe,
des filles se révèlent parfois la chevelure telle.
Ce Ruisselet parvule et frais,
sans doute est un lézard de désirs purs…
épanoui lézard qu’une étincelle d’œil ferait s’évanouir ?
L’azur inclus est, n’est-ce point ?
la perceptible remembrance des prunelles nymphales
qui s’y séduisirent.
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Les vieilles du hameau
à ma fille Divine


Extrait 2

À la longue, malingres comme des jouets, elles s’en sont allés, mères
de gars éparpillés sur les mers jaune, blanche, rouge, noire, bleue, elles
s’en sont allées dans un hoquet, tirées par quelque bise et lestées d’un
hostie, elles s’en sont allées sans le baiser de leurs petits, dans un linceul
de toile bise, elles s’en sont allées vers le bon Dieu qui leur a mis des ailes
aux épaules et puis des robes d’or et puis des doigts tout roses pour jouer
de la lyre en dansant sur la lande aux étoiles, fleurs d’ajonc des cieux.
L’une après l’autre, elles s’en vont, les bonnes vieilles au fuseau, l’une
après l’autre elles s’en vont, toutes les vieilles du hameau.


Pendant l’enterrement de Tante Lise :
hameau de Lanvernazal en Roscanvel,
23 mai 1900
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LA
RELIGION DU TOURNESOL

Vêtu d’étoffes somptueuses, comme taillées dans un songe de poète pauvre, une grappe adamantine à chaque oreille, les phalanges corselées de bagues, pontife de l’idée sous la tiare ou prince de la matière sous le diadème, j’allai promener autour de la fleur ma braverie de guêpe humaine.
Le Tournesol ne me regarda mie.

Longtemps je m’appliquai à parfaire ma force ainsi que ma beauté, conjuguant la course, le bain, les poids, luttant avec la corne ou la crinière ou le chef-d’œuvre ; une fois très fort et très beau je vins, un essaim de vierges pâmées à mes flancs, produire à l’œil incorruptible de l’inexorable idole le verger de ma forme.
Le Tournesol ne me regarda mie.

Jugeant nécessaire de joindre à l’argument du corps celui de l’âme, je lavai dans mes vagues de repentir le corbeau prisonnier en ma personne puis on me vit parader devant la spéculative avec un roucoulement de colombe aux lèvres.
Le Tournesol ne me regarda mie.


Traversé de la baroque hypothèse que cet œil pouvait n’être qu’une extraordinaire oreille de curiosité, je m’environnai de harpes, de violes, de buccins, et, comme au mitan d’un harmonieux brasier, je m’avançai saluer d’une strophe divine l’inflexible.
Le Tournesol ne me regarda mie.

Sa rude margelle en guise de pupitre, je m’abreuvai si bien à tous les seaux jaillis de la Science que les pygmalions copièrent ma renommée et que les édiles votèrent d’épaisses semelles de granit à mes statues sollicitées par les forums.
Le Tournesol ne me regarda mie.

Espérant décisif le moyen de patrie, je fondis sur la multitude étrangère, saccageai ses lois, brisai ses symboles, brûlai ses bibliothèques, pour finalement m’asseoir sur le trône du roi vaincu dont la langue coutumière de l’ambroisie léchait mes orteils d’apothéose.
Le Tournesol ne me regarda mie.

Si la fleur était simplement quelque étrange malsaine ? complotai-je un jour d’exaspérée lassitude, — et vite d’assassiner une très vieille femme en train d’éplucher des carottes.
Le Tournesol ne me regarda mie.

Découragé, rageusement j’imaginais des combinaisons, inutiles d’avance, — lorsque passèrent sur la route trois Mendiants…
Évangélique, je m’avance.

— Je suis la Semaille.
Dit le premier aux membres de terre et cheveux de fumier.
Je baisai ses cicatrices, desquelles soudainement vagit un avril d’arc-cn-ciel.

— Je suis le Chagrin.
Dit le second drapé de feuilles mortes.
Je l’enchantai d’espoir, à telles enseignes que sa bouche verdâtre s’ouvrit en grenade et montra des grains de rire.

— Je suis la Vieillesse.
Dit le troisième couleur de givre et de faiblesse.

Je jetai mon manteau sur ses épaules, lui cueillis un sceptre de houx dans la lande et lui remis les fruits jolis de ma besace avec le sang rosé de ma gourde, si bien qu’il partit la jambe gaillarde et les pommettes riches.

Alors, me prenant sans doute pour le soleil, le Tournesol tourna vers moi son admiration, — et dans cet œil je m’aperçus tout en lumière et tout en gloire.

p. 92 à 96
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LA
RELIGION DU TOURNESOL


Tout à virer d’après le soleil qu’ancillairement il admirait, jamais ce Tournesol, fervent comme un coup d’encensoir figé en l’air, n’avait daigné m’apercevoir, malgré ma cour de chaque heure et de chaque sorte.
Œil du Gange en accordailles avec le nombril du Firmament, la fleur guèbre ne voulait se distraire de son absolue contemplation .
L’indifférence de cet héliotrope me rendit jaloux de l’astre.
Naine au début tant que superficielle fille de ma vanité, cette jalousie, foncière dès qu’adoptée par ma raison, prit désormais une envergure énorme.
Mes moindres appétits de rival convergèrent vers ce mystérieux pétale à conquérir : un regard de la fleur.
Pour une telle victoire je mis au vent, l’un après l’autre, tous les moyens de stratégie possibles.

p.90
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 Saint-Pol-Roux
Sur un ruisselet qui passe dans la luzerne
À Francis Vielé-Griffin.



Extrait 2

Onde pour les chevilles des mendiantes,
Onde pour les plumes des anges,
Onde pour l’exil des idées,
Onde bébé des pluies d’avril,
Onde petite fille à la poupée,
Onde fiancée perlant sa missive,
Onde carmélite au pied du crucifix,
Onde avarice à la confesse,
Onde superbe lance des croisades,
Onde émanée d’une cloche tacite,
Onde humilité de la cime,
Onde éloquence des mamelles de pierre,
Onde argenterie des tiroirs du vallon,
Onde banderole du vitrail rustique,
Onde écharpe que gagne la fatigue,
Onde palme et rosaire des yeux,
Onde versée par les charités simples,
Onde rosée des étoiles qui clignent,
Onde pipi de la lune-aux-mousselines,
Onde jouissance du soleil-en-roue-de-paon,
Onde analogue aux voix des aimées sous le marbre,
Onde qui bellement parais une brise solide,
Onde pareille à des baisers visibles se courant après,
Onde que l’on dirait du sang de Paradis-les-Ailes,
Je te salue de l’Elseneur de mes Péchés !

Ce Ruisselet, j’ai su depuis, était mon Souvenir-du-premier-âge.

Ô l’onde qui file et glisse, vive, naïve, lisse !
                                             Saint-Henry, 1890.


/Revue Le Mercure de France n° 21
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CRÂNES DE VERRE


 Diaphanes me sont les crânes.
 Je distingue les idées du cerveau comme à
travers le cristal d’une cloche les délicatesses
d’une fleur rare, et, sans que mon prochain
ne s’en doute, je suis l’évolution de son esprit
généralement en contradiction avec la parole
sortie de sa bouche. Il profère : oui ! mais
sous le crâne j’ai surpris : non ! D’où, presque
toujours, un acte oblique, fausse extériorité
du vœu foncier, symbole hypocrite de l’in-
time pensée.
 En vérité, durant telles heures de dégoût,
la vie me parut un carnaval où les effets
n’étaient que les chienlits des causes, aussi
bien, puisqu’il me suffit d’examiner le spec-
tacle de l’individu pour en inférer que son
œuvre est l’opposite de son rêve, en arrivais-je
à ne plus regarder au travers des crânes.
 Ô les crânes humains !
 Pour quelques-uns riches de fleurs ou de
diamants, combien d’analogues à des maré-
cages, à des ravins hérissés de guet-apens, à
des préaux de prison, à des champs de car-
nage...
 Par contre quelle logique sous le crâne des
bêtes. Point de duplicité. Elles sont tendres
ou barbares, bonnes ou mauvaises. Nulle
pensée de loup dans un cerveau de brebis,
aucune pensée de brebis dans le cerveau du
loup.
 La bête est plus loyale que l’homme.
C’est pourquoi je fuis souvent l’humanité
pour aller vivre sauvagement, parmi les pattes
et les ailes.

p.245-246
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AIGUILLES DE CADRAN
À Gustave Charpentier.


 Index et pouce dont le bras invisible pousse
sur une épaule de l’Éternel, que signifie ce
geste essentiel ?

 Que, ta demande aux plumes d’or, il a suffi
qu’elle s’élance hors du vase où fermentent
tes phrases pour dès lors avoir les plumes
blanches ; car l’heure qui se lève est déjà dans
le rêve.

 Index et pouce dont le bras invisible pousse
sur une épaule de l’Éternel, que signifie ce
geste cruel ?

 Que lourde la douleur dont ton âme est la
proie ! que légère la joie dont ton cœur est
la fleur ! Pourtant, tu dois passer le temps de
cette abeille à cette louve jusqu’à ce que vide
soit ta vie comme une outre pressée longtemps
par le soleil.

 Index et pouce dont le bras invisible pousse
sur une épaule de l’Éternel, que signifie ce
geste solennel ?

 Qu’une tombe garde la gueule ouverte, de-
dans laquelle tôt ou tard il te faudra sombrer,
parmi ces dents molles et mobiles nommées
vers.

 Index et pouce dont le bras invisible pousse
sur une épaule de l’Éternel, que signifie ce
geste paternel ?

 Que tout meurt hormis l’œuvre, poète, et
qu’il t’importe de sculpter la Forme à mettre
sur ta pourriture à la merci des vents futurs,
si tu ne veux mourir totalement à la Na-
ture.
     Forêt des Ardennes-en-Luxembourg,
     ce jour des Morts 1895.

p.47-48-49
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(...) le poète démêle, cherche ce qui respire à peine sous les décombres et le ramène à la surface de vie.
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SUR UN RUISSELET QUI PASSE DANS LA LUZERNE


Extrait 4

Onde analogue aux voix des aimées
  sous le marbre,
Onde qui bellement parais une
  brise solide,
Onde pareille à des baisers visibles se
  courant après,
Onde que l’on dirait du sang de Para-
  dis-les-Ailes,
Je te salue de l’Elseneur de mes Péchés ! »

Ce Ruisselet, j’ai su depuis, était mon
  Souvenir-du-premier-âge.

Ô l’Onde qui file et glisse, vive, naïve,
  lisse !

p.71
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 Saint-Pol-Roux
Les Trous-du-cul ce sont maints ciritique modernes. Ils ont deux fesses, disons faces, l'une de miel pour les faiseurs d'ignominie, l'autre de fiel pour les beaux gestes du génie. Les Trous-du-cul ce sont maints critiques modenes. Et ce qui sort de ces princes en us lorsque grince l'anus qui leur tient lieu de bouche, quelque fois c'est du vent, des crachats plus souvent, de la merde toujours



citation trouvée dans le libre de Lionel Bourg "Quelques ombres portées"
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Cigales
À Paul Valéry.


Le Temps récite le rosaire du Soleil.
En ces heures couleur de trésor d’église, des joues d’ange que l’on mangera sourient sur les bras verts des candélabres dont les bobèches d’herbe sèche vocalisent. Par les rubans blancs du vallon blond, dont un coteau semble une idylle de Théocrite et l’autre une bucolique de Virgile, viennent et vont des pèlerins en blouse, ceints d’un diadème qui repousse, tenace, malgré la boule de toile moyennant quoi la main tous les vingt pas l’efface, péremptoire. Dans un verger messire Épouvantail bat la mesure au-dessus d’un pupitre aux notes de cerise exécutées sur le fifre par un berger d’ouailles qui bêlent sous un vol vivace d’hirondelles tricotant l’espace. Ce pendant, devant son seuil enjolivé de chèvrefeuilles, un vieillard d’avant-garde aiguise l’annuelle faulx, comme s’il lustrait avecque de la bise une lame de fond.

Le Temps récite le rosaire du Soleil.

Provence, juin 1891.

p.109
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APOCALYPSE

Le soleil monte faire téter la Vie.

O l'héroïque songe où ma cavale de brise m'emporta juvénilement, à travers l'inique plateau des siècles, vendanger les diadèmes, crever les crânes, fendre les masques, broyer les testicules, fondre les balances, culbuter les idoles ; puis, dans le ravin misérable où daigne l'oeil hautain, sonner la diane révélatrice, secouer l'hébétude des races asservies, couper les anneaux des chevilles, redresser les fronts, tailler une forme humaine dans chaque broussaille de poils et de cheveux, délivrer la rouge alouette captive en la cage des dents et superposer les jougs en escalier pour que, sur la splendide catastrophe des tyrans aplatis en crapauds, les martyrs, qui jusqu'alors ahanaient à la façon des bêtes de somme, sourient, des ailes d'aigle à leurs épaules, parmi la béatitude d'un soleil neuf !

On frappe.
J'ouvre.
Accoudée au chambranle la hideuse Réalité m'insulte d'un rot narquois en plein visage.
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Notre passion de la vitesse naît de l'extensible oubli d'un poids qui n'attend qu'un obstacle pour se rappeler soudain à notre ingratitude.
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 Saint-Pol-Roux

Les arbres échangent des oiseaux comme des paroles.
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Litanies du verbe


Oraison

Extrait 2

  Parmi la misère farouche du siècle en folie, ô mots de la
Nature, du Mystère, de l’Humanité, mots émanés du Verbe
qui fit la Lumière Physique, mots depuis en refuge dans les
gorges des êtres et des failles des choses, reconstituez-vous
dans une équivalente énergie, capable d’extraire cette fois,
du fond de la Ténèbre envahissante, une lumière Morale aux
rayons tout fleuris de la fraternité. Condensez-vous, Mots
redivinisés, dans la bouche d’un être unique fait de tout et de
tous, et, par Lui, nous tous ensemble, parmi cette heure som-
bre où nos âmes s’égarent aveugles, clamons, pour un magique
éveil de l’entière Beauté, clamons en retour, éperdument, nous
les infiniment petits de l’infiniment grand, nous les atomes, nous
les hommes, nous les monstres, nous les efforts et les génies é-
pars de l’Univers, clamons à notre tour dans les oreilles d’Or de
l’Avenir par cette bouche formidable de l’espoir qui deviendra la
nôtre, la phrase initiale du Semeur universel :
  ‒ Que la lumière soit !!! »
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Un seau d'eau souriait devant la porte d'une étable, l'auto n'a pas daigné virer vers lui son gros museau de zinc (p. 25)
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Le chauffeur : un cul-de-jatte aux fesses de sept lieues. (p. 24)
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