Citations de Alex Marzano-Lesnevich (200)
Mais en regardant le cercueil s'immobiliser dans la terre avec un à-coup imperceptible, je ne peux qu'imaginer qu'elle se sent vide, que la douleur telle une faux l'a éviscérée. Elle se réveillera bientôt de cette semaine. Il le faut. Elle se réveillera et Jeremy sera en train de tirer sur la couverture au pied de son lit, il lui dira de se lever, maintenant, allez, viens jouer. Et quand elle le verra, le brouillard de ce rêve atroce se dissipera enfin.
"J'ai décidé de me considérer comme quelqu'un qui n'a pas subi d'abus sexuels". Ça a été extrêmement brutal pour moi d'entendre ces mots. [...]
Elle ne peut pas prétendre que rien de tout cela ne s'est produit. [...]
J'ai changé le nom de ma sœur dans ce livre, et autant que possible j'ai changé les noms des autres membres de ma famille et de certaines personnes qui ont traversé la vie de Ricky. Mais je ne peux pas me résoudre à écrire un récit qui isole une fois de plus au sein de ma famille ce que j'ai eu à vivre. Je refuse de faire sur la page ce qui a été fait dans la vie.
C’est de cette manière que le choix a été posé pour le jury : Ricky est-il un individu foncièrement mauvais, un monstre qui a brutalement assassiné un enfant innocent ? Ou bien Ricky s’est -il battu toute sa vie contre ses démons, contre sa nature profonde, une bataille qui l’a rendu psychotique et a abouti à la mort tragique d’un enfant ?
Ce qui m'a tant séduite dans le droit, il y a si longtemps, c'était qu'en composant une histoire, en élaborant à partir des événements un récit structuré, il trouve un commencement, et donc une cause. Mais ce que je ne comprenais pas à l'époque, c'est que le droit ne trouve pas davantage le commencement qu'il ne trouve la vérité. Il crée une histoire. Cette histoire a un commencement. Cette histoire simplifie les choses, et cette simplification, nous l'appelons vérité. (p. 429)
« Ce qui m’a tant séduite dans le droit il y a si longtemps, c’était qu’en composant une histoire, en élaborant à partir des événements un récit structuré, il trouve un commencement, et donc une cause. Mais ce que je ne comprenais pas à l’époque, c’est que le droit ne trouve pas davantage le commencement qu’il ne trouve la réalité. Il crée une histoire. Cette histoire a un commencement. Cette histoire simplifie les choses, et cette simplification, nous l’appelons vérité ».
Lorsqu'on vous offre une planche de salut, vous ne cherchez pas à savoir si c'est la bonne . Vous l'attrapez et vous y cramponnez de toutes vos forces, un point c'est tout.
Le confinement lui rend impossible de s'échapper de lui-même, de s'échapper de qui il est, toujours trop bruyant au-dedans.
Mes deux parents, j'apprends à les connaître mieux et différemment à travers leurs livres. Dans les livres, je découvre la sourde vibration de tout ce qui est indicible. Les personnages pleurent comme je voudrais pleurer, aiment comme je voudrais aimer, ils crient, ils meurent, ils se battent la poitrine et ils braillent de vie.
Qui sait comment chacun trouve sa place dans une famille ? Les rôles sont-ils assignés ou choisis ? Et au demeurant, même entre frères et sœurs - même entre jumeaux - on ne grandit pas dans la même famille. On n'a pas le même passé. Mais pendant que je me débats pour y échapper - au passé -, mon frère le porte en étendard. Plus tard, il sera le gardien de la famille, celui qui se souvient des fêtes et des anniversaires, celui qui dresse la liste de cartes de vœux à envoyer pour Noël, celui qui passe des heures à ranger soigneusement des photos de famille - que je ne peux même pas regarder - dans des albums qu'il a fait imprimer tels des livres de photos d'art.
Dans ma famille, une douleur, ce sera toujours la mienne ou la tienne, à monter l'une contre l'autre et à mettre en balance , jamais une douleur collective, jamais une douleur de famille. Est-ce que ce qu'il se passe dans une famille est le problème de la famille, ou le problème de celui ou de celle qui en est le plus affecté ?
Il est bien possible que ce que l'on voit en Ricky dépende d'avantage de qui l'on est que de qui il est.
p.215, éditions 10/18
Je ne sais pas reconnaître ceux avec lesquels je peux m'estimer en sécurité et ceux avec lesquels je ne le peux pas, je ne sais même pas ce que signifie le sentiment de sécurité. Je sais seulement que j'ai besoin de quelqu'un pour exister.
Je vis entourée de secrets, de non-dits. Sous la surface de ce qui peut être dit subsiste la vibration d'un monde qui n'appartient qu'aux ténèbres.
Même entre frères et sœurs on ne grandit pas dans la même famille. On n'a pas le même passé.
« Je porte ce souvenir quelque part dans mon corps, en un lieu que je ne peux contrôler, auquel je ne peux même pas accéder pour en supprimer toute trace. Je veux tout de même en supprimer toute trace. Je veux tout de même en être libérée. Mais je me sais assujettie à des liens que je ne verrai jamais, ne comprendrai jamais. Nous portons en nous ce qui nous fait. »
« Ce que j’aime dans le droit, c’est qu’il me donne la chance d’apprendre un peu de tout », me dit mon père.
Indiana, 1986.
L'homme au centre de ce procès, dont la personnalité sera interminablement discutée et débattue, interminablement reconstituée et disséquée dans un dossier qui finira par faire près de 30 000 pages, cet homme restera en ce sens une énigme.
Il est bien possible que ce que l'on voit en Ricky dépende davantage de qui l'on est que de qui il est.
'est donc les procès de 2003 - celui lors duquel Lorelei a témoigné en sa faveur, et qui s'est achevé juste avant que j'arrive en Louisiane - qui a décidé de son sort. Pourquoi, dans ce cas, y a-t-il eu un autre procès ensuite, le troisième ? Il était coupable du meurtre, c'était établi. Qui pouvait bien avoir insisté pour remettre ça ?
P. 279
Dans les livres, je découvre la sourde vibration de tout ce qui est indicible. Les personnages pleurent comme je voudrais pleurer, aiment comme je voudrais aimer, ils crient, ils meurent, ils se battent la poitrine et ils braillent de vie. Mes journées sont poisseuses de sommeil cotonneux qui les étouffe et les emmêle.
Le silence fonctionne de la sorte. Il n'est pas fragile. Il protège les moments resplendissants et aussi les moments perturbants.