Citations de Adeline Dieudonné (896)
On dit que le silence qui suit Mozart, c’est encore du Mozart. On ne dit rien sur le silence qui suit un coup de feu.
Mourir, disparaître, peu importe, ce qui la terrifie c'est que ça se passe sans amour.
"D'accord ma puce."
Ma puce. J'ai cru que mon cœur aller exploser.
Ma puce. Mon père m'avait appelé "ma puce".
Ces deux mots ont tournoyé dans mes oreilles comme des lucioles, puis sont allés se faufiler au fond de ma poitrine.
Leur lumière a brillé là pendant plusieurs jours.
Parmi le bric-à-brac qui traînait dans le cimetière des voitures, j'ai trouvé un vieux micro-ondes. J'ai entrepris de le connecter avec la batterie de la voiture. Si ma théorie était juste, il suffisait de programmer le micro-ondes sur la date et l'heure de la mort du glacier, de faire démarrer la voiture et de provoquer l'orage, le tout une nuit de pleine lune.
D'ailleurs, tout le monde à l'école était mou. Les profs, les élèves. Les uns étaient bêtement vieux et es autres allaient le devenir. Un peu d'acné, quelques rapports sexuels, les études, les gosses, le boulot et hop ! Ils seront vieux et ils n'auront servi à rien. Moi, je voulais être Marie Curie. Je n'avais pas de temps à perdre.
Vous apprendrez ça. Il y a des gens qui vont vous assombrir le ciel, qui vont vous voler la joie, qui vont s'asseoir sur vos épaules pour vous empêcher de voler.
Il fallait que quelque chose se termine. En réalité, c'était peut-être la seule chose que nous partagions tous les quatre, l'envie d'en finir avec cette famille.
Et puis, cette année-là, mon corps avait beaucoup changé. Tout s'était arrondi. Mes seins, bien sûr, mais aussi mes cuisses, mes hanches, mes fesses. Je ne savais pas trop quoi faire de tout ça. je n'y prêtais pas trop attention. Mais je voyais bien que le regard des autres changeait en même temps que mes formes.
J'aurais aimé que quelqu'un, un adulte, me prenne par la main et me mette au lit. Replace les balises dans mon existence. M'explique qu'il y a aurait un lendemain à ce jour, puis un surlendemain, et que ma vie finirait par retrouver son visage. Que le sang et la terreur allaient se diluer. Mais personne n'est venu.
J’emmerde le post-partum. J’emmerde les hormones. Si on avait inversé les rôles, si Romain avait dû prendre ma place, il aurait aussi fini à moitié dingue. On nous vend ça comme les plus belles semaines de notre vie, on appelle ça un « congé », veinardes que nous sommes. Et moi j’y avais cru. J’avais imaginé des journées à ronronner, l’enfant tendrement endormi dans son couffin en osier, le soleil oblique éclaboussant un plaid en cachemire blanc, l’odeur de la lessive fraîche, moi m’abandonnant aux œuvres complètes de Dostoïevski en écoutant Bach. Mon cul.
Nina ne dormait quasiment que dans mes bras, une suture de la césarienne avait lâché à l’intérieur de mon ventre, je me déplaçais courbée à angle droit, comme une grabataire. J'attendais le retour de Romain pour prendre ma douche, ce qu'il semblait avoir du mal à comprendre mais il s'abstenait de tout commentaire.
(P. 97)
Mon école était un immense bloc de béton noir bordé de quelques arbres. D’une certaine façon, il ressemblait un peu au Démo. Le charme d’un bunker, entouré d’une végétation domestiquée. Une nature qu’on tolérait encore mais qui avait perdu la bataille depuis longtemps. Les salles de classe étaient percées de quelques fenêtres, étroites comme des meurtrières. Si étroites qu’un corps n’aurait pas pu s’y faufiler. C’était une belle métaphore du système pédagogique de l’établissement. Un carcan qui ne se donne même pas la peine de donner l’illusion de la liberté. J’appréciais l’ironie de la chose. Au moins, ça avait le mérite d’être cohérent.
Alors j'ai décidé que moi aussi j'allais inventer une machine et que je voyageais dans le temps et que je remettrais de l'ordre dans tout ça.
A partir de ce moment-là, la vie ne m'est plus apparue que comme une branche ratée de la réalité, un brouillon destiné à être réécrit, et tout m'a semblé plus supportable.
Le rire de Gilles pouvait guérir toutes les blessures
La hyène m'a mordue avec ses yeux, comme à chaque fois.
On dit que le silence qui suit Mozart, c'est encore du Mozart. On ne dit rien sur le silence qui suit un coup de feu. Et la mort d'un homme.
page 261
Ces taches m'intriguaient toujours. çà me rappelait les mains du vieux glacier. Avec l'âge, moi aussi, je finirais par rouiller comme une vieille clôture.
( p 214)
Que la vie est une grande soupe dans un mixer au milieu de laquelle il faut essayer de ne pas finir déchiqueté par les lames qui vous attirent vers le fond"
J’aimais tout ce qui avait trait au commencement. Ce moment où on imagine que les événements vont se dérouler selon un schéma planifié, que chaque nouvel élément va nous arriver sur un tapis roulant comme un colis dans un centre de tri et qu’il nous suffira de le ranger à l’endroit approprié. (...) Quelques heures douces et chaudes comme un ventre maternel, pendant lesquelles je pouvais entretenir l’illusion de posséder un semblant de maîtrise sur le cours de mon existence. Comme s’il existait un rempart pour me protéger de la hyène. Évidemment, je finissais toujours par m’apercevoir (...) que la vie est une grande soupe dans un mixer au milieu de laquelle il faut essayer de ne pas finir déchiqueté par les lames qui vous attirent vers le fond.
Gilles a lâché la main et s'est tourné vers la bête. Il s'est approché et a posé ses doigts sur la gueule figée. Je n'osais plus bouger. Elle allait se réveiller et le dévorer.Gilles s'est laissé tomber sur les genoux. Ses lèvres tremblaient. Il a caressé le pelage mort et a passé ses bras autour du cou du fauve.
Le présent ne me va pas, je retourne à mes souvenirs.
(p.151)