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Critiques de Alain Testart (26)
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La servitude volontaire, tome 1 : Les morts..

Nul besoin d'être spécialiste pour entrer dans les deux volumes de cette oeuvre écrite pour ouvrir des horizons au lecteur profane, patient et curieux. L'auteur commence par décrire avec précision le phénomène universel, et si étonnant, de "la mort d'accompagnement", à savoir du rite funéraire qui consiste à sacrifier, aux funérailles d'un grand personnage, ses serviteurs, son entourage, ses fidèles, censés l'accompagner dans l'autre monde. L'enquête, remarquablement complète, passe en revue les cinq continents et tous les témoignages archéologiques de toutes les sociétés possibles. C'est en soi une découverte fabuleuse pour nous, qui sommes mis en face de tant de sociétés si diverses, et qui pourtant se rejoignent en des similitudes ou parallélismes troublants.



De là, l'auteur va interroger en détail le type de lien social qui motive la mort d'accompagnement : relations de service, d'esclavage, de captivité, d'alliance, d'amitié avec le chef. Enfin, il aborde la question plus abstraite des origines de l'état, telle qu'elle s'articule aux liens personnels qu'il a décrits. L'ouvrage progresse donc du plus concret au plus abstrait, du descriptif au théorique, mais comme nous sommes guidés à chaque étape, tout reste clair et stimulant.



Non seulement le lecteur fera le tour du monde des sociétés, mais il verra l'universalité des questions d'autorité, l'universalité de la pratique esclavagiste, étudiée de près, et ce que signifie pour une société l'abandon de la mort d'accompagnement au profit d'une nouvelle relation moins personnalisée, construite autour de la notion d'état. L'essai, passionnant, rédigé dans une langue claire, se lit facilement et dissipe un grand nombre de préjugés au passage.
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Les chasseurs-cueilleurs ou L'origine des i..

Contrairement à l’idée longtemps admise selon laquelle l’apparition de l’agriculture représenterait un tournant, voire une « révolution », et serait à l’origine du développement des inégalités, Alain Testart (1945-2013) met en évidence le rôle déterminant du stockage des ressources et de la sédentarisation.

(...)

Exposé extrêmement rigoureux qui propose une nouvelle histoire des origines de l’humanité et apporte une nouvelle interprétation de l’apparition des inégalités.



Article complet sur le blog :
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Les chasseurs-cueilleurs ou L'origine des i..

Entendons-nous bien, il s'agit là d'un livre d'anthropologie. Bien écrite, claire et concise, cette étude très complète, nous éclaire sur l'aube de l'humanité et sa propension à l'appropriation, et aux inégalités qui en découlent.



Alain Testart nous prouve, à partir de fait indéniables, que ce n'est pas l'agriculture elle-même qui a dévoyé l'humanité, mais bien le stockage de denrées indispensables, déjà mis en place par les chasseurs-cueilleurs sédentaires.



Le stockage de richesses entrainant la thésaurisation, qui induit de fait le pouvoir, qui lui-même assoie les inégalités... La naissance de notre monde remonte à si loin, qu'on en avait oublié les fondements.
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Les chasseurs-cueilleurs ou L'origine des i..

Commençons par ce qui me chiffonne avec le titre à rallonge de Les chasseurs-cueilleurs ou L'origine des inégalités d'Alain Testart, publié initialement en 1982 : il s'agit de cette idée bizarre qu'il y aurait une origine aux inégalités entre les êtres, et d'autant plus que cette origine aurait forcément un rapport avec nous autres humains. Quand on se tourne un peu vers la biologie, il apparait que les inégalités entre les êtres sont un facteur intrinsèque à la vie elle-même. C'est justement parce que les êtres sont inégaux entre eux que la sélection naturelle peut agir et sélectionner les traits adaptatifs, sélection sans laquelle la vie ne saurait être. Et les humains ne se sont certainement pas extraits de cet état de fait. Ainsi j'aurais préféré un titre comme par exemple L'évolution des inégalités, mais bref, je ne parle sans doute pas de la même chose que l'auteur, passons.



Les chasseurs-cueilleurs ou L'origine des inégalités est un excellent bouquin d'anthropologie, un vrai classique, à placer à côté de Sapiens et de The dawn of everything. Comme le second il constitue une masse passionnante d'informations sur les peuples plus ou moins anciens et leurs modes de vie, et comme le premier, il offre une théorie sur les origines des structures sociales modernes. On connait l'idée populaire (et notamment popularisée par Sapiens ou encore Against the grain) que l'agriculture serait à l'origine des inégalités sociales, mais Alain Testart développe ici l'opinion que ce ne serait pas l'agriculture la "responsable", mais bien la technologie qu'est le stockage. Après tout, bien des sociétés de chasseurs-cueilleurs ont pu être à peu près sédentaires en se passant de l'agriculture, il suffisait d'avoir des sources abondantes de poissons, céréales sauvages ou autres ressources, de préférence d'une façon saisonnière pour encourager le stockage, et hop, on a des sociétés "complexes" de chasseurs-cueilleurs.



Les villages construits en dur précèdent l’agriculture. Les exemples ne manquent pas, et j'ai eu l'impression que The dawn of everything répétait en fait beaucoup de choses qui étaient déjà présentes ici. Ainsi il s'avère que la sédentarité (possible grâce au stockage) aurait conduit à l'invention de l'agriculture plutôt que l'inverse. On perd l'opposition nomade/sédentaire (de nombreux peuples partageant de toutes façons leur année entre ces deux façons de vivre) et on se retrouve avec cette nouvelle classification des peuples : ceux qui pratiquent le stockage (stockage qui permet l'accaparement des ressources par une minorité) et ceux qui ne le pratiquent pas (les ressources étant consommées globalement en commun sur le moment). Il y a dans cette séparation un profond saut culturel : quand on stocke, c'est qu'on ne fait plus confiance à la nature pour nous nourrir !



Rappelons aussi l'extraordinaire diversité des modes de vie anciens/traditionnels. Non seulement chaque peuple est adapté à des conditions géographiques très particulières, conditions auxquelles vient se greffer le chaos mémétique qu'est la culture : en combinant ces deux bases, on peut obtenir presque tout ce qui est imaginable. L'agriculture a existé à des tas de niveaux différents, et diverses sociétés qui pratiquaient plus ou moins l'agriculture, et la pratiquaient de plus en plus ou de moins en moins en fonctions des conditions matérielles et culturelles, ont pu coexister pendant des millénaires. Par exemple, sur la côte ouest de l'Amérique du nord, on pouvait trouver au nord et au centre des sociétés plus ou moins sédentaires de pêcheurs (pratiquant le stockage par séchage ou fumage) et au sud d'autres sociétés dont les glands constituaient la base de l'alimentation (et étaient stockés). (Voir carte p.103 et pages alentour.) Dans les terres, hors proximité de ressources abondantes (fleuves à saumons, voire plaines de céréales sauvages), la tendance au nomadisme était plus forte pour faire face à des ressources plus rares.



Le facteur limitant de ces sociétés de chasseurs-cueilleurs déjà à peu près sédentaires, ce n'est pas tant la quantité de ressources disponibles de façon saisonnière (poisson par exemple) que leur capacité à stocker ces ressources de façon à passer la saison creuse. Déjà les techniques, non seulement de pêche/chasse mais surtout de stockage, façonnent la vie et la survie des peuples. Dessication, fumage, macération, fermentation, conservation au froid... Les techniques sont conditionnées par la géographie. Le fameux pemmican, quant à lui, concerne plus les classiques chasseurs-cueilleurs : compliqué à fabriquer, il offre un concentré nutritif parfait pour des peuples mobiles qui peuvent plus difficilement, par exemple, conserver le poisson en fosse. Bien entendu, un même peuple peut multiplier les techniques de conservation de façon à servir des buts différents et à limiter les risques, si le climat le permet : ainsi on ne fait du surgelé qu'au nord, on ne sèche pas si on est dans une zone humide, etc. Toutes les proies ne se prêtent pas aussi aisément à conservation. Ainsi, seuls les poissons à chair maigre peuvent être séchés avec efficacité.



On oublie vite la vision idéaliste des chasseurs-cueilleurs égalitaires. La côte nord-ouest, où on vit surtout de la pêche, est la zone la plus peuplée d'Amérique du Nord, et tout le monde s'occupe beaucoup de prestige. Les puissants dominent, la propriété de la terre existe, il y a des tributs, des esclaves qui peuvent être exécutés à loisir, sans compter les guerres... Un chef peut avoir plusieurs dizaines d'esclaves, qui font l'objet d'un commerce. En Californie du nord-ouest, la richesse est une véritable obsession, tout à une valeur, chaque offense se paie, et le rang social est la première des préoccupations (p.122-123). Ainsi la guerre sert de façon classique à piller l'ennemi, s'approprier des esclaves et des terres.



Les sociétés sont profondément liées au rythme des saisons, comme le montre le petit schéma page 136, où on voit les diverses activités d'un peuple qui pratique à la fois la chasse, la pêche et l'agriculture : chaque activité a son moment. Les différences géographiques permettent une certaine économie de marché entre les peuples : quand la densité de population le permet, on échange ce qui est abondant dans un territoire contre ce qui est abondant dans un autre. On trouve aussi des exemple de division du travail (hors la classique division hommes/femmes), d'utilisation de monnaies d’échange, de spécialisation de villages dans la fabrication d'objets destinés à l’exportation, et même de destruction des biens précieux pour prévenir l'inflation !



Le stockage semble bien plus rare dans les régions tropicales car 1) l'absence de saisons fait qu'il n'y a pas une saison d'abondance et une autre de pénurie et 2) les écosystèmes sont moins spécialisés et plus variés, ce qui favorise l'abondance d'une grande diversité de ressources plutôt qu'une ressource unique comme glands, noisettes ou poisson. Il y a donc moins de raisons de stocker, d'autant plus qu'un climat chaud et humide est très défavorable à la conservation. Cette difficulté est même progressive du nord vers l'équateur : au nord la glace rend aisée toute conservation, et plus on descend, plus les conditions deviennent hostiles au stockage.


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Les chasseurs-cueilleurs ou L'origine des i..

C’est dans la collection folio histoire que ce livre est réédité, quarante ans après sa première parution en 1982, mais il s’agit plutôt d’un livre d’anthropologie économique. Et sous ce vocable un peu ronflant, c’est un livre à la fois érudit et facile d’accès qui se cache.

J’ai fait un peu d’anthropologie économique lors de mes études, c’est donc un cheminement de pensée duquel je me sens proche. Je me souviens de ce prof qui nous disait que tous les traits d’une société pouvait être expliqué par une raison économique. C’est peut-être un peu exagéré mais je n’en suis pas sûre, et il s’agit bien des grands traits d’une société, pas des comportements individuels, et d’une analyse basée sur la rationalité économique, et non financière. Je semble m’éloigner un peu de ce livre, mais pas tant que cela, car Alain Testart met en œuvre ce type d’approche rationnelle pour tenter de voir ce que peut nous enseigner l’étude de ce que la plupart des anthropologues avant lui ont considéré comme une exception : les chasseurs-cueilleurs sédentaires. En tentant de comprendre plutôt que d’écarter d’un revers de main et en s’appuyant sur une masse impressionnante de sources, il remet en cause de nombreuses théories et idées reçues.

Comme le titre le suggère, il montre en effet que ce n’est pas l’agriculture qui est la cause nécessaire et unique de la sédentarisation et de l’apparition des inégalités. Il existe en effet des cultures de chasseurs-cueilleurs sédentaires, ce que, dans ma grande ignorance, je n’avais jamais réalisé avant d’ouvrir ce livre. L’opposition entre chasseurs-cueilleurs et agriculteurs-pasteurs est donc immédiatement battue en brèche, tout comme la lecture historique qui en est faite et Alain Testart remet quelques vérités en place, an particulier l’importance du stockage comme préalable à l’apparition de sociétés stratifiées ; une réinterprétation de la fin du paléolithique et du mésolithique comme une période charnière particulièrement riche en innovations techniques et en changements sociaux. Au cours de sa démonstration, il s’intéresse à la définition de la sédentarité, à la typologie des techniques de stockage, il effleure les questions de tributs, dons, partages des produits de la chasse…

En un mot, difficile de résumer ce livre foisonnant et passionnant, que j’ai trouvé toujours d’actualité 40 ans après qu’il ait été écrit. L’élaboration du discours théorique est convaincant, appuyée sur une abondante littérature, dont les apports et les limites sont discutées ; la théorie est mise à l’épreuve de ses limites de façon convaincante. Je ne suis qu’une néophyte dans ce domaine et je peux donc difficilement contester l’utilisation qui est faite de cette masse de données, mais j’ai trouvé la construction théorique solide, convaincante et stimulante. Le lien entre stockage d’un côté et sédentarité et apparition des inégalités d’autre part me paraît éclairant. Seul petit bémol pour moi : si je comprends que le stockage nécessite l’existence d’une ressource abondante (ainsi que, bien sûr, la connaissance des techniques de collecte et de stockage nécessaire), je n’ai pas bien compris pourquoi Alain Testart faisait de la saisonnalité de cette ressource une obligation pour l’apparition d’un stockage qui permet l’accaparement du travail ou de la richesse produite par autrui, mais c’est là un point probablement mineur et les observations de terrain donnent raison à Testart puisque les sociétés à stockage sans saisonnalité ne semblent pas particulièrement inégalitaires dans les exemples qu’il décrit.

Voilà donc un livre intéressant, stimulant, avec une théorie qui complexifie et donne de la profondeur à ma compréhension du monde qui m’entoure, et que c’est agréable de se sentir plus intelligent après la lecture d’un livre, grâce au travail de conceptualisation et de vulgarisation hors pair dont ce livre témoigne.



Merci aux éditions Folio de m’avoir permis de lire ce livre dans le cadre de la masse critique Babelio.
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Les chasseurs-cueilleurs ou L'origine des i..

Le grand livre d'Alain Testart, "Les chasseurs-cueilleurs ou l'origine des inégalités", paru en 1982, est réédité dans la collection Folio-Histoire, et précédé d'une préface qui retrace l'influence de cet ouvrage sur la préhistoire et l'ethnologie. L'auteur se recommande particulièrement par sa maîtrise du bon style, clair, argumenté et surtout sans jargon, ce qui le distingue des plumes habituelles dans le domaine des sciences humaines, souvent illisibles ou du moins pénibles. Son titre se réfère à l'essai de Rousseau sur l'origine et les fondements de l'inégalité, tout comme son très beau livre sur les morts d'accompagnement, réflexion sur l'esclavage, se référait à La Boétie ("La servitude volontaire"). Par ces allusions et reprises, Alain Testart a soin d'ancrer sa réflexion ethnologique et ses observations de terrain dans le mouvement plus large de la philosophie occidentale.

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On a longtemps cru que l'inégalité entre les hommes naissait de l'agriculture, et de la sédentarisation des groupes humains, autrement nommées "révolution néolithique". L'auteur s'attache à montrer que ces termes, agriculture, sédentarité, inégalité, ne sont pas liés entre eux par un lien nécessaire, en expliquant que les sociétés de chasseurs-cueilleurs, pré-agricoles, connaissent aussi l'inégalité ainsi que la sédentarité, avant même de pratiquer la moindre culture des sols. La clé de tout cela est la possibilité de stocker les denrées récoltées, le produit de la chasse et de la cueillette : les groupes humains qui ne stockent pas, pour des raisons essentiellement climatiques, ne connaissant ni la sédentarité, ni l'inégalité. Ceux qui stockent, en revanche, peuvent se permettre de s'établir à proximité de leurs ressources alimentaires, et les inégalités apparaissent en même temps que le stockage et la spécialisation artisanale. Tout ce processus complexe n'a que peu à voir avec l'agriculture. L'auteur précise : "le caractère révolutionnaire attribué au néolithique a plus à voir avec l'établissement d'un système sédentaire à stockage qu'avec l'agriculture ... (p. 311)

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Bien sûr, le livre ne se réduit pas à ces abstractions, qui en fait ne se formulent qu'après de longues enquêtes et descriptions de sociétés de chasseurs-cueilleurs, stockeurs ou non. C'est ce qui fait son charme et son intérêt principaux, et on lira ce tour du monde pour la satisfaction qu'il donne à la curiosité de l'amateur. Comme il corrige au passage de nombreuses erreurs, des préjugés enracinés, l'instruction rejoint le plaisir. Ceux que cela intéresse pourraient lire ensuite "Le premier temple, Göbekli Tepe", de Klaus Schmidt (CNRS éditions) , essai de description archéologique d'un monument bâti par des chasseurs-cueilleurs.

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Tous mes remerciements à Masse Critique pour ce volume.
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