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Citations de Adrien Genoudet (16)


Si je peux vous rendre service pour rétablir quoi que ce soit - la vérité des faits d’armes - pendant la période de la résistance - vous pouvez compter sur moi - je peux rechercher replonger dans mes souvenirs ———————je veux bien vous raconter Ariot —— vous raconter le maquis ———vous racontez l’usine ————vous parler des hommes ————— mais je m’arrêterai à Nevers ——— à la Libération———je n’ai rien à ajouter sur l’époque d’après
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Sous la vrille bouffie du cou éclatait son visage peint de nerfs, de couches de fruits rouges, de veines cintrées, de tons violacés, étouffés, saturés de peines, où l’on imaginait un passé d’assommoir, d’eau-de-vie, de brûle-gueule ; le visage de Nicole racontait à lui seul les défaites successives, les efforts, la guerre lasse qu’il avait fallu mener pour en arriver jusque-là, c’est-à-dire au même endroit, quatre-vingt-dix ans plus tard ; et pour mieux voir le destin en face, Nicole portait des culs de bouteilles démesurés, à monture épaisse bleu marine qui semblaient, eux aussi, amalgamés à la chair du crâne, aux sourcils, à ses oreilles chagrines ; et derrière le verre, on tombait sur ses yeux éteints, du charbon pillé qui prenait toute la place, à un point tel que lorsqu’elle retirait ses lunettes, un court instant, pour les nettoyer, j’avais l’impression dantesque qu’elle déchaussait son regard pour récurer ses yeux avant de les remettre à leur place.
(p. 95)
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Tout à l’heure – mais suis-je encore capable de comptabiliser le temps qui passe ? – je lis, sur l’écran de l’ordinateur : « Une photographie prise à l’intérieur du Bataclan circule sur les réseaux sociaux. » La description est claire. « Un cliché publié dimanche sur Twitter a fait scandale sur les réseaux sociaux. L’image montre l’intérieur du Bataclan après la fusillade perpétrée vendredi soir. Elle semble avoir été prise depuis l’un des balcons de la salle de spectacle, explique Metronews. Le cliché montre une trentaine de personnes gisant à terre, dans des mares de sang. Rapidement reprise à droite et à gauche sur les réseaux sociaux, la photo, choquante, s’est répandue sur les fils d’actualité d’internautes qui n’avaient pas du tout envie de se retrouver face à ce genre d’horreur. » Protégé par un filtre flou, je lis ces mots : « Attention, ce diaporama contient des images pouvant choquer la sensibilité de certaines personnes. »
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Nicole n'en revenait pas. Des jours qu'elle attendait ce message :la mouche est dans le vinaigre, deux fois. C'était leur tour, c'était pour eux ; elle était assise là et elle se retenait d'éclater de rire, de hurler, de se lever et de sauter de joie ; elle devait être silencieuse, ne pas e manifester, car sous le plancher, comme chaque soir il y avait des voix allemandes, l'ennemi était tapi sous elle, rouge et souriant d'ivresse. Plus loin, Onésime et les autres l'attendaient.
La phrase était passée, elle avait traversé, habité, hanté les maquisards elle voulait dire au fond, qu'il était possible de gagner la guerre ici, à l'échelle d'un bois ; la mouche est dans le vinaigre, voulait dire qu'ils existaient, eux, tous ces hommes qui avaient choisir de désobéir et de prendre les armes.
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Le corbeau m'invitait à penser aux cimes, à la hauteur ; je le regardais taper du bec, se battre avec un morceau filandreux de viande que je venais de lui apporter ; et je fixais l'aspect ancestral de ses pattes, son équilibre tendu tirait vers moi un banc placide, étrangement sur lequel je pouvais m'arrêter, penser, réfléchir ; sa nervosité étalée, longue, dans les crocs de ses serres, le reflet de ses écailles, du blanc de fenêtre, des brisures pilées de coquillages, tout cela me donnait un sursis, dansé, balancé, entre les tempes, une impression de transfert ; il portait à lui seul la violence de l'affamé et je lui opposais, à cet instant, un calme mou de prince. Il tapait du bec et les coups répétés finissaient par laisser des traces, des rayures sur le bureau.
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J'avais 18 ans, faut bien imaginer, j'étais une gamine, j'avais les godasses qui flageolaient, là sur les pavés, et puis c'est pas droit les rues de Nevers, hein, ça monte, ça descend, j'avais l'impression d'être trimballée comme un paquet, quoi.
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Qui avait bien pu les dénoncer ? Onésime pensait au déroulé des choses, à ce qui pousse certains de ces tire-au-cul à chuchoter dans l'oreille des Boches, à se déplacer, à écrire sur un bout de papier, à le poster, à aller à la kommandantur à Nevers..
Imagine-t-on l'homme que l'on dénonce, prend il corps dans l'esprit des dénonciateurs ; pensent il à nouveau dans le reflet du miroir, en retirant à ras la mousse et les poils de nuit, pensent-ils aux corps qui, par la seule force, audible, distincte de leur voix, basculent en déchéance, disparaissent pourrissent au fond des fosses communes ?
Qui avait décider de les supprimer ? qui voulait les voir morts, pendus, déportés ?
Qui était ce faux patriote mou , béret lunaire qui voulait tant plaire aux Boches ?
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Onésime aurait aimé à cet instant, passer le portail blanc, pour y trouver Blanche, un bol à la main, une miche épaisse et du beurre, jaune d'œuf, il aurait aimé sentir le laurier, l'odeur de bois fumé de Naudet, sa chaleur de branche, ancienne, tremper le couteau dans la confiture, il aurait aimé simplement ressentir à nouveau les allées et venues du service de Blanche, de son attention, aux petits soins, penchée sur son front, sentir les brassées de pipe, mais seul le vent lui répondait, des bourrasques d'aube, une rosée froide, humide, glaçante jusqu'à l'os.
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Nicole avait agrippé mon bras pour marcher et je sentais sa pression, sa griffe, m'en voulant presque d'être aussi maigrichon ; j'étais loin d'être une épaule sur laquelle on pouvait se reposer, un bâton de vieillesse ; je marchais en subissant le poids éreinté, tassé, de Nicole, et je faisais tout pour me donner des airs solides alors que je pouvais tomber à tout moment, un boulet traînant au bout du bras.
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Blanche cherchait à convaincre Naudet en pointant les réclames dans les journaux. Un temps, avant d'accepter la canne et sa paix relative, Blanche ne jurait que par la jambe Fédération, adaptée aux volumes des moignons grâce à la forme recherchée des cuissards, avec ceinturon confortable et laçage, articulée et pouvant même reproduire la flexion du genou par un mécanisme à double verrou : la jambe Fédération faisait rêver Blanche car elle avait lu qu'elle simulait la jambe absente, qu'elle répondait au souci de coquetterie des blessés et que, le dimanche, le sujet pouvait mettre le pied. Naudet ne lui répondait pas, lui renvoyait sa coquetterie, ses réclames à la figure et il prenait sa canne, se dépliait et sortait loin en clopinant.
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Onésime frappait le corps indistinct dans la cave de l'école normale de Nevers, mais il n'était plus là, il réglait son compte à la vivacité funeste de l'injustice, à son irrépressible menace, constante au fil des heures et des jours, dans le fléau irréconcilié des fluides, du sang, des organes en batailles, cette matière vive qui peut mener, comme la pression invisible des barrages, au plus douloureux des crimes ; Onésime avait cessé toute résistance, il laissait la place à la brutalité la plus primitive, l'eau contenue déferlait dans la cave ; et c'était rouge, rouge vif, rouge noir ; l'Allemand ne bougeait plus, il était animé par la rage des coups d'Onésime, pantin ouvert, décharné, dévoré de l'intérieur.
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Il a écrit là, sur mon torse, quoi, il a écrit Pain BLANC, il a écrit ça sur moi, et l'autre ce connard qui m'a déshabillée, il a mis sa bouteille de vin, entre mes seins, et il la bougeait sans s'arrêter et tout le monde se marrait, éclatait de rire.
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La pluie gonflait un peu plus les remontées vaseuses de la terre, des odeurs de branches, de bois gorgés, d'humus et de mousse, un relent de poignée familière de parfums d'enfance lorsqu'il m'arrivait de jouer ici, à hauteur d'herbe, ce mélange de Saint Suaire, où planaient, par je ne sais quel savoir, les notes salines, odorantes, successives des corps en sieste, définitives et disparues, qui avaient précédé ma naissance.
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Les premières gouttes de pluie, maigres, se fracassaient en sourdine sur le cuir de la veste d'Onésime ; je me retrouvais tout à fait seul et je mesurais soudainement le poids de cette sorte d'exil que je m'étais imposé, de ces années passées à être ailleurs qu'en moi-même.
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Les événements sont liés aux balustrades. On se penche et on se plie de tout notre corps, on se casse les os, les mains fermées et adossées contre le fer forgé lisse pour contempler l’émoi qui brame plus bas, dans la fosse. Il n’y a pas de mécanique, c’est ainsi, le tout est un silence que l’on aperçoit d’une alcôve, d’un cocon dessiné par le coude d’une rambarde ; rien d’étonnant, en somme, que le siècle de l’Histoire et de l’événement en France soit celui du corps qui se cintre le long des balcons longilignes d’Haussmann. Ils disaient balcons-filants comme les étoiles ; ce qui passe vite, trop vite, en un éclair, ce qui reste coincé derrière les paupières lorsqu’elles ont barricadé l’irréversible. Du haut de la balustrade on voit passer les mythes car l’événement advient là où l’on sait y reconnaître des images, c’est une plongée, la tête la première, les yeux écarquillés et fragiles, c’est un clin d’œil borgne détraqué par le doute : est-ce cela, est-ce bien cela qui vient d’entrer dans le fond de ma rétine, est-ce cela qui soudain colle sur mon pont aveugle, le défilé en boucle d’images en cadence, cadenas, closes ici, qui reviennent et rabattent ce que nous pensions avoir laissé ailleurs, au coin, dans le fœtus de l’enfance ? Est-ce bien cela ?
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Matière et mémoire, donc, pour y voir plus clair, pour tenter d’approcher la fabrique de cette image. Je ne suis pas d’accord, c’est ainsi ; non, une image n’est jamais seule, elle n’apparaît pas d’un trait, toute seule, de nulle part. Une image ne naît pas comme l’enfant hurle en inspirant. Cette image, quelque part, est inspirée. Vous m’excuserez, mais ce n’est pas possible autrement, je ne peux croire que le premier réflexe de l’esprit, dans un saut spontané, fut de déplacer mon visage, de le placer, juste là, au milieu des autres, au centre des gisants, de lui donner l’odeur et la couleur de la gouache. Je le promets, avec toute ma franchise battue par l’âge, que ce visage, mon visage, y était le jour même, au milieu de la fosse, avec vous, avant même d’y voir plus clair, avant même d’être assailli par les images des autres, des images interdites, des images volées – des images vendues sans scrupule. Je peux comprendre que l’esprit trouve ses propres fuites, produise ses recoins et ses pistes, je peux assimiler que des images adviennent sous les à-coups d’un pressoir, chaque jour, au gré des frôlements et des fusions, qu’elles émergent et parfois nous fassent jouir, seuls, les dents serrées, le sexe entre les mains. Mais ce visage, mon visage, dans une mare de gouache de maternelle, parmi vous, au Bataclan, je cherche à l’étreindre.
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