- Mon fils ne laisse pas souvent passer quelque chose. Tu dois te rappeler de ne pas oublier où se situe ta place. (Baji Nasreen)
Oublier où est ma place? Chaque jour je m'éveillais sans l'odeur du déjeuner, flottant dans l'air, que préparait ma mère. Chaque jour, je m'éveillais dans un silence assourdissant au lieu d'entendre les rires et les cris de mes sœurs. Chaque jour, je me rappelais tout ce que j'avais perdu. Je me rendais compte qu'aussi bonne que soit Baji Nasreen à mon égard, elle ne pourrait jamais comprendre ma position.
Je savais qu'apprendre à lire ne changerait rien au fait que Fatima était coincée ici, tout comme moi, à laver les planchers, à épousseter les plinthes et à peler les pommes de terre. Mais au moins, en lui apprenant à lire, je lui ouvrais une fenêtre par laquelle elle pouvait contempler le monde extérieur et je lui donnais l'occasion de s'imaginer quittant les murs de ce domaine, libre, même si ce n'était que pour un bref moment.
- C'est moi qui devrait te présenter mes excuses, dit-elle. je n'ai pas été une bonne mère dernièrement.
- Non, Amma, ne dis pas ça.
- Tu es mon aînée, mais tu es encore une enfant, dit-elle. je en sais pas...on dirait que je suis tombée dans un puits, le mois dernier. Tout était si sombre. Ça se produit pendant un temps chaque fois que j'ai un enfant.
- parce que nous sommes des filles, murmurai-je.
- Quoi? C,est faux!
Elle prit ma main dans les siennes.
-J'étais là. Tu pleurais. Tu voulais un fils.
-Oui, nous voulions un fils, dit-elle en soupirant. Mais ça ne veut pas dire que nous n'aimons pas nos filles. Tu fais partie de moi; comment pourrais-je ne pas t'aimer?

- Pourquoi avais-tu besoin de le savoir ?
Bilal donna un coup de pied dans un caisson.
- Je t’avais dit de ne pas le faire, reprit-il. Tu te fais du mal pour rien. Ce n’est pas comme si le fait de savoir ce qui s’est passé pouvait changer quoi que ce soit.
Nous y revoilà. Rien ne changerait.
Cette famille était si puissante qu’il était inutile d’essayer de se battre contre elle. Mais …
- Juste parce que quelque chose semble impossible, cela signifie-t-il que nous ne devons même pas essayer ? demandai-je.
Ils se tournèrent tous les deux pour me regarder.
- Essayez quoi ? demanda Bilal. Il n’y a rien que nous puissions faire. Personne ne fera quoi que ce soit.
- Et si nous faisions quelque chose ? insistai-je. Et si nous tentions de l’arrêter ?
- Comment ? dit Nabila en essayant ses larmes.
- Et si nous disions à quelqu’un ce que nous avons entendu, que nous savons qu’ils ont tué le fils du diplomate, peut-être que quelque chose se produisait ?
- Mais bien sûr, railla Nabila en reniflant. Comme s’ils allaient nous croire nous, plutôt qu’eux.
Elle avait raison. Pourquoi nous croiraient-ils ? Bilal se racla la gorge.
- Et si ce n’était pas seulement notre parole contre la leur ? demanda-t-il doucement. Et si nous pouvions leur dire où se trouve le cadavre ?
- Oh, Bilal, chuchota Nabila.
- En tant que domestique personnel, j’en sais plus que je ne le voudrais, avoua-t-il en regardant vers le sol.
p. 243-244
Citation choisie par Loghan
Je passai ma main sur la couverture. Je ne m'attendais pas à avoir encore cette chance, à pouvoir tourner des pages et apprendre de nouvelles choses pour garder mon esprit vivant. Je ne pouvais pas refuser. Cela valait la peine de prendre le risque, si cela me permettait d'avoir de nouveau des livres dans ma vie.
- Sa voiture m’a renversée. Il a pris mes affaires. Pourquoi est-ce moi qui ai des ennuis ?
- Depuis quand la vie est-elle juste ? dit mon père en secouant la tête. Tu peux lire des livres et nommer la capitale de la Chine, mais tu n’as aucune idée de la façon dont le monde fonctionne.
Je doutais de pouvoir un jour m’habituer au fait qu’on parle de moi comme si j’étais du bétail au marché.
Bien sûr, je savais qu'ils désiraient un fils. J'avais entendu les conversations de nos voisins et les chuchotements dans notre propre maison. Mais en voyant l'expression de mes parents, je sus qu'ils n'étaient pas déçus : ils étaient accablés.
Si tout le monde décrétait que rien ne pouvait changer, rien ne changerait jamais.
Pour la première fois depuis que j’étais ici je me sentais heureuse
j’aurais aimé pouvoir dire à Mlle Sadia et à Omar que j’avais trouvé le moyen de la poésie malgré tout
Catalina et Margot:)