Citations de Abby Geni (183)
Le paysage océanique est un patchwork constitué d'un millier d'éclats bleus.
Des nuages filent sur l'horizon par bancs de diverses densités. Leurs teintes mal assorties se réverbèrent sur l'eau, le reflet rendu plus dur par les déferlantes.
La nature et l'isolement sont les deux mamelles de mon existence.
Une photo est une représentation en deux dimensions, comme un tableau ou une esquisse, organisée avec attention, cadrée, découpée. C'est le monde tel que se le représente l'artiste plutôt que tel qu'il est.
J'ai toujours envisagé la photo comme un outil de vérité.
La noyade est un moyen sublime, extatique de quitter ce monde, l'entrée dans un rêve plus que dans la mort.
Au-delà, la mer imposante faisait bloc, telle une grande dalle grise.
"La modernisation est une marée impossible à stopper", a dit Galen.
La pluie tombait plus fort, tel un torrent dans les gouttières, une rivière dans les airs.
Peut-être n'existe-t-il que deux catégories de personnes au monde -- celles qui prennent et celles qui observent -- les pilleurs et les protecteurs -- les chasseurs d'oeufs et les gardiens de la lumière.
Ta mort m’a appris ce qui arrive après l’amour. Ça ne m’intéresse pas de vivre à nouveau une aussi grande perte. Alors je suis partie, toujours plus loin. Je suis arrivée ici.
J'ai été cette personne constituée de sensibilité artistique et de chagrin. J'ai cru que mon esprit était primordial et mon corps secondaire.
L’archipel était la réponse à une question dont j’ignorais que je la posais. C’était le foyer que je n’avais pas connu et que je cherchais depuis tout ce temps.
On dit que le temps ralentit dans des moments de stress très intense. J’ai fait quelques recherches sur le sujet, et en fait, ce qui se passe, c’est que la mémoire devient incroyablement fidèle. En temps normal, l’esprit ne se raccroche qu’aux images et aux événements importants. Nous nous souvenons des grandes choses et oublions les petites. En situation de stress, toutefois, notre cerveau stocke tout. Le temps s’écoule à la même vitesse que d’ordinaire, mais avec le recul, le souvenir devient photographique. C’est comme si la trotteuse avait ralenti, comme si nous étions capables de voir le monde qui nous entoure dans des détails aussi fantastiques que précis.
C’était un après-midi ensoleillé, sans un nuage, le ciel d’un bleu presque douloureux. L’océan était si plat que sous certains angles la profondeur de champ disparaissait. On aurait cru que l’eau avait été suspendue sur un fil à linge comme une couverture, un pan de tissu vertical.
Toujours aussi difficile d’avoir la notion du temps sur ces îles. Les calendriers, les horloges -- tout cela semble bien arbitraire. Une construction artificielle. Ces lieux ont quelque chose d’intemporel. Le passage des saisons ne dépend pas de la météo, mais des animaux. L’hiver est là quand les baleines et les éléphants de mer donnent naissance à leurs petits. L’été est là quand les oiseaux nidifient. L’automne appartient aux requins. La nuit ne suit pas le jour, pas vraiment -- cela impliquerait que l’un arrive avant l’autre. Non, le jour et la nuit fonctionnent plutôt comme une grande vague dont la base serait une aube étincelante qui déferlerait à travers un long après-midi doré et dont la crête serait le soir allant se fracasser contre l’obscurité, après quoi tout recommencerait. Pour moi, le temps sur les îles est une entité indépendante qui ne connaît pas de variations.
Tous les matins, je sors du lit et je souris involontairement au paysage. C'est un dessin au fusain qui va de la tache noire au gris cendre. Le rivage écroulé. Le granit des îlots proches. La déroute éclair des souris. Les nuages vaporeux. Les phoques à la teinte ardoise. Les baleines qui voguent au large comme des sous-marins. C'est un monde dénué de couleur, et pourtant, je lui trouve la beauté d'un arc-en-ciel.
Ici, l'expérience de la perte est une expérience géographique plutôt qu'émotionnelle. Les îles sont un aimant pour la perte.
La vie n'est pas ce que je croyais. Je ne suis pas celle que je croyais. Photographe, nomade, orpheline de mère. Une épistolière, laissant derrière elle une traînée de papier et de mots partout dans le monde, comme celle d'un avion. Une artiste avec un appareil photo en guise de cerveau : froid, précis, calculateur. Une femme en noir.
J’ai regardé l’horizon. C’était une ligne claire entre deux bleus intenses, comme un pli sur une feuille de papier.