Ça aurait été mauvais pour moi de revenir sur le passé, ou une explication vaseuse dans ce style. Tourner la page, c’est l’une de ses expressions favorites…
C’était étrange de s’être quittés enfants, d’avoir été si proches, puis de se retrouver adultes après avoir, chacun, raté un long pan de la vie de l’autre. Le familier et l’inconnu se frôlaient sans cesse, la frontière entre les deux était floue. Le ton était tantôt direct, comme celui des enfants qu’ils avaient été, tantôt distant comme celui des adultes étrangers l’un à l’autre qu’ils étaient devenus.
Il a horreur des joueurs de golf. Il dit que les golfeurs gaspillent notre eau pour arroser leurs pelouses inutiles, que ce sont des parasites de l’humanité et je ne sais plus quoi dans le genre.
Les gens qui nous veulent du bien, il faut s’en méfier comme de la gale. Ce sont ceux qui font le plus de conneries et le pire c’est qu’ils ont bonne conscience !
C’est mauvais de passer son temps à ressasser les souvenirs et à se lamenter. Ce n’est pas comme ça que tu pourras grandir et devenir un homme. Il faut savoir tourner la page. C’est la seule façon de s’en sortir
Il mettait tant d’application à ce que sa vie soit lisse, sans aucune aspérité où le chagrin pourrait s’agripper et s’incruster, qu’il avait toutes les raisons d’être satisfait. Bien sûr, en ayant choisi de retourner dans la ville de son enfance, il prenait le risque de voir cette mer d’huile dont il avait fait son existence s’agiter un peu.
C’était si bon de pouvoir partir sans regret, sans douleur. Il fallait faire en sorte que cela soit toujours ainsi.
Ce n’est pas la peine de se créer des problèmes là où il n’y en a pas.
À force de s’offrir à la lumière du soleil autant que faire se peut, chaque année, quand arrivait l’été, Joseph était bronzé comme s’il revenait d’une île des Caraïbes. Il était fier d’arborer sa mine qui allait à la perfection avec son allure de séducteur qu’il entretenait avec soin.
Et si tu veux mon avis, ça ne m’étonnerait pas qu’il te déroule le tapis rouge, vu que c’est à peu près aussi difficile de trouver un bon anesthésiste que de trouver une orchidée dans un champ de pommes de terres et…
C’était toujours ainsi avec lui, depuis si longtemps que c’en était devenu une seconde nature : plus une émotion lui vrillait les chairs, plus il se composait un masque d’indifférence sur lequel tout pouvait glisser sans jamais l’atteindre ; protégé par cette armure invisible, il pouvait traverser tous les tourments de la vie sans jamais se blesser.
Mais, à force de serrer les mâchoires, il finissait par avoir mal.
...il vaut mieux laisser le passé là où il est, sans rien remuer. Rien. Sous peine de voir remonter à la surface presque lisse de son existence la lie de ses souvenirs. Les vieilles plaies risqueraient alors de se rouvrir.