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Citations de Alice Renard (131)


J’ai toujours distingué deux types d’amitié. Les amitiés de circonstances et les amitiés par élection. La différence, la hiérarchie que j’établis entre les deux ne se dit pas en termes d’intensité mais plutôt de prestige moral. Je m’explique. Les amitiés de circonstances (le principe est également valable pour l’amour) se nouent sous une certaine forme de contrainte : nous sommes camarades de classes, collègues, colocataires, voisins. C’est à force de se voir que nous devenons amis. Par la force des choses. Je ne nie pas qu’il faille toutefois un terrain fertile pour que ce genre d’amitié s’établisse – ainsi, nous ne sommes pas amis avec tous nos voisins. Mais la proximité quotidienne enclenche voire force un processus qui, autrement, aurait pu ne jamais advenir. Chaque jour ou presque, le quotidien partagé alimente les conversations et il n’est besoin d’aucun effort pour savoir où et quand se voir, ou quoi se dire. Ces amitiés ou amours de circonstances remplissent nos vies et je ne les méprise pas. Mais il me semble qu’un type de relation supérieure existe : celle par élection. On se croise un jour et, entre nous, les évènements naturels devaient s’arrêter là. C’est nous qui décidons de faire entrer l’autre dans notre vie. Certains qu’il s’agit là d’une chose d’importance, nous nous rappelons, nous nous donnons des rendez-vous, nous nous écrivons puisque nous voulons changer le cours du destin et nous fabriquer de toutes pièces, par la seule force de notre volonté, un quotidien où l’autre soit.
[…] Mais la règle est, me semble-t-il, que plus ou moins plus de notre volonté (plus elle est mise à l'effort) plus l'amitié a de valeur.
(p.64-66)
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Je n'oublierai jamais ce moment, les sourcils velus et arrogants du médecin, un jeune interne en psychiatrie. Docteur Jard - fier comme un coq. Pour lui, tout était clair. Isor avait effectivement des difficultés à se concentrer, c'était tout. Il avait passé trente minutes avec elle, mais ça y est, il la connaissait mieux que nous, avait tout compris, et me démontrait l'infinie supériorité de son expertise par une chiée de mots savants appris d'hier.
(p.28)
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Quand on est jeune, il est absolument impossible de s'imaginer ce que c'est qu'être vieux. Même avec un esprit vif et plein d'imagination, cette idée-là est hors de portée. Peut-être peut-on concevoir ce que le corps subit : l'arthrose, la faiblesse dans le corps pour marcher, dans les bras pour soulever, dans les mains pour ouvrir le moindre opercule. Mais combien l'esprit se fatigue et s'oublie, non, non, c'est inconcevable. Le courage, la patience qui manque à chaque imprévu. Les moindres perturbations vécues comme des bouleversements dont il faut parfois quinze jours pour se remettre. Cette impression qu'on a vidé tous les stocks : d'amabilité, d'enthousiasme, de volonté. Et cette étrange parcimonie de la tendresse qui s'instaure lorsque l'on se persuade que les réserves sont épuisées...
(p. 63)
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Lucien me manque encore pire que les couleurs quand vient la nuit
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C’est dans les larmes que l’on pressent la douleur qui doit être la sienne. Une douleur indescriptible, au-delà de tout. Pas au-delà en intensité, non. Simplement, elle prend place hors de là où gisent les douleurs ordinaires. Celle-ci se situe plus loin, plus profond, sur une autre couche, proprement indéracinable. À côté de toute vraisemblance. Vissée à son être par des vis de fer.
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Pourtant, ton nom, je l’adore. Je te le dirai demain, quand tu viendras. C’est formidable comme il me fait voyager, ton nom. Isor, à mi-chemin entre Isidore et Igor. Isidore de Séville, c’est Carthagène, c’est l’évêque de cette Espagne wisigothe du VIe siècle qui a écrit Les Étymologies. C’est l’Andalousie des premiers siècles du christianisme, et le Guadalquivir qui serpente depuis Cordoue et qu’ont peut-être remonté les Maures. Tout à l’inverse, à l’autre bout du spectre de ton nom, il y a l’hiver russe et ses vents glacés comme des coups de poignard. Un de ces noms du Michel Strogoff que je lisais enfant, et le périple de Moscou à Irkoutsk, capitale de la Sibérie orientale, pour avertir le tsar que les hordes de barbares déferlent. La force russe, la tragédie et la rage face aux envahisseurs – tout cela dans tes yeux grands ouverts.
Mon Isor, assurément ton nom était pour toi, un nom émaillé de vaillance ancienne, patiné de sagesse disparue.
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J'ai toujours été mal à l'aise en compagnie d'enfants. De mon temps, les enfants, soit on les ignorait, soit on les traitait en adultes avant l'âge. C'était nous, les adultes, qui tirions leur sort à pile ou face. Aujourd'hui, j'ai l'impression que les enfants ont perdu leur étymologie. Ils ne sont plus in-fans, ceux qui ne parlent pas encore : ils ont appris à importuner. Ce sont des boîtes à questions, des moulins à demandes. Toujours à attendre de vous quelque chose. Pire que des créanciers, ils vous réclament des comptes.
(p.69)
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L’amour a sa grammaire. Et comme dans toutes les langues, sans la pratiquer, on la perd. Au fil des mois, j’ai réappris l’Absence, l’Attente, le Comblement, la Dépendance, la Fête, l’Impatience, la Jalousie, le Rêve et la Rêverie, le Ravissement, le Rendez-vous, la Solitude et le Souvenir. Tout un abécédaire que je potasse studieusement. J’aime être cet écolier des sentiments.
Dis, dis, mon Isor, reviendras-tu demain après-midi ?
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Vous les deux,
Je respire. Je suis libre. Je marche sur les chemins noirs. Le monde est à moi. Je suis libre ! Comment il va, Lucien ? Dis-lui que tout ira bien de lui comme de nous.
J’affronterai son désastre pour lui.
Je rencontre la nuit. A Bercy, j’essaye, pour pas que tu t’effrayes, de rentrer tôt, et puis c’est des nuits de la ville, des nuits qui n’en sont pas, des nuits où s’agroupent les gens qui ont peur des nuits. Ici, pas de fuite ! Je regarde les couchers de soleil, pour ce que je veux voir la nuit qui arrive avec les siennes facéties et lenteurs. A cette heure-là, il y a quelque chose faite pour moi, à ma taille. Pour la première fois, j’ai plus d’air que j’en boirai.
J’avais des murs dans la tête. Des murs partout partout partout. Les articulations qui grippent, le sentiment entre les œillères. Ne pas oser s’élancer à la lutte, à la conquête. Mais maintenant me suis mise à table du soleil et veux rencontrer les hommes et les femmes qui ont du turquoise plein les poumons. Ai franchi les barbelés de l’asphyxie et je vis ce que je suis née. Suis grande aujourd’hui.
Reviendrai vite pour aboutir les promesses.
Bises, bises, bises, t’en fais pas ! Je vis le beau temps,
I.
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Je veux te dire encore qu'y a deux jours nous allons sur la tombe de sa mère, une stèle sans rien, sur le nord à Taormine. On y voyait la baie qui scintille pareil que les bijoux. On dépose au sol, dessus, des pommes de pin et des coquillages pour faire les mandalas, des cercles et des couronnes. Calme, calme, calme… Un instant plein comme une bille qui roule.
(p.146)
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Mon poussin, ma toute petite, moi qui t’ai formée au rythme des secrets de mon ventre, je t’ai vue finalement grandir. En dépit de tout. De toutes ces choses incompréhensibles et qui t’étaient contraires. père Je n’étais pas fait pour être le père d’une telle enfant. Aujourd’hui, bientôt, d’ici peu, ce ne sera plus tout à fait une enfant. Elle a grandi. Mais moi je ne serai toujours pas fait pour être son père. mère Je pétris la pâte à gâteau, et je pense à toi. Tes visages butés et candides, à tous tes âges, se superposent et ­m’absorbent. Je suis heureuse. Je sais que tu es là, en ce moment, à quelques mètres derrière mon dos, sur le canapé vert du salon, à regarder la lumière, les paupières mi-closes. Et cette image est comme la photo de couverture de tous mes souvenirs, que je feuillette à présent. père Elle a toujours été frappée d’une forme de débilité, sur laquelle jamais personne n’osa réellement poser de nom. Comprendra-t-elle seulement que nous nous réjouissons aujourd’hui, pour son anniversaire ? Nous qui l’avons portée à bout de sacrifices…
Moi, ta mère, je le sais : quand tes yeux transpercent, quand ton regard nous file entre les doigts, c’est que tu comprends des choses que nous ne comprendrons jamais.
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Un regret, ça ne se conserve pas comme une boule à neige, en mémoire d'un voyage passé. Un regret, aussi, ça peut se jeter à la poubelle.
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Elle ne distingue pas la frontière entre ce qui se fait et ce qui ne se fait pas, parce que c'est trop dangereux ou trop intime. Elle n'a pas compris que c'était la tâche des anges.
(p.132-133)
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Ma père mon mère, les deux,
Toute chose est bien. Le matin, quand je lave les cheveux, je me dis : peut-être ce matin ils vont pas boucler ? Et finalement, à la manière de tous les autres jours, les boucles se reforment depuis les cheveux lourds et lisses d’eau. Je suis toute contentement.
Mère, papou, ici sont les volcans. C’est fou : avant je m’ennuie tellement que j’aurais pu me mordre mes doigts, me mordre mes mains, me mordre mes bras pour que se passe quelque chose. Ici sont les volcans. J’écoute les grands ventres qui gargouillent. Comme des ventres enceintes. Les gens ont peur, parfois, mais c’est si bon. Je prends le bateau pour rejoindre la grande île.
Suis en train de laisser pousser des racines dans cette terre. De longues longues racines. Parce que j’ai l’impression que j’en ai de sérieuses.
Je vous embrasse comme j’aurais fait si je suis là,
I
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Lucien lui c'est ma confiance. Dit qu'avec la colère et l'envie on vit peut-être même mieux que les autres.
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mère
(...)
Ce qu'elle fait, en tirant le tapis, en sortant les ustensiles de leur tiroir, en retournant les housses des cousins, c'est qu'elle réagence l'espace selon ce qui la touche. Quand c'est fini, elle rigole, d'un rire vraiment sonore. Alors, c'est comme si la pièce répondait à son émotion, lui correspondait, et je sais que ce qu'elle ressent est une harmonie. Chaque sensation est à sa place.
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Elle ne distingue pas la frontière entre ce qui se fait et ce qui ne se fait pas, parce que c'est trop dangereux ou trop intime. Elle n'a pas compris que c'était la tâche des anges.
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Dans une vie on n'a qu'un stock limité de patience et d'endurance.
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Le vide que les morts laissent ne se rebouche jamais, on ne se remet jamais de cette béance-mais j'ai compris que l'on pouvait créer le plein à côté du gouffre, ça oui. (...) ce qui est perdu ne revient pas.
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Toi, tu as de la joie pour trente. A défaut de produire la mienne, je peux au moins siroter celle qui s'écoule de toi.
Mais voilà que, pourtant, j'en arrive à espérer qu'un jour tu saches réparer ma joie.
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